Municipales 2014 « Les mairies sont les remparts contre l’austérité » : interview d’Aline Guitard, candidate Front de gauche

Vous proposez une extension du programme d’insertion Andatu pour les familles Roms. Pendant ce temps-là, l’équipe municipale actuelle continue de dire que l’avenir des Roms est en Roumanie…

Si nous étions dans un monde merveilleux, les gens ne seraient pas obligés de fuir leur pays. Des gens qui se contraignent volontairement à partir c’est assez rare. Il y a des gens qui choisissent la mobilité par plaisir de voyager, pour rencontrer du monde, etc. Mais la majorité des gens qui quittent leur pays, et notamment pour venir vivre dans ces conditions, ce n’est pas par choix. C’est que les conditions dans leur pays d’origine ne leur permettent pas de vivre. Si nationalement, les Etats travaillent à mettre en place des collaborations pour assurer un développement harmonieux entre les différents Etats, il y aura effectivement moins de gens qui viennent s’installer dans les pays les plus riches d’Europe. En attendant, il y a des gens qui sont ici, et ils méritent de vivre décemment, dans de bonnes conditions. Ils méritent d’avoir des logements, de ne pas dormir sous des ponts, leurs enfants méritent d’aller à l’école. Nous sommes dans un pays où le droit à l’école n’est pas conditionné au fait d’avoir la nationalité ou d’avoir des papiers, fort heureusement. On doit donc développer les programmes d’insertions : au niveau du logement, de l’école, au niveau de la langue et de l’emploi. Nous sommes dans une ville riche, nous ne devons pas avoir peur d’intégrer les gens qui sont là. D’autant plus qu’ils ne sont pas des milliards. Nous ne sommes pas dans une invasion de Roms qui prendrait d’assaut Lyon. On est en capacité d’accueillir les gens, notamment en période d’urgence actuellement. Nous sommes dans la trêve hivernale, il y a des Roms qui dorment dehors et cela n’est pas normal. Il y a des bâtiments vides qui appartiennent à la ville, au département, au Grand Lyon, aux HCL, ce n’est pas normal que ces bâtiments restent vides quand des gens dorment dans la rue.

Sur la question des sans-abris, vous mettez en avant, au sein du Front de Gauche, votre volonté de solidarité avec cette population. Concrètement, que cela signifie ?

Il y a plusieurs propositions : l’hébergement d’urgence dans les bâtiments publics vides. Sur le 1er arrondissement, on a beaucoup parlé de l’ancien collège Truffaut, mais si on monte sur le haut du plateau, il y a aussi Maurice Scève qui est dans la même situation que Truffaut pour les mêmes raisons car les deux établissements ont été fermés. Si on fait le tour des arrondissements, on va en trouver beaucoup… À quoi servent ces bâtiments vides ? J’entends qu’il y a des projets. Mais un projet ne se monte pas en une semaine. Pendant ce temps, ne pourrions-nous pas utiliser ces endroits ? Il y a aussi des logements vides car les propriétaires, pour différentes raisons, ont du mal à louer. Et il y a des associations d’aide au logement, qui sont en capacité d’aider. On propose donc un contrat locatif à durée déterminée, qui permet au propriétaire de louer, en partenariat avec une association, qui aide les familles ou les personnes seules à se restructurer, à reprendre pied dans la vie, de trouver un emploi afin d’être de nouveau capable de prendre un logement « normal ». Ce n’est pas acceptable que des gens dorment dehors dans une ville riche et dans un pays riche comme le nôtre. Nous pensons qu’il existe les moyens pour loger les gens et qu’au fond, ce n’est qu’une question de volonté politique.

Faut-il repenser les centres d’accueil d’urgence ? Certains sans-abris ne désirent pas s’y rendre. Par ailleurs, ne faut-il pas avoir une vision plus globale et sortir de la logique d’urgence ?

Je suis d’accord avec vos questions. Oui, il le faut. Les hébergements d’urgence, c’est la gestion de l’urgence et le bon sentiment de dire qu’on ne peut pas laisser des gens dehors. Après, ce sont des nuits en collectivité, avec des gens qu’on ne veut pas obligatoirement cotoyer, dans des conditions difficiles. On peut comprendre que ce soit insupportable. Certes, ça ne l’est pas moins de dormir dans la rue. Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut plus d’hébergement d’urgence. Il s’agit de poser les questions autrement et de s’attaquer à la question du logement dans cette ville. Il y a 23 000 demandes de logement social chaque année qui ne sont pas satisfaites. Bien qu’il y ait des efforts depuis 2001 dans la construction de logements sociaux, ce n’est toujours pas suffisant. Il faut accélérer. Il faut aller plus loin de façon à que les gens ait accès à un toit. Personne ne choisit de dormir dans la rue.

La proposition d’un contrat locatif à durée déterminée permet aux gens, non pas d’être dans un foyer d’urgence où il faut rappeler tous les soirs le 115, ce qui prend beaucoup de temps et ne permet pas de se remettre à flot dans sa vie personnelle et professionnelle. À un moment, il faut travailler avec les associations afin que tout le monde ait un toit, et non pas seulement survivre en logement collectif. Il faut quelque chose qui soit adapté à chacun et à son intimité. Les foyers manquent d’intimité. Il faut donc travailler la question du logement d’urgence en même temps que la question globale du logement. Nous proposons d’aller plus loin que les obligations de la loi SRU. On veut atteindre les 25% de logements sociaux dès 2020 et non pas en 2025. Aller au 30% de logements sociaux en 2030. Pour y arriver, il faut exiger que, sur toutes les nouvelles constructions, 50% soient sociaux. Et dans ces 50% il faut exiger qu’une très grosse part soit tournée vers les catégories les plus défavorisées, ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui, où nous avons du logement social « plus ».

Ces dernières années, la ville a mis en place une politique du mobilier urbain qui vise à exclure les sans-abris du centre-ville. Concrètement, reviendriez-vous sur cette tendance ?

La volonté qui est d’empêcher les sans-abris de s’allonger sur un banc rejaillit aussi sur la mamie ou le papi qui ne peuvent plus s’assoir nulle part. Ce sont des choix qui sont effectivement à destination des sans-abris, à l’instar de ce qui se passe dans le métro, où il y a des sièges individuelles et pas des bancs. Il faut retrouver de la convivialité.

C’est tout de même quelque chose de fort et de symbolique dans la politique de la ville…

Oui, dans certains endroits, ça sera vital de les enlever. Et dans les endroits où il n’y en a pas, on mettrait que du mobilier normale.

Que préconisez-vous pour les personnes âgées, notamment au niveau de l’accompagnement ? Avez-vous une politique spécifique dédiée à cette tranche d’âge ?

Il y a deux choses : d’abord il y a un manque de place en maison de retraire. À un moment, pour un tas de raisons, les gens ne peuvent plus garder les anciens à la maison. J’ai été confronté à cela. Mon père avait Alzheimer. Ma sœur et moi travaillions à temps pleins. De fait, nous n’avions plus le temps et la présence de nous occuper de lui. À Lyon, il y a beaucoup d’établissement à but lucratif, très chères, et donc pas forcément accessibles au plus grand nombre. Il faut développer davantage de maison de retraite intramuros. Nous, nous avons fini à Albigny sur saone : soit une heure et demie pour aller voir notre père en transport en commun.

Il faut donc répondre à ce besoin. Et puis, il y a ceux qui sont capables de continuer à vivre chez eux mais qui ont besoin d’aide. On ne finit pas tous dans un état où la santé ne nous permet plus de vivre chez nous. Il faut créer des logements plus petits, adaptés, afin que les personnes âgées puissent rester vivre dans leur quartier, les ménages dans un bâtiment plus adapté, avec par exemple un ascenseur.

Il y aussi l’idée d’habitat coopératif. Dans l’idée, c’est ce qui s’est fait à Villeurbanne avec le village vertical. L’habitat coopératif, ça existe beaucoup en Allemagne, y compris dans les petites villes. Des étudiants vivent dans le même immeuble que des personnes âgées où il y a un vrai échange de services. Les étudiants ont un loyer moins cher en échange de quoi ils aident à faire les courses ou d’autres choses. Cela créé du lien social, ça évite l’isolement, ça améliore les rapports entre les uns et les autres, et surtout, ça permet aux personnes âgées de rester dans leur quartier. C’est difficile d’être « arracher » du quartier ou l’on a vécu toute sa vie, même si c’est la meilleure solution pour vivre bien. On doit travailler pour que les gens puissent rester dans leurs quartiers et puissent avoir des liens avec les plus jeunes.

La rédaction

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