Le Collectif « Stop le contrôle au faciès » inquiet mais déterminé

[Dossier contrôles d’identité] Le Collectif Stop le contrôle au faciès créé en 2011, se bat pour la mise en place du récépissé à travers de nombreuses actions et initiatives. Le LBB s’est entretenu avec le Collectif dont l’action sur le terrain et dans la sphère politique est d’autant plus nécessaire dans la période actuelle.

L’adoption du projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour une durée de trois mois est « vraiment une nouvelle horrible » aux yeux du Collectif qui considère que « ça va être pire. Maintenant ce n’est plus le Ministère de l’Intérieur qui protège la police, c’est l’État ». Pour les associations composant le Collectif contre le contrôle au faciès, « ce qui est grave et ce qui est triste, c’est que c’est inefficace. Ce n’est pas du tout comme ça qu’on va trouver des terroristes ! Mais en plus, c’est contre-productif. Parce que justement ça va empirer la situation et donner raison aux contrôles discriminatoires et cette espèce d’impunité des contrôles au faciès. C’est hyper dangereux. C’est au-delà de la politique… »

Depuis la semaine dernière, le Collectif s’inquiète énormément des mesures mises en œuvre à la suite des attentats du 13 novembre : « Il y a un truc très grave là, les familles de victimes de violences policières viennent d’apprendre que les policiers pourront être armés même hors service. Les gens sont désemparés ! »

Le port d’armes étendu pour les policiers et les diverses mesures prises au nom de la sécurité des citoyens semblent dangereuses pour le Collectif : « On va faire plus de contrôles et les flics pourront sortir une arme quand bon leur semble, c’est complètement inconscient ! C’est une mise en danger de tout le monde. »

« Maintenant, c’est une question de vie ou de mort ! »

© Stop le contrôle au faciès
© Stop le contrôle au faciès

Le Collectif s’alarme également des répercussions que l’état d’urgence aura sur le déroulement des contrôles d’identité : « Les contrôles seront beaucoup plus discriminatoires, et beaucoup plus violents. Les gens les rapporteront beaucoup moins, ils vont se résigner. On a beaucoup moins de plaintes dans les moments où c’est le pire. » 

Même si aucune donnée officielle n’est disponible, on comptabilise 10 à 15 morts par an en moyenne liés à la police et le Collectif craint fortement « que 2016 soit beaucoup plus meurtrier, ça risque de doubler. C’est un grave problème. »

Finalement, les membres du Collectif Stop le contrôle au faciès sont « tous inquiets, mais d’autant plus déterminés que les gens connaissent leurs droits. » Les mesures sécuritaires renforcées par l’état d’urgence confortent le Collectif dans l’utilité de ses actions d’information et de lobbying ainsi que la détermination à continuer à sensibiliser les publics : « Maintenant, c’est une question de vie ou de mort ! Ça va être dur de motiver les gens à ne pas laisser passer. »

« On continue de promouvoir le récépissé parce que c’est inévitable »

Au-delà de l’actualité, la lutte contre le contrôle au faciès continue pour les membres du Collectif. Si la problématique principale est de ne pouvoir ni tracer ni comptabiliser les contrôles ; la mise en place du récépissé pourrait permettre d’évaluer ces contrôles et d’en changer les pratiques et les modalités : « C’est terrible parce des policiers font l’apologie de cette mesure du récépissé à l’étranger, et ici le seul qui a bloqué c’est Manuel Valls. C’est un peu comme si c’était le sujet sur lequel il ne voulait pas plier. »

Le Collectif rejette vigoureusement l’argument des réfractaires qui en parlent comme d’une mesure « gadget ». Le récépissé permettrait, au contraire, de réduire les discriminations tout en améliorant l’efficacité policière. Ce que ne permet pas la réforme mise en place début 2014 : « Le matricule, c’est juste l’application du Droit européen et en plus de ça c’est un scratch tout petit qui a tendance à disparaitre quand il est malvenu. » Selon eux, les mesures qui ont été prises visent essentiellement à protéger les fonctionnaires de police : « Les caméras-piétons, c’est vraiment une insulte à l’intelligence du public. C’est surtout pour protéger les policiers en cas d’usage de la force. Si ces mesures avaient été axées pour arrêter le contrôle au faciès, les caméras seraient allumées 24 h/24 et toute procédure non filmée serait nulle. Et admettons que le Défenseur des Droits y ait accès quand il veut par exemple, ce serait une mesure pour la protection du citoyen ».

© Stop le contrôle au faciès
© FATAHGRAPHY

Pour autant, l’apaisement des rapports entre les forces de police et les citoyens est essentiel et nécessaire, d’où l’importance d’évaluer les contrôles, d’en mesurer l’efficacité et d’en dénoncer les abus : « Comme la police représente l’État, quand elle se comporte mal avec une partie de la population, les

Le Collectif se mobilise également au niveau juridique ; il est à l’origine de la première action en justice collective contre pour contrôle abusif : « On ne pensait tellement pas gagner ! On a été pris de court. C’était une très belle surprise pour le terrain. La victoire, ça a donné une patate aux gens ! »

gens voient que leur État, leur France, les traite mal. Donc le message qui est envoyé par le refus d’analyser ces pratiques et d’essayer de les améliorer, c’est un message de refus de savoir comment mieux traiter ses citoyens. C’est là où c’est dramatique. »

La proposition du Collectif a reçu de nombreux soutiens politiques grâce à une campagne nationale médiatique visant à créer cette traçabilité des contrôles. Elle a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs propositions de loi : « C’est bien, mais ça ne suffit pas il faut aller plus loin. C’est un sujet sur lequel on ne peut pas revenir en arrière… Il y a trop de ministres en faveur. On continue de promouvoir le récépissé parce que c’est inévitable ! Ce n’est pas de savoir “si” c’est juste de savoir “quand”. »

Depuis les attentats de janvier dernier, les forces de l’ordre sont énormément sollicitées et sont déjà à bout de souffle. Dès le 14 novembre, des renforts ont été réquisitionnés pour surveiller les lieux publics et rassurer les citoyens. Il ne s’agit pas de sombrer dans la paranoïa, mais bien de rester vigilants.

La rédaction

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