mur de chaussures

Immersion dans le streetwear lyonnais. Episode 5 : Streetwear d’élite entre Rhône et Saône

Lyon, ville de tradition, s’est avérée être un terreau fertile pour le streetwear. Cette culture a su créer ses propres codes, du vestiaire de sport à la banlieue, de l’habit à l’attitude. Si vous n’avez pas lu le quatrième épisode rendez-vous ici : Immersion dans le streetwear lyonnais. Episode 4 : David contre Goliath – (lyonbondyblog.fr)

Le streetwear lyonnais est devenu à l’instar de la société actuelle, portée sur la création d’une notoriété. Développé voire exploité par les firmes internationales comme Adidas, Gucci, Jordan ou même le PSG, cette idée que la communication doit être maitrisée et que rien ne doit dépasser fait le bonheur d’initiatives locales à Lyon. Agences de communication, créateurs, revendeurs ou rappeurs : tous veulent prendre leur part du gâteau.

Sappe et ballon rond

Le streetwear à Lyon attire désormais une population beaucoup plus mainstream. Les marques comme Adidas avec Yeezy, ou Nike avec Jordan, ont compris que l’identité de leur produit était parfois moins forte que l’histoire qu’on peut raconter aux clients. C’est dans cette dynamique du « tout est possible » que Kulture a vu le jour.

Le magasin Kulture s’affirme comme une référence en plein cordelier. Crédit : Tristan

Le projet est né de deux associés, Bryan et Yanis, qui se sont rencontrés sur les bancs d’une école de commerce. L’un porté sur la mode, l’autre sur le business, ils veulent créer quelque chose de fort pour la Culture. Ils remplacent le C par le K et créent leur boutique en Presqu’île. Le lien avec le rap est tellement fort que des rappeurs viennent pousser la porte du magasin « Gradur nous a donné grave de la force. Récemment on a reçu GuydeBezbar, qu’on voulait aussi depuis longtemps », rapporte Bryan. Tellement de force, qu’une des rencontres qu’ils ont pu faire grâce à leur shop les envoie directement en loges du concert de Ninho en avril. L’occasion d’offrir une paire de basket à l’un des rappeurs les plus influents du rap. « Ninho était à Lyon et grâce à Dinor, un autre rappeur, on s’est retrouvés au concert d’un artiste que j’écoute le plus. On se retrouve à lui préparer une petite paire pour son concert, échanger avec lui et son équipe. Je me disais que je n’avais rien à faire là, que j’avais juste ouvert un magasin de baskets à Lyon ».

Pour Bryan, les opportunités ne manquent pas, bien que selon lui « Lyon devrait être beaucoup plus respectée en France ». Fan de football, le magasin connecte aussi avec Maxwell Cornet et sa femme : « Les footballeurs, ce sont des personnes qui sont très portées business et qui aiment cette mode. C’est un secteur en pleine expansion, avec de l’argent à la clef. Maxwell et sa femme, nous ont fait confiance très tôt ». Ces liens improbables sont rendus possibles grâce à une culture qui n’a plus de frontière. Entre agence de communication, mode, marques et joueurs de football, il n’y a désormais qu’un seul pas.

Resell made in Lyon

Le nouveau magasin « Les Pièces Concept ». Crédit : Tristan

C’est exactement le schéma de pensée d’un second magasin phare de la scène streetwear lyonnaise. Véritable game-changer, Les Pièces Concept, anciennement Les Pièces Vintage, débarquent à Lyon en 2017. Ils ont une fâcheuse envie de donner à la jeunesse lyonnaise, un amour pour le textile, une seconde vie à leurs vêtements. Le premier pari d’Alan et Sosama, les deux fondateurs, est de pratiquer le resell, c’est-à-dire de revendre plus cher des pièces rares produites en petits exemplaires créant une certaine rareté ; mais aussi des pièces vintages, et leur donner une seconde vie. Stone Island, Jordan, Off-White, Gucci… Toutes les marques se suivent et donnent lieu à un concept novateur. Le magasin devient rapidement La Mecque du textile hype à Lyon, popularisé aussi et surtout par une forte communauté rap : « Les Pièces Vintage ont toujours été liées au rap, par Lyonzon notamment et Mazoo » nous rappelle David, actuel associé au projet.

Leur mur de sneakers unique en Europe. Crédit : Tristan

Désormais, le magasin s’est délocalisé quelques mètres plus haut que l’ancienne adresse qui a vu naître le concept. Un peu moins de vintage, plus de resell de textile et un choix de baskets inégalé à Lyon, voire en Europe. Une entreprise qui ne cesse de croitre et une notoriété qui prend le même chemin : « Les artistes viennent vers nous petit à petit : Benjamin Epps est venu le week-end dernier, on a reçu l’équipe d’Orelsan cette semaine. Ils voient qu’on est sérieux, et qu’on reçoit des joueurs de foot, de basket, d’athlètes, des personnalités… ». Le lieu prévu pour trois vendeurs, a désormais atteint 20 salariés en seulement quatre mois. Pour David, la diversification des activités en est la cause : « On a lancé un atelier de rénovation. C’est un service qu’on a mis en place car en tant que grand consommateur de sneakers, le nettoyage, la restauration ou le simple entretien reste super importants. Les clients en sont super contents ».

Cette ouverture grand public a permis à une population très jeune de se positionner sur des marques aux origines différentes : « de Jacquemus, Amiri jusqu’à ChromeHearts, une marque portée par Johnny Halliday ! ». La culture hip-hop n’a désormais plus de frontière, et vient doucement se frotter aux cadors de la mode pop/rock, pour le plus grand plaisir de ceux qui créent un business autour.

« Mettre un jogging ce n’est plus être une racaille ; c’est une connaissance de la mode »

Avec une société occidentale désormais portée sur la création d’une image de marque, d’un personal branding ou encore d’une bien-séance marketing, le streetwear bâtit lui aussi une image plus raffinée. Il fait son chemin au côté de grandes marques comme Stussy, PALACE, Nike, Jordan, Asics, Suprême… Certaines à des prix abordables, d’autres frôlant le luxe qui représentent un large panel du mouvement street actuel. Cette imagerie entre sapeur et BCBG (Beau Chic Beau Genre) est une aubaine pour les agences de conseil, qui travaillent avec des footballeurs, influenceurs et autres personnalités. C’est le cas de Manassé, qui a créé son agence Helpizz il y a quelques années. Associé avec le photographe ZACH, les deux compères parcourent le monde entier pour créer une identité forte à leurs clients. Parmi eux, beaucoup de professionnels du ballon rond comme Castello Lukeba, Malo Gusto ou encore Pierre Kalulu, qui ont tous un attrait plus ou moins important pour le textile. Manassé a toujours été l’intermédiaire entre les marques et les personnalités, bien que son métier n’ai pas toujours été reconnu. Aujourd’hui, ce sont les footballeurs qui réinventent le genre : « Pierre et Castello mettent en avant la culture street, car ce sont devenues des célébrités et que le foot est le sport le plus suivi. S’ils collaborent avec des marques, ils vont inconsciemment représenter le visage de l’urbain. C’est eux que les marques doivent pousser » détaille Manassé.

Pierre Kalulu, joueur à l’AC Milan. Crédit : ZACH
Castello Lukeba, joueur de l’OL, vu par Helpizz. Crédit : ZACH

Houssem Aouar, autre joueur de football formé à Lyon, a sorti une vidéo mettant en avant le quotidien d’une journée lors du ramadan, croisant plusieurs univers. Selon Manassé, c’est une référence qui doit amener d’autres initiatives : « Houssem a une culture football qu’il a pu mettre en avant via la rue, les survêtements, le street-football. Le montrer dans une vidéo, ça vulgarise le message. Mettre un jogging ou un survêtement, un baggi, des baskets : ce n’est plus être une racaille, c’est désormais une connaissance de la mode ».

Tylor the Creator lors de la fashion-week parisienne. Crédit : ZACH

Zach, son associé, passionné de photographie, en a lui aussi fait un métier, entre fashion-week et street photo sur la presqu’île.  « Dans la photo, tu captes une émotion, un moment figé dans le temps, tu ne sais pas ce qu’il y a avant et après. C’est ce qui fait la beauté de cet art ». Le Rwandais, arrivé à La Guillotière durant la période du collège, côtoie les sapeurs et les amoureux de la mode occidentale ici à Lyon. Mais c’est à Paris, durant la fashion-week 2018 qu’il sent que la photo prend une place plus importante dans sa vie. C’est en s’inspirant des looks de Tylor the Creator ou Pop Smoke (REP) qu’il veut mettre en avant cette culture, cet écosystème : « J’ai toujours aimé les artistes qui avaient un pied dans la mode, un pied dans la musique, comme Alicia Keys, Kanye West ou encore Pharell Williams ».

Avec Helpizz, Zach veut continuer à capter le meilleur d’un regard, d’une pose, d’un look. Il se rapproche des footballeurs, car ce sont des porte-paroles qui ont bien souvent des choses à dire, à incarner, à revendiquer « On veut nous faire croire que les footballeurs n’ont pas de vie, qu’ils passent leur journée à taper dans le ballon. La réalité ce n’est pas ça : ils réfléchissent, ça leur arrive d’être triste, d’être heureux, qu’ils s’associent avec des business, des gens… On a des choses à construire avec les footballeurs, ils ont de l’argent mais leur image n’est pas développée, L’OL ne se mouillera jamais là-dessus ».

Aujourd’hui, les personnalités (footballeurs, rappeurs, etc) peuvent enfin développer leur image depuis Lyon. De l’agence de communication au magasin de vêtements en passant par des photographes et stylistes, ils s’entourent de tous types d’acteurs du milieu.

Pour le prochain épisode, nous nous pencherons sur l’histoire de créateurs qui ont investi un écosystème fort et indépendant du textile, entre pièces en petite quantité et créations sur-mesure.

Tristan

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