Christiane Taubira : « Le racisme n’est pas une opinion. C’est un délit. »

« On n’a pas à tolérer qui que ce soit qui mette en péril le pacte républicain et le contrat social »


Une question un peu plus personnelle, tout au long de votre engagement politique, avez-vous déjà été victime d’attaques racistes ou se sont-elles accentuées depuis votre nomination au ministère de la justice ?

Oui, elles se sont incontestablement accentuées. Elles sont devenues plus violentes, plus décomplexées. C’est un mot (Ndlr : décomplexé) qu’ils utilisent mais qui ne fait pas partie de mon vocabulaire. Manifestement, il y a des gens qui s’autorisent plus facilement. Et pas seulement des citoyens enfermés dans des choses qui les font périr. Le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et le rejet de l’autre font dépérir l’esprit, le cœur et l’âme. Des gens s’enfoncent comme ça dans des espèces de putréfactions.

Ce qui me paraît plus grave, ce sont les paroles politiques. Oui, il y a une plus grande violence, de l’arrogance, du mépris, une plus grande violence au grand jour.

Christiane Taubira
Photo par parti socialiste flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Incontestablement, ça s’est accéléré. C’est pour ça que c’est un indicateur extrêmement important, indépendamment de ma personne et de ce que je peux ressentir. Mes premières paroles ont été : « Il nous faut rappeler que le racisme n’est pas une opinion. C’est un délit. Et surtout, cela touche des millions de personnes, des personnes vulnérables. » C’est ce qui me paraît important. Le fait qu’on s’autorise depuis un an et demi à le dire plus ouvertement à la radio, la télé et sur la place publique est un indicateur que la violence du rejet de l’autre s’accentue et que les gens se débarrassent de toute obligation de la loi, des règles et de la décence. Ils se débarrassent de tout. On ne doit pas laisser passer ça.

Pour ma part, je vais continuer à faire tout ce qu’il faut pour faire barrage à ces pratiques. Que les gens chez eux se défoulent devant leur miroir, qu’ils crient dans leur cour, qu’ils fassent ce qu’ils veulent. S’ils sont travaillés par une incapacité structurelle et psychologique à admettre l’existence et la présence de l’autre, qu’ils se défoulent en privé. Pas en public. Si on les laisse s’autoriser en public, c’est dans l’espace public qu’on met en danger les enfants, les jeunes et toute personne qui présente une différence. Il n’y a aucune tolérance à avoir.

Quand je demande que l’on aide les gens à porter plainte je veux effectivement qu’on soit capable de prendre la mesure de ces actes. Mais il faut leur apporter des réponses. Et les réponses sont multiples : la réponse pénale, la réponse en matière de politique publique. C’est à dire que la parole publique autorisée puisse dire la légitimité de la présence des personnes qui ont des différences apparentes. Et que personne n’a le droit de les rejeter. C’est vraiment l’enjeu du lien social, du pacte républicain, du contrat social. On n’a pas à tolérer dans cette société qui que ce soit qui se permette de mettre en péril le pacte républicain et le contrat social.

 

Vous pouvez consulter l’Interview

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En audio sur le site de Radio HDR de Rouen

Sebastien Gonzalvez

Journaliste plurimédias. Rédacteur en chef à @BondyBlogLyon @HorsDesClous https://www.facebook.com/horsdes.clous

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