Comme les 11 et 18 juin auront lieu les élections législatives, le Lyon Bondy Blog a rencontré tou-te-s les candidat-e-s de la 14ème circonscription. Cette zone comprend Vénissieux, des parties de Saint Fons et de Saint Priest. Les interviews ont porté sur les quartiers populaires, le chômage, les violences policières et l’écologie.
Les présidentielles furent à la hauteur des attentes médiatiques en terme de petits arrangements et fracas judiciaires. Lors des législatives, l’attention est moins portée sur les candidats et par conséquent, moins de scandales arrivent. Cependant, nous sommes toujours très gâtés en termes d’arrangements, de conflits et de batailles pour le pouvoir. L’émergence des mouvements qui se revendiquent transpartisans comme « En Marche » et « France Insoumise » sont à même de bousculer les codes habituels.
Le député sortant, M. Yves Blein, qui était auparavant du Parti Socialiste, a rallié le mouvement En Marche par lequel il a été investi. France Insoumise quant à elle, qui ne devait pas présenter de candidat contre Michèle Picard, a décidé finalement la semaine du 10 mai d’investir Benjamin Nivard. Danièle Corsale, qui à l’origine devait se présenter sur Les Républicains, a laissé sa place à Maurice Iacovella. Toutes ces manoeuvres vous seront expliquées dans un article à venir.
En attendant, voici la liste des candidat-e-s, et les partis ou mouvements auxquels elles et ils appartiennent.
Quelles mesures aimeriez-vous prendre en priorité pour les quartiers populaires ? Et comment favoriser l’emploi pour ses habitants qui sont plus exposés au chômage que les autres ?
Pour Damien Monchau, « Les solutions sont d’un point de vue général, car c’est toute l’économie qu’il faut changer. Il faut prendre les marges des industries qui délocalisent. Je pense que les problèmes se concentrent dans les quartiers populaires, parce qu’on y concentre la misère. » | |
Franck Muller propose une mesure phare : « On embauche les chômeurs en fin de droit, mais on ne paye pas de charge. Comme ça l’état économisera le RSA. » Même si cette mesure ne serait en fait pas très intéressante pour le budget de l’état et des collectivités territoriales. En effet, l’état économiserait en fait le RSA, moins les charges patronales qui aujourd’hui s’élèvent à une centaine d’euros pour un smic, et à environ 800 euros pour 1,5 smic. « Il y aura du travail, puisque ce sera des emplois sans charge ! » De plus, il revendique ne pas être «[…]dans la discrimination positive » qui fait dire, selon lui « il nous faut, sur un effectif de 100 personnes, dix beurs, dix noirs… ». Il s’y oppose même car il faut que « tout le monde soit égaux. » | |
Maurice Iacovella pense que le problème principal réside dans l’éducation. Les logements sont également un enjeu majeur. « L’objectif c’est bien entendu d’avoir une activité : en entreprise, en association, il faut rayonner ! » | |
Il s’inscrit dans une ligne proche d’Yves Blein , pour qui la réponse est claire : « Je pense qu’il faut investir dans les logements urbains, poursuivre la logique d’équipement sur les transports publics et tout ce qui concerne l’éducation, renforcer leur nombre et soutien à l’éducation. » En matière de chômage, « Il n’y a pas 50 mesures à proposer, il faut retrouver l’emploi. Encourager les entreprises, qui […] ont créé 2 millions d’emplois en 2017 […] » « […] la fonction publique c’est 5, 10, 15 000 emplois. Ça reste marginal en matière de création nette d’emploi. » Pour lui, le CICE est une bonne mesure puisqu’il affirme que les entreprises sont le premier pourvoyeur d’emploi. Bien que ça ne soit pas vraiment le cas, même en création nette d’emploi comme l’expliquent cet article des Échos, et cet autre de La Croix. | |
Selon Zafer Girisit, il faut résoudre les trois crises actuelles qui sont selon lui celles de l’environnement, de l’emploi et de l’économie. « Pour cela, il faut enclencher la Troisième Révolution Énergétique en commençant par le BTP. Le but est de favoriser la diminution de la facture énergétique des habitants, et donc de favoriser l’émancipation des personnes par rapport à leurs dépenses. Dans le même temps elles ont moins de problèmes de santé, et l’impact est favorable sur le budget de la sécurité sociale. L’avantage aussi, c’est que ce projet ne peut être fait qu’à l’échelle locale, par des entreprises locales, les seules à répondre à un cahier des charges aussi précis. » | |
Le candidat de France Insoumise rappelle que les jeunes des quartiers sont les plus touchés par le chômage, et que les logements sont souvent insalubres. Pour lui, il y a une véritable politique de logements à mener. Par ailleurs, « Récompenser des entreprises qui licencient, c’est un non-sens », « comme la raffinerie de Feyzin qui touche du CICE alors qu’ils refusent d’embaucher une infirmière »… D’autre part, « on compte vraiment sur la transition énergétique, pour créer de l’emploi. » De plus, « on veut revenir aux 35 heures, voire se rapprocher des 32 heures, on veut la retraite à 60 ans avec 40 annuités ». Toutes ces mesures permettraient de créer 500 000 emplois. Par ailleurs, le simple fait de payer les femmes autant que les hommes permettrait de financer la retraite. | |
Une opposition forte à ce modèle économique se ressent de la part de Michèle Picard,« il faut arrêter de donner des subventions » comme le CICE « sans contrepartie aux entreprises. » En outre, en tant que maire de Vénissieux elle a porté lors de son mandat de nombreux projets de construction de logements. Elle souhaite une politique de l’emploi. « Je pense que les quartiers populaires sont déjà dynamiques, mais il manque une véritable politique de l’emploi ». | |
Marie-Christine Seemann partage cette critique du CICE. Mais elle insiste davantage sur les droits des travailleur-se-s : « Effectivement, les quartiers populaires sont l’endroit où l’on trouve le plus de chômage, et il faut prendre le problème de l’emploi à bras le corps. On pense qu’il faut que les gens aient du travail, et que le smic soit revalorisé à hauteur de 1800 euros. » |
Quelles mesures mettre en place pour mettre fin aux violences policières dans les quartiers populaires ?
Damien Monchau est défavorable aux récépissés : « Pour contrôler quelqu’un qui a un récépissé, la personne doit donner un récépissé, et comment vérifier qu’il s’agit du sien ? Il faut la contrôler. » | |
Pour Franck Muller, il s’agit d’une « question compliquée ». « Les torts sont partagés, mais je pense qu’il faut réintroduire la Police de proximité. Il doit y avoir une chaîne de responsabilité, tout le monde se doit d’être exemplaire, et ce en partant du plus haut niveau de l’état. Si la police ne doit pas se conduire en « shérif », il faut que la jeunesse respecte les envoyés de la République dans les quartiers. Il est impensable que des pompiers, des médecins soient caillassés et agressés. Ils viennent pour secourir et soigner, quelque soit la personne. S’ils veulent être respectés, nos jeunes doivent éviter de se conduire en sauvageons, ils doivent aussi respecter les enseignants, il y a quand même un sérieux problème de discipline. En conclusion , des efforts à faire des deux cotés. » | |
Maurice Iacovella prône le « pragmatisme ». « Il faut laisser passer la justice. Il faut que chaque cas avéré soit sanctionné. » D’un autre côté, comme Yves Blein, il a confiance dans une police armée : « La police et l’armée, ce sont des métiers qui s’exercent depuis des millénaires, il faut leur donner des moyens. Donner des armes à la Police Municipale. Je pense qu’elle peut être, par définition, cette police de proximité. » Quant aux moyens de contrôle des violences policières, il n’a pas de solution immédiate. « Je ne suis pas dogmatique, il faut voir ce qui marche ailleurs. » | |
Pour Yves Blein, les récents crimes à l’encontre d’Adama Traoré et de Théodore Luhaka sont « inacceptables ». « Il faut rétablir la police de proximité. Je ne dis pas que le rôle de la police est de jouer au foot avec les gamins, mais il y a un travail de formation à faire avec les policiers. » Pour autant, il se prononce en faveur de la caméra portative mais aussi de l’armement de la police de proximité, comme M. Iacovella. Celui-ci voit dans la Police Municipale, une police de proximité qu’il faut donc armer. « Il faut que chaque cas [de violence policière] avéré soit sanctionné. La police et l’armée, ce sont des métiers qui s’exercent depuis des millénaires, il faut leur donner des moyens. » | |
Le parti de Zafer Girisit accorde une grande importance à la dimension participative des organisations étatiques, pour qu’elles soient davantage citoyennes. Ses idées sur la police en sont une illustration : « La sécurité doit être assurée par les citoyens eux-mêmes. Le problème, il faut l’atteindre à la source, il faut accompagner l’être humain dans son parcours scolaire. C’est l’éducation plus que la répression qui va jouer. » | |
« Il faut sortir du tout sécuritaire, lutter contre le contrôle au faciès », selon Benjamin Nivard. Cela se ferait par exemple en instaurant les récépissés qui indiquent le motif du contrôle d’identité. Il faut aussi le rétablissement de la police de proximité. |
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Michèle Picard pense que d’emblée il s’agit d’une question orientée : « Les violences elles sont faites des deux côtés. Quand vous avez une arrestation de gens, et que les fonctionnaires sont pris à parti, caillassés, c’est un vrai problème. Après, effectivement, il y a des gens qui sont plus contrôlés, mais la mauvaise relation s’est fabriquée au cours du temps. La Police Municipale aussi parfois est caillassée, donc ce ne sont pas les trop de contrôles qui fabriquent la violence. » Pour autant, elle refuse l’armement : « […]Car je suis pour une Police Nationale forte en recherche, en investigation[…] Seulement, il y a une différence de statuts entre les deux polices, et leurs missions sont établies par des conventions qui statuent leur complémentarité. » | |
Marie-Christine Seemann inscrit les phénomènes de violence policière dans une logique politique « Il ne faut pas oublier que la police a une fonction de plus en plus répressive dans le système capitaliste. » Pour elle, il est nécessaire de recréer du lien dans les quartiers populaires : « Il faut davantage de présence dans les quartiers. Une présence d’éducateurs, de police de proximité comme celle contre laquelle Sarkozy c’était insurgé. Le policier qui jouait au foot avec des enfants, qui était perçu comme quelqu’un qu’on connaissait, en qui on avait confiance. Il faut que le tissu associatif renaisse, et donner du travail aux jeunes. De là, tout se passerait différemment. Il faut investir, c’est un énorme budget mais ça vaut le coup. » |
Que pensez-vous des solutions écologiques, notamment dans les quartiers populaires?
Damien Monchau envisage une solution que l’on peut qualifier de « patriotisme économique » dont les vertus se réfléchiront sur le champ écologique : « Je pense que ce qui est produit localement et la meilleure solution. On est les seuls à s’opposer au TAFTA, et on soutient l’agriculture biologique. » En l’occurrence, la plupart des partis politiques à la gauche du PS y sont opposés. Marine Le Pen et son suppléant ont « brillé par leur absence lors du vote approuvant le cadre des négociations sur le TAFTA » selon lhumanité.fr. « On veut encourager la logique des petits producteurs. mais on ne veut pas supprimer la Politique Agricole Commune. On veut la transformer en Politique Agricole Française, subventionner tout en donnant une priorité aux installations à taille humaine. Plus ce sera respectueux de l’environnement plus ce sera subventionné. » | |
Franck Muller est dubitatif sur les solutions proposées : « Si c’est pour mettre des centrales à charbon [à la place des centrales nucléaires] non merci. Pour les panneaux solaires, je ne sais, pas car au bout de 20 ans, on en fait quoi? En plus j’ai lu que les éoliennes font beaucoup de nuisance, et comme on ne peut pas stocker l’électricité … dans quoi elle est stockée? Et quand elles sont vides, elles polluent? » | |
Maurice Iacovella pense qu’il faut investir dans le bus, secteur de transport qu’il affectionne particulièrement. D’autre part, il est important selon lui d’acheter davantage d’appareils qui permettraient un contrôle plus précis du taux de micro-particules dans les zones de la région lyonnaise, qui permettraient de cibler davantage les mesures de pollution . | |
Yves Blein pense à l’éducation citoyenne en matière d’écologie : « Il y a des écoles où on apprend aux enfants à trier les déchets et à les reconvertir en biomasse. » Ceci pourrait être appliqué davantage en vertu de l’aménagement des rythmes scolaires | |
Zafer Girisit ancre la problématique de l’écologie dans la relance économique, comme rapporté ci-dessus. En matière agricole aussi : « On est de plus en plus confronté à des entreprises qui utilisent des pesticides, le volume au détriment de la qualité. Il faut favoriser nos agriculteurs biologique dans la PAC, et ajouter à cette politique une approche de l’agriculture biologique. » | |
Le candidat France Insoumise pense que faire rentrer des gens sur le marché du travail de la transition énergétique, « ça pourrait participer à redonner de l’espoir à tous les jeunes des quartiers. » Pour cela il y aurait une nouvelle filière de l’écologie à l’école, qui permettrait d’en sortir avec un haut niveau de qualification, et d’être assuré d’avoir un emploi. Benjamin Nivard rappelle aussi que quand il était petit, on lui disait :« travaille à l’école et t’auras du boulot ». Mais selon lui » ça, on ne peut plus le dire à nos enfants, parce que c’est pas vrai. » Il y a aussi le scénario néga-watt, qui propose de mettre aux normes tous les bâtiments. Il faudrait qu’un budget soit attribué à la rénovation en plus de la construction. D’une autre part, régulariser les travailleurs sans papiers et leur donner autant de droits que les français permettrait enfin de lutter contre le dumping social selon lui. En effet, cela forcera les constructeurs à ne plus faire appel à des travailleurs étrangers qui sont exploités dans des conditions terribles. | |
Michèle Picard rappelle que l’écologie doit être pensée au niveau national, mais pour autant elle parle de l’importance pour les citoyens à apprendre à ne pas déposer leurs déchets n’importe où. « la planète c’est bien, mais comment l’être humain vit dignement? Peut-on lui parler d’écologie tant qu’il y aura des millions de personnes qui vivent dans des logements insalubres? » | |
Marie-Christine Seemann voit un combat qu’il faut mener, mais qui se greffe à la critique du Capitalisme que propose son parti : « Pour nous c’est indissociable du combat contre le capitalisme. » « À chaque fois c’est à l’état de payer les conséquences du capitalisme, mais on ne pourrait pas prendre sur les entreprises un peu quand elles font des profits? » |
Quelles sont vos propositions en termes d’éducation dans les quartiers populaires ?
Dans un premier temps, Franck Muller veut supprimer les ELCO (Enseignement langues et cultures d’origine ). « On donne des ELCO à la population maghrébine, mais on ne les aide pas comme ça.[…]vous avez une certaine jeunesse qui n’arrive pas à s’intégrer. » Dans un second temps, il faudrait éventuellement proposer des classes de 15 élèves, et favoriser l’apprentissage du français : « On ne peut pas garder une marge de la population, qui ne va pas s’assimiler, qui va partir dans la fraude, dans la violence, dans des histoires de banlieues, de banlieues en feu… […] Aujourd’hui on tutoie les profs… » « En tout cas on veut revaloriser les salaires des professeurs, il faut absolument moins d’effectifs dans les classes. » | |
Selon Maurice Iacovella, il faut aussi chercher la responsabilité du côté des familles habitant ces quartiers : « Il faut tout remettre sur le tapis. Il faut former les petits vénissian à l’école en donnant une bonne éducation. J’ai un peu de cheveux blancs, j’ai 65 ans, mais pour ma part, je n’ai pas attendu que l’on me le dise pour prendre des cours du soirs ! Il faut que les gens se prennent aussi en charge ! » « D’abord, les parents ils veulent tous l’envoyer à l’école polytechnique, à l’ENA [….] Mais c’est vrai que beaucoup de parents souhaitent que leurs enfants aient le bac…Est-ce que les instituteurs font leur boulot de façon complète, je ne sais pas ? » | |
« Le plus important, dans les mesures à venir, c’est la question de l’éducation » selon Yves Blein. « On voit bien, il y a beaucoup de jeunes désœuvrés dans ces quartiers parce qu’ils ont un moyen initial de formation et de diplôme qui leur empêche de trouver du travail. » « Aujourd’hui, on a un solde d’emplois non pourvus considérable, allant de 250 à 300 000 emplois. Quand on parle de faire un effort de formation, c’est précisément pour que ces jeunes sans emploi accèdent à ces postes disponibles aujourd’hui. » De plus, « Il faut renforcer les moyens sur les quartiers populaires ». | |
Selon Zafer Girizit, « Beaucoup de parents n’ont plus la main mise sur leurs enfants, il faut les aider, les accompagner. Je pense également qu’il faut un lien plus fort entre le système éducatif et les parents. Il faut créer un dialogue entre l’enseignement et les parents. On doit développer cette relation. Pour les enseignants, il faudrait également revoir les rythmes du travail. Il faut redonner les moyens logistiques aux profs. » | |
« Je vais vous parler de mon expérience personnelle : ma fille est aux Minguettes, et dans cette école ils sont plus de 30 enfants au CP. Les classes sont beaucoup trop remplies. C’est compliqué à gérer en tant que prof et en tant qu’enfant. » Mais il faut aussi revaloriser le salaire des professeurs. « C’est un des métiers les plus importants qu’on peut avoir en France, avec les métiers de la santé. » |
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Michèle Picard invoque à ce sujet les fonctions régaliennes de l’état qui ne sont plus assurées selon elle dans les écoles REP. Il y aurait aussi inadéquation entre la formation et les besoins des employeurs : « J’amène aussi beaucoup d’entreprises dans la ville, le problème c’est qu’il n’y a pas adéquation entre les diplômés et les entreprises. Il faut qu’il y ait des passerelles. » Dans un second temps, il faut revaloriser le travail : « En même temps il y a des jeunes qui sont très formés, mais ce n’est pas que de la discrimination à l’embauche. Il faut donner envie aux jeunes d’aller vers les secteurs qui embauchent, il faut donner envie de ne plus vivre de l’économie parallèle en revalorisant le travail, le salaire, et les perspectives d’évolution. » | |
Marie Christine Seemann, qui est enseignante, place le service public au centre des préoccupations. Selon elle, il est important de financer massivement les écoles, pour permettre aux enseignant-e-s de faire leur travail dans de meilleures conditions. |