Immersion dans le streetwear lyonnais. Episode 6 : Une ville qui bourdonne d’idées

Lyon, ville de tradition, s’est avérée être un terreau fertile pour le streetwear. Cette culture a su créer ses propres codes, du vestiaire de sport à la banlieue, de l’habit à l’attitude. Si vous n’avez pas lu le cinquième épisode rendez-vous ici : Immersion dans le streetwear lyonnais. Episode 5 : Streetwear d’élite entre Rhône et Saône – (lyonbondyblog.fr)

Lyon a toujours été un grand centre de formation. D’abord par le foot : Karim Benzema, Nabil Fekir, Alexandre lacazette, Samuel Umtiti… Aujourd’hui, les créatifs ont rangé les crampons et sortis leurs plus beaux habits pour mettre Lyon sur la carte du streetwear. La ville telle une ruche travaille pour que chacun puisse butiner à sa guise.

Focus sur Focus

Depuis que certains ont ouvert la brèche du streetwear à Lyon, de nombreuses initiatives ont vu le jour dans la ville et ses alentours. C’est le cas de la boutique Focus, située derrière l’Hôtel de Ville dans le 1er arrondissement. Le lieu, est le repère de nombreuses petites marques de toute l’Europe, en développement ou venant d’intégrer le marché. Son fondateur, Mathis, est un grand fan de mode depuis des années et décide de monter son propre projet en 2019 « Au lycée, je ne voulais pas avoir les mêmes habits que tout le monde. J’avais déjà envie d’être un peu en marge, prendre des risques vestimentaires. Je trouvais ça dommage que certaines marques ne se trouvaient que sur internet, car je suis un fan de boutique physique ».

Après avoir arrêté des études en cinéma au mois d’août, le lyonnais issu d’une famille dans le textile depuis plusieurs générations, décide d’ouvrir son magasin en novembre 2020. Le choix du lieu, l’opportunité de mêler travail et passion, ses premiers contacts favorables avec des petites marques des quatre coins de l’Europe… Tout semble sourire au jeune entrepreneur, qui veut se distancer petit à petit de la « mode » et du « luxe », pour revenir à un produit plus authentique. Ses références ? « Samsøe & Samsøe, à Copenhague, S7udio Stars au Danemark, Patta à Amsterdam. L’univers qu’ils ont su créer autour de leur marque est incroyable ». Dans un souci de développement local, le croix-roussien fait également confiance à des marques lyonnaises, qui n’avaient pas réellement fait leurs preuves jusqu’ici. C’est le cas de Lugdunum ou encore Wise Rags. S’il ne propose que peu de marques lyonnaises ce n’est pas par choix, mais par contrainte « de moins en moins de marques locales résistent au temps et à la concurrence ».

Pour pallier ce manque d’initiatives locales et continuer à offrir au public lyonnais un textile de qualité, il ouvre son shop à de petits créateurs de Marseille, Paris, Orléans, d’Allemagne ou d’Angleterre et change le nom de son magasin de Focus Lyon à Focus. Il s’ouvre également à l‘aspect évènementiel et s’entoure de nombreux rappeurs qui viennent visiter le lieu : RAD.CARTIER, Lovarran… Mais malgré cette exposition, le lieu est contraint de fermer à la fin de l’été 2022. Sa proposition osée et ce parti-pris de marque indépendantes n’ont pas su trouver un public assez large. Mathis décide donc de « partir pour mieux revenir » et met le projet Focus en stand-by. Il n’en reste pas moins un acteur important de cette culture et a rendu accessible un textile venant de toute l’Europe, au près de son public, en plein cœur de Lyon.

« Deux frères, deux fauves, le Monde »

Jean, fondateur de la marque Lugdunum présente dans le magasin Focus, veut lui aussi s’émanciper des codes de la mode mainstream. A l’école, dans la création, jusqu’à la communication : rien n’est conventionnel. Pourtant, il aborde une marque avec des motifs jacquards, classique du genre à Lyon, et nomme sa marque Lugdunum. Lourde tâche de représenter fièrement sa ville. En ratant deux fois sa première année d’école en stylisme modélisme, le créateur lyonnais ne se sent pas bon, ni motivé. Il décide de travailler sur un chantier afin de payer sa première collection, qu’il travaille dans sa chambre, chez ses parents. De cette expérience jusqu’à la signature d’une pièce unique pour le rappeur parisien Alpha Wann en 2021, Jean travaille énormément. Jusqu’à rencontrer Mathis, qui lui fait également confiance pour vendre ses produits en boutique début 2020 : « Je ne connaissais pas du tout Mathis ni le projet FOCUS. J’ai reçu un message me présentant le projet et je ne pouvais pas refuser d’être vendu en boutique. Mathis est carré, c’est ma meilleure rencontre dans ce game ». Désormais tourné sur un textile plaisir, il veut se donner les moyens de ses ambitions nationales, et vit désormais le parisian-dream « pour mieux revenir sur Lyon ».

Pour faire bouger ce que la ville a de plus archaïque, de nouvelles façons de consommer le streetwear voient le jour. On peut parler d’une expérience scénique, qui est de plus en plus privilégiée par les amoureux de la mode à Lyon. C’est ce qu’initie Fatim, interne au projet de la Ligue, qui a également créé l’un des premiers street-défilé en plein Part-Dieu au Food Society.

L’étudiante en communication digitale, native de Houston au Texas, est un esprit sain dans un corps sain. A travers les projets de La Ligue, Fatim mêle toutes les influences qu’elle connait : celle d ‘ « une mère passionnée de mode qui a testé sur moi des looks douteux », de son pays d’origine le Sénégal, des Etats-Unis et d’un certain goût pour les défilés, grâce à Fashion TV notamment.

Directrice artistique, photographe, organisatrice, cadreuse… elle incarne, à défaut d’autres pour le faire, tous ces métiers au sein du média lyonnais. Pourtant, elle n’a jamais voulu faire de cette vocation un métier : « J’ai toujours su qu’on ne voudrait pas de moi, car c’est une passion commune a beaucoup de gens… Je me suis toujours dit que le digital serait ma porte de sortie ». Après le bac, elle décide de rentrer en étude de communication digitale, et se met à toucher à tout « je suis une vraie geek ».

Ouverte d’esprit, patiente, elle s’intéresse à la mode, au luxe. Elle perfectionne ses shootings en apprenant elle-même la photographie « pour parler le même langage que mes collaborateurs ». Derrière ses lunettes basses, on ressent en elle un regard et une vision de créatrice déterminée. Au point qu’elle s’adonne même à la lecture d’un livre qui s’intitule « pourquoi le triangle est triangle ? ».

Fatim en compagnie d’Eliot Biant lors du défilé PLAVALIGUE. Crédit : Emisgn

« Notre culture accompagne une génération entière »

Sans réel budget consacré à ses projets, Fatim entame des shootings et des éditos de mode avec son binôme actuel Noémie Lacote, une photographe talentueuse : « J’ai une Noémie-dépendance. Elle est à la photographie ce que je suis à la direction artistique. On a toutes les deux les compétences pour faire ce que fait l’autre, mais on reste meilleures dans notre propre domaine, c’est une vraie force ». Son alternance chez la Ligue prend un tout autre tournant lorsqu’elle est amenée à créer un défilé streetwear au milieu de 1 000 personnes, dans le restaurant Food Society à La Part-Dieu.  La grande fan de Kanye West saisie l’opportunité et s’associe avec Eliott Biant pour réaliser le défilé PLAVALIGUE.

Noémie Lacote, photographe, photographié.

« On a eu une dizaine de jours pour préparer un défilé de huit looks, avec pour thème « le streetwear tout au long d’une vie ». C’était un peu caricaturé, mais c’était pour faire passer le message que notre culture accompagne une génération entière. On a rassemblé nos deux visions et le public a trouvé ça bien ». Accompagné de DJs Sets, Open-mic, concerts et dégustation de plats, le défilé apporte la touche mode qui a souvent manqué aux événements de la street culture à Lyon.

Avec elle, sur ses shootings, Noémie Lacote est une autre actrice du milieu artistique lyonnais. Photographe portée sur les paysages comme sur les visages, elle a récemment collaboré avec Tedax max, Lazuli, Jäde ou encore Mazoo.

Son apprentissage, entre l’école de Condé et un stage à Bruxelles, lui permet aujourd’hui de shooter dans des univers différents, avec cette volonté de promouvoir le street-wear : « On veut arrêter de voir le streetwear de manière trop classique : Baggi et les « yo yo, ziva ». Aujourd’hui, on veut démocratiser le rap de fashion-week, de soirée huppée, qui valorise la création par le bas. Jäde c’est par le ballet classique, LAZULI par la culture brésilienne, Tedax par la culture « old-school de Brooklyn ». Son métier de photographe est primordial et permet à chaque artiste de bâtir une image forte qui perdure dans le temps : « Si les rappeurs ne font ni de la photographie ni de la vidéo, ils n’ont pas de com ! Ils n’ont pas de visuel, pas d’identité. Les artistes sont autant dépendants de ces corps de métier là, que des beatmakers ». Ses influences Fifou ou David de la Place l’ont décomplexé sur le rap et permis d’assumer ce métier : « J’ai toujours ce même rapport avec les artistes et de manière générale tous ceux qui ont des projets qui partent de zéro. Comme James loup ou Navy ce sont des artistes qui méritent plus, le clip devient du cinéma avec eux, j’aime pouvoir leur être utile. S’il fallait définir Lyon en un mot, je dirais émergence ».

Après ce sixième épisode, nous verrons pour le prochain les nouvelles modes de consommation du textile. Ce dernier chapitre se refermera sur l’up-cycling et la création visuelle de l’artiste LAZULI par Boris, son réalisateur de clips.

Tristan

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