À trente-cinq ans, le rappeur des Minguettes présente « Ma Terre musicale », un EP porté par le titre « Viens faire un tour » qui connaît le succès dans les réseaux sociaux. Avec des objectifs allant au-delà d’une reconnaissance régionale, l’artiste du label Mingprod fait preuve d’un savoir-faire lui permettant déjà de se démarquer au-delà des frontières. Rencontre.
Comme Marechal ou Ming8 Halls Starf, tu es un pur produit du rap minguettois…
J’ai grandi aux Minguettes, dans le quartier de Monmousseau. J’ai été touché par le virus à seize ans et j’ai commencé à toucher au hip-hop en suivant des groupes comme IPM, l’un des premiers de Vénissieux. Puis je me suis mis à fréquenter les MJC tout en écoutant les artistes qui berçaient notre enfance comme IAM ou La Fonky Family. C’étaient mes repères. Je ne m’identifiais pas vraiment aux Américains, car selon moi c’était de l’illusion.
Comme pour d’autres rappeurs, la MJC de Vénissieux c’est un lieu qui t’a permis de te construire artistiquement…
J’y écrivais, j’y chantais et il y avait un retour de la part des gens qui m’encourageaient à exploiter mes talents. Mon nom de scène à l’époque était Dady Funky, car j’ai été bercé par des groupes comme Kool and the Gang. J’ai fait des concerts à la MJC et j’ai rencontré Bassem, dont le nom de scène était Transporteur RS. Nous avons monté un groupe nommé La Mannschaft. Nous étions tous les deux passionnés de football et l’équipe d’Allemagne marchait déjà très bien dans le temps. Ses joueurs ont vraiment un esprit de guerrier. Nous avons tourné sur des scènes lyonnaises et ça marchait bien. Au bout d’un moment, il a fallu lever le pied, car nous avions nos obligations d’élèves et de sportifs. Puis j’ai continué plus tard sur mes propres morceaux. Là bas, j’ai fait aussi des ateliers hip-hop où j’apprenais aux jeunes à écrire des textes, choisir leurs instrumentalisations ou les thèmes.
Penses-tu que le rap lyonnais est en train de structurer ?
On peut parler d’Olympic Records par exemple et de son studio où j’ai enregistré un ou deux morceaux, mais il y a d’autres structures. Je collabore désormais avec Studio Altho qui fait aussi un travail de qualité. C’est là que j’y ai enregistré mon single « Viens faire un tour ». Là bas j’ai quelque chose de disponible assez vite avec des gens qui travaillent avec des artistes reconnus comme IAM.
As-tu l’impression que les rappeurs lyonnais sont condamnés à ne faire que les premières parties de concert ?
À Lyon personne n’a encore émergé. Et tant que la situation en restera là, on sera cantonné aux premières parties des grosses affiches, car les gens seront toujours en attente d’une référence venue de Paris ou de Marseille. C’est un problème d’exposition. Il y a cependant une vraie qualité à Lyon. La solution viendrait d’un rappeur qui mettrait les moyens pour se faire connaître nationalement. C’est pour cela que je tourne beaucoup en France et à l’étranger. D’ailleurs, le 31 juillet prochain, je participe à l’Estivale Open Air d’Estavayer, le Lac en Suisse avec Youssoupha et Redman et Method Man.
Justement, à l’époque de La Mannschaft, tu as fait la première partie du Wu Tang Clan. C’est une aventure exceptionnelle, n’est ce pas ?
Transporteur RS et moi devions avoir la vingtaine. Comme on marchait bien sur les scènes de Lyon, on nous a proposé de faire une première partie du Wu Tang Clan au Transbordeur. On s’est tous les deux regardé dans les yeux : monter sur cette scène et rencontrer ces artistes qui ont marqué l’histoire, c’était le summum ! Ce soir-là, on a touché un public international et on a eu le privilège de rencontrer Redman et Method Man. Quand tu entends des artistes de cette classe te dire « very good ! » C’est plus qu’encourageant. Après j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres artistes comme Youssoupha ou Kerry James lorsqu’il était venu faire une scène à Vénissieux à l’été 2008. Il reste pour moi l’empreinte du rap et ces textes m’ont apporté beaucoup.
Une recherche artistique constante
D’un point de vue plus artistique qu’elle est ta ligne de travail ?
Je collabore avec deux beatmakers. L’un travaille aussi avec La Sexion D’Assaut et l’autre est sur Miami. Ce sont des gens qui ont un horizon musical assez ouvert. Je cherche à produire une musique rythmée et authentique. J’aime mettre du funk et des bases rythmiques pour me démarquer du rap actuel. Je suis allé à des cours de chants, j’ai écouté d’autres styles de musique. Il est aussi important de regarder sur le web ce qui se fait pour rester à la page. J’aime bien ce qu’a fait Youssoupha avec son dernier album Noir D**** et j’ai quelques sources américaines comme Drake.
Quels sont tes thèmes favoris ?
Dans « Viens faire un tour », j’ai voulu m’exprimer sur la manière dont je percevais les choses au point de vue musical. Dans « Disparus », j’évoque les amis qui ont été touchés par le décès. Dans un featuring avec All Payer « Imagine », on a touché le Rnb pour plutôt s’adresser aux femmes. Mes thèmes touchent tout le monde et concernent la vie de tous les jours.
Parle-nous de ton prochain EP…
Ce sera un EP de huit titres avec les morceaux enregistré avec mon label MingProd. Les gens connaissent déjà « Viens faire un tour » ou « Imagine ». Il y aura de belles collaborations avec des artistes chevronnés comme Jimmy Sissoko qui a travaillé avec La Fouine et bien d’autres cadors du rap français. Il sortira en début septembre. Je l’ai appelé « Ma Terre musicale », car pour moi on aime différents styles de musiques sur la même planète et je m’identifie à celles-ci, ce qui me permet de m’avancer. Le but de cet EP est de faire un album quelques mois plus tard. Peut-être en décembre.
Oumse Dia à l’Internationale
Le succès des premiers extraits a dépassé les frontières…
C’est vrai. J’ai fait une interview à DRTV, une chaîne congolaise (Brazzaville) qui diffuse dans plusieurs pays d’Afrique. C’était à Paris. Suite à cette émission, des gens m’ont contacté sur les réseaux sociaux, j’ai eu des commentaires en Congolais ou d’autres dialectes africains. Et cela est très important pour moi, car je me rends compte que ma musique n’est pas seulement un business, mais aussi un message fraternel dans lequel je dis à ces jeunes : « accrochez-vous à ce que vous faîtes et derrière le résultat arrivera ! ».
Tu as une belle carrière de footballeur…
Il faut dire que le foot m’a toujours bercé. J’ai même pu en vivre. J’ai débuté tout petit à l’AS Minguettes Vénissieux puis j’ai joué en CFA (4e division nationale) dans différents clubs comme l’US Le Pontet, l’US Draguignan, ou à l’US Forbach. J’ai aussi évolué au Stade Beaucairois 30 en nationale (3e division) ou à Clermont Foot où j’ai fait un seul match en Ligue 2. Enfin, j’ai eu l’honneur de porter trois fois le maillot de la sélection congolaise.