Fin mai, une vingtaine de parlementaires de tout bord ont co-signé une lettre adressée au Président de la République dénonçant l’irresponsabilité d’un second tour le 28 juin 2020. Outre la crise du COVID-19, l’abstention inquiète (61,5% en moyenne aux municipales de Lyon) et fragilise la légitimité des résultats du premier tour (15 mars). A qui profite le maintien du second tour ?
Le second tour des élections municipales et métropolitaines était un sujet controversé en cette fin de confinement. Des députés LREM du Rhône comme Anne Brugnera (4ème circonscription), Blandine Brocard (5ème circonscription) et Thomas Rudigoz (1ère circonscription) ont co-signé une lettre au président de la République pour s’indigner de son maintien. Les questions prioritaires des citoyens concernent les conséquences économiques et sanitaires de la crise. Les politiques quant à eux, s’inquiètent d’un manque d’intérêt général pour les élections. Des personnalités comme Christine Bertin (LREM/Modem de Vaulx-En-Velin) préconisent des élections fin octobre. Pourtant, le second tour des élections municipales et métropolitaines se maintiennent le 28 juin.
Une campagne électorale qui tombe à l’eau
Rencontrer les citoyens dans la rue, tracter les programmes politiques : les traditionnelles techniques électorales deviennent impossibles avec les gestes barrières. « On doit montrer l’exemple mais on ne peut pas nous reconnaître dans la rue si on porte un masque ! », se désole Thomas Rudigoz, ancien maire du 5ème arrondissement de Lyon. Opposé au maintien du premier tour le 15 mars, il était également contre le maintien du second tour le 28 juin. « Aujourd’hui je suis rassuré par les chiffres et je pense qu’il faut en finir avec ses élections pour que la vie reprenne son cours », se justifie-t-il. Quel est donc ce revirement d’opinion ? « Il y a toujours eu de l’abstention, crise ou pas », conclue-t-il. La lettre co-signée par le député précise pourtant que les trois mois de pause entre les deux élections avaient déconnecté les électeurs des priorités municipales.
« […] Par ailleurs, toute élection est précédée d’une campagne électorale afin que les électrices et les électeurs puissent disposer de tous les éléments possibles pour faire un choix éclairé une fois dans l’isoloir, c’est une condition sine qua none, surtout après trois mois d’interruption du processus électoral. Les candidats partout en France, quelle que soit leur sensibilité politique, seront-ils en capacité de mener une campagne sereine dans ce contexte ? » (Lettre au président de la République, 20 mai 2020).
« A partir du moment où le premier tour a été maintenu, il faut faire le second tour »
Céline Chamoux-Bos (conseillère du 3ème arrondissement, UDI) pense que la « légitimité des vainqueurs va être fragile, mais il faut que démocratie se fasse ». Retarder encore les municipales, retardera les sénatoriales fin septembre 2020. Louis Pelaez (PRG), contre le maintien du premier tour, explique que « la question ne se pose plus. Le processus d’annulation est impossible à mettre en place ». Pour Fanny Dubot (tête de liste de Lyon 7, EELV), la crise sanitaire a permis aux politiques de se réinventer pour faire campagne. « On a eu un mois pour se réinventer avec des actions virtuelles, culturelles et médiatiques. Je ne suis pas inquiète car le confinement a montré à tous l’importance du local et du circuit-court. On verra si j’ai raison dans les urnes ! ».
Élections municipales : outil d’un remaniement politique ?
Au premier tour de la métropole, EELV est en tête de huit secteurs sur quatorze. On peut comprendre que l’abstention ne soit plus un problème pour leurs opposants qui pourraient y voir un argument d’illégitimité politique. Chamoux (UDI), Pelaez (Collomb), Rudigoz (LREM), soutiennent cependant qu’ils accepteraient les vainqueurs du second tour. « Ce sont les abstentionnistes qui regretteront ! », explique Céline Chamoux-Bos. Nous verrons ça au cours des 6 ans de mandats. D’autres en profitent : une accélération des élections municipales peut permettre une démission plus rapide du gouvernement, voire une démission du président lui-même ? « Macron démission ! » scandent les manifestants depuis deux ans dans les rues, il faut croire qu’ils aient été entendus. Même si l’Elysée a démenti le Figaro le jeudi 11 juin, cette stratégie politique n’est pas dénuée de sens. Les municipales ont mis en exergue la dichotomie politique du parti LREM que ce soit à Paris ou à Lyon. L’avenir du parti à l’Assemblée Nationale et au gouvernement semble instable.
Les causes multiples de l’abstention
Il est de la responsabilité de chacun d’aller voter. Oui mais pour qui ? Pour quoi ? Les campagnes électorales sur les réseaux sociaux ne touchent pas tout le monde, encore moins les personnes âgées ou les personnes en situation précaire. Il est trop tard et trop dangereux pour mettre en place un vote par procuration électronique. Le vote postal est trop compliqué à mettre en place… « Je travaille surtout avec les personnes âgées qui s’abstiennent, car ce sont les plus fragiles face au COVID-19. », explique Rudigoz. Outre notre population senior, à Vaulx-En-Velin ce sont les voyages familiaux de la communauté Algérienne qui inquiètent : « S’ils partent tous voir leur famille, surtout qu’il n’y a plus école pour certains, le taux d’abstention risque de monter en flèche », s’alarme Christine Bertin (Modem). Il est clair que les élections ne sont pas les priorités des français.es. En dehors les intérêts personnels de chacun, « La tambouille politique de Collomb a fait perdre la confiance des lyonnais en leurs Mairies ! Il faut renouer avec eux. », s’exclame Rudigoz.
Pour vérifier ces avis, le Lyon Bondy Blog a fait un sondage pour y voir plus clair sur les intentions de participation des communes lyonnaises. L’échantillon n’est pas assez fort (130 réponses) pour être considéré scientifiquement et les répondants sont souvent des gens politisés. Connaître l’avis de nos lecteurs est important mais les résultats sont à prendre avec des pincettes.
- 66,9% des sondé.e.s répondent avoir voté le 15 mars, 32,5% déclarent s’être abstenus. Un résultat contredit par les taux d’abstention officiels.
Pourquoi avez-vous voté le 15 mars ?
« C’est un devoir de voter… les élus nous représentent… c’est primordial de donner son avis. »
« Je n’aime pas voter mise à part pour les présidentielles, à la limite… Au vu de la situation dans ma ville je ne pense pas que voter changera quoique ce soit. Tous les candidats sont démagogues. »
« Ne pas voter c’est faire le jeu des multinationales pour qu’elles puissent continuer à faire du lobbying. Le vote est un lobbying citoyen ! »
« J’ai toujours voté. L’incohérence consistant à fermer les écoles tout en maintenant l’élection m’a conduit à ne pas voter. »
« Je ne m’intéresse pas à la politique car pour moi, c’est se retrouver à voter pour le « moins » pire au lieu de voter pour le meilleur. De plus, je n’y connais vraiment rien et ai du mal à m’intéresser. »
« Tous des pourris. »
« La démocratie ne s’use que quand on ne s’en sert pas. »
« Elle influe directement sur mon emploi et sur la scolarisation de mon fils. »
Pourquoi avez-vous prévu de voter ou non le 28 juin ?
« J’avais prévu de partir en vacances avant l’annonce de la date des élections. »
« Absentions = dire non au système en place. »
« Nous avons une chance de faire basculer la métropole dans une ère écologiste et solidaire ! »
« Devoir citoyen ! »
« Parce que le danger lié à l’épidémie est moins important. »
« Le rôle des collectivités locales dans la vie quotidienne est essentiel »
« Les candidats sont tous des apparatchiks. »
« Mon candidat devrait passer sans difficulté mais je veux asseoir et confirmer son élection. »
« Les gestes barrières inexistants au premier tour et l’épidémie qui a touché les assesseurs ne donnent pas envie d’y retourner. Le laps de temps entre les deux tours est anticonstitutionnel et personne ne s’en inquiète. »
« Pour mettre Collomb à la porte. »
Cette accélération du déconfinement et des élections n’est-elle pas une mise en danger de notre démocratie ? Annihilant les problèmes économiques, salariaux donc politiques de notre pays. « Doucement mais sûrement » devrait être le mot d’ordre pour assurer une légitimité électorale aux futurs entrants aux municipales et aux métropolitaines. Les taux de participation électorale donneront raisons aux opposants ou aux adhérents du maintien des élections le 28 juin.