Ismail Sadky : « Il y en a marre des Mozarts assassinés »

Enseignant et formateur depuis plus de 13 ans dans le lycée La Mache, Ismail Sadky est le fondateur de « Les Déclics ». L’association intervient essentiellement dans les lycées, en proposant aux jeunes des ateliers leur permettant d’évaluer leurs compétences personnelles et réfléchir sur leurs projets futurs. Il vient nous parler des projets de la structure au local du LBB. Interview.

Pouvez-vous présenter les projets de Déclics ?

Les Déclics a pour vocation d´aider les jeunes à développer leur potentiel et à croire en eux. On veut répondre au problème suivant : il y a 620 000 décrocheurs scolaires. Étant enseignant je vois les jeunes qui sont en grande difficulté. Notre objectif c’est de les sensibiliser à la réussite : de croire en soi, de déplacer les échecs, de lutter contre la flemme, la procrastination. Des éléments universels que les jeunes ne conscientisent pas. On travaille sur 4 piliers : mieux se connaître, s’organiser, s’affirmer et communiquer.

Comment trouvez-vous des jeunes avec qui vous travaillez ?

Justement on ne les trouve pas. Ils peuvent nous contacter, on travaille beaucoup online. On a trois sites aujourd’hui : le site officiel, un blog pédagogique (pour les enseignants, présenter la méthodologie), Le DiMag, un magazine pour récolter les bonnes idées. Au DiMag on met en place des interviews de personnes qui travaillent avec nous, les leaders d’opinions. C’est un outil pédagogique juste incroyable. Ce sont des gens ordinaires extraordinaires qui racontent leurs histoires et leurs clés.

Comment choisissez-vous les structures avec lesquelles vous travaillez ?

Les décrocheurs scolaires on les trouve dans les CRIJ, dans les associations. Ceux qui sont plus en difficulté, ils ne feront pas les démarches d’aller dans les structures. Parce qu’ils ne savent pas 1 : qu’ils existent, 2 : qu’ils sont là pour les aider. Pour moi c’est un mirage aux alouettes.

Il y a une constatation des lieux. Sachant que j’ai le sentiment que c’est un peu chasse gardée. Il y a un chiffre, 50 000 000 d’euros sont aujourd’hui livrés pour des structures afin d’aider ces décrocheurs scolaires. Mais j’en vois tout le temps, c’est pas mieux, c’est de pire en pire. Pourquoi ? Ça ne fonctionne pas ! Il faut aller voir les jeunes directement. Faut aller les voir dans les quartiers, parce qu’ils sont là-bas ; à l’opéra, parce qu’ils y dansent. Il faut leur parler, parce qu’ils sont accrochés à la ligne du tram. Parce qu’on ne sait pas qu’on est pris dans un piège, on tournera en rond tant qu’on a pas compris qu’on est pris dans ce piège. On parle leur langage, on regarde aussi les choses qui existent, on leur propose des choses et on les engage. C’est à dire qu’on ne fait plus à leur place. Et on les laisse se débrouiller.

 credit Les Declics
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C’est faciliter en quelque sorte ?

On doit leur montrer le chemin, ils ne le connaissent pas, ils ne le voient pas. C’est une approche de Carl Rogers (NDLR le psychologue humaniste nord-américain). Ça permet d’ouvrir le champ des possibles. Il y a des milliers d’exemples, les gens disent que ces sont des exceptions : faux. J’en ai marre de voir les Mozarts qu’on assassine !

Quel est le public avec qui vous travaillez ? Est-ce que vous constatez que les jeunes des quartiers populaires sont plus susceptibles à être en décrochage scolaire ?

Oui, effectivement.

Pour faire évoluer le projet associatif, j’ai eu besoin de compétences que je suis allé chercher dans les grandes écoles. Écriture, lecture, capacité de réflexion et d´organisation. Je me suis rendu compte que partout on retrouve les mêmes difficultés personnelles.

Et on a cette problématique : les gens du haut et les gens du bas, qui sont la masse. Moi je ne pouvais pas faire des études, parce que j’avais faim, il fallait que je me nourrisse et que je me vêtisse. Donc tu ne peux pas penser à faire des études. Alors forcément les jeunes qui sont en difficulté, sont dans les quartiers. Les problématiques qui s’ajoutent aux quartiers populaires, c’est 1: problème d’éducation, et 2 : c’est qu’il n’y a pas de vie. Il y a du béton de partout.

Abd al Malik disait, vous nous avez construit des terrains de foot, vous avez fait de nous des footballeurs, des sportifs de haut niveau, mettez-nous des écoles, transformez-nous en ingénieurs. Le problème pour moi c’est l’éducation. Amenez ces jeunes à une culture.

Les décrocheurs scolaires, j’en ai vu de toute classe sociale. Quand quelqu´un est en mal-être, il est en mal-être, peu importe sa classe. Il y a une responsabilité des parents, des politiques, des structures, des experts en pédagogie, et ma responsabilité en tant que citoyen. Mais on reste dans notre monde.

C’est pour ça qu’on a créé les Déclics. L’idée c’est d’être un acteur à un moment donné. Et au-delà être un réalisateur. Le déclic c’est un petit truc personnel : « Ah oui maintenant j’ai compris, j’y vais ». Et je le vois tous les jours.

Suivre le projet :

http://lesdeclics.com/officiel/

https://www.facebook.com/declics/

Soutenir le projet :

http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/les-declics-le-show-3-regards-croises

https://lafabrique-france.aviva.com/voting/projet/vue/8

Jelena Dzekseneva

Née en Lituanie et ayant grandi au Kazakhstan, je suis arrivée en France en 2008. Pendant mes études d'anthropologie à Lyon 2, j'ai participé à divers projets associatifs qui m'ont fait venir au LBB en juin 2015.

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