Ce samedi 23 mars, la France Insoumise organisait à Lyon un rendez-vous en vue des européennes. Pour célébrer le droit à l’eau et la biodiversité, ont eu lieu une table ronde, un atelier et une lecture en présence de personnel politique proche de la France Insoumise. Le Lyon Bondy Blog y a rencontré Manon Aubry, tête de liste des Insoumis pour les élections européennes.
Lyon Bondy Blog : En 2014, la France comptait 42% de participation aux européennes. Comment faire quand on est à la France Insoumise pour inviter les gens à aller voter ?
Manon Aubry : On dit trois choses. On dit d’abord que si on ne va pas voter, on laisse Emmanuel Macron gagner, et nous nous refusons de donner un blanc sein à Emmanuel Macron. S’il n’est pas capable d’écouter la rue depuis maintenant plus de 18 semaines, il faut qu’il l’écoute dans les urnes. C’est la démocratie. Et si Emmanuel Macron sort gagnant de ce scrutin, c’est par exemple la réforme des retraites qu’on va se prendre en pleine face. Et qui va détruire et remettre à plat notre système de retraite, donc de protections sociales et la protection des personnes âgées les moins privilégiées et ont moins d’argent.
Une deuxième chose, c’est dire que l’Union Européenne est présente dans notre quotidien. Qu’on le veuille ou non, du matin où on se lève, les céréales que l’on mange ont été produites avec du glyphosate, c’est une autorisation de l’Union Européenne. Quand on se rend au travail, si on prend les transports publics ou la voiture, c’est une des conséquences politiques menées par l’UE, notamment la privatisation du rail et de la SNCF, et la fermeture des petites gares et de lignes de train. Je le dis d’autant plus que c’est une directive qui est passée à 24 voix près, c’est très peu sur près de 700 députés. C’est d’ailleurs le nombre de députés qu’ont le Rassemblement National. Ensuite quand on est au travail, sur les droits sociaux, c’est aussi régulé par l’UE, qui avec ses politiques de dumping social, tire à la baisse notre protection sociale. Je pourrais continuer une journée comme ça, du matin au soir, elle est régulée par l’UE. Donc c’est à nous, plus que l’Union Européenne, de reprendre le contrôle de notre vie. Et c’est ça que nous voulons dire aux gens, qui peuvent se sentir éloignés de l’Union Européenne et ne pas comprendre ce qui s’y passe, et que ce sont des enjeux importants.
La troisième raison pour mobiliser les gens, c’est que le programme que nous portons et que nous avons porté aux présidentielles dernières, que la France Insoumise a porté car je n’y étais pas encore, c’est l’avenir en commun, c’est une source d’espoir, c’est un horizon qui est tracé. Et cet horizon il a plusieurs étapes, et une de ces étapes-là, c’est nous renforcer pour ces élections européennes, pour derrière construire l’alternative et à terme réussir à prendre le pouvoir en France, qui nous permettra de mettre en place la 6ème République, la règle verte pour ne pas prendre à la Terre plus que ce qu’elle ne peut reconstituer, etc. C’est un horizon construit à plusieurs étapes.
LBB : Benoit Hamon avec Génération·s a monté le Printemps Européen avec 14 autres partis européens. Êtes-vous en mesure de monter un groupe, si vous êtes élue, au Parlement Européen ?
MA : Déjà nous appartenons à un groupe, à la différence de Benoit Hamon. Génération·s n’a que trois eurodéputés, qui appartiennent aux socialistes. Nous, nous avons deux eurodéputés qui appartiennent au groupe de la GUE (Groupe Unitaire Européen), qui est le groupe de la gauche radicale au niveau européen. Et nous avons en plus de cela monté une coalition avec certains des mouvements politiques qui font partie du groupe, qui s’appellent Maintenant le Peuple, avec par exemple Podemos en Espagne, le Bloco au Portugal… Avec ces mouvements politiques, nous construisons l’alternative, y compris pour passer un message. On nous pointe souvent du doigt comme replié sur nous-même, alors qu’on a une vision profondément internationaliste de coopération entre les peuples, mais sur des bases de progrès social, fiscal et écologique.
LBB : Est-ce que l’objectif de cette journée, ce ne serait pas de récupérer les quelques voix des écologistes qui ne savent pas où aller ?
MA : Non, on ne va pas grapiller des voix. Défendre une régie publique de l’eau, la France Insoumise le fait depuis des années, le Parti de Gauche le défendait déjà avant. On a été les premiers à dénoncer la privatisation des régies de l’eau dans un certain nombre de villes en France, à pointer du doigt l’impact que cela a pour les plus précaires. Aujourd’hui ce n’est pas normal qu’un mètre cube pour boire ou se laver ait le même prix qu’un mètre cube pour remplir sa piscine ou laver sa voiture ; parce que ce ne sont pas du tout les mêmes besoins. La conviction écologiste est ancrée dans les racines de la France Insoumise, et l’écologie n’est pas un totem. Nous, ce que nous avons dit et disons depuis longtemps, c’est que nous voulons faire de l’écologie populaire, donc avec les classes populaires. Finalement, la fin du mois et la fin du monde c’est les mêmes combats, ils ont les mêmes responsables. Et que lutter contre les inégalités et lutter contre le réchauffement climatique, c’est deux faces de la même pièce. Et nous sommes cohérents, et nous disons qu’on ne peut pas faire de l’écologie contre les classes populaires, et que l’écologie n’est pas compatible avec l’économie de marché. Je pense que c’est ce qui aujourd’hui nous différencie d’un bon nombre de partis, qui se revendiquent écologistes.
LBB : Il y a eu un débat organisé par France 2, avec Ian Brossat et Benoit Hamon qui étaient invités, mais pas vous. Est-ce que ce manque de représentation vous gêne ?
MA : Évidemment, pour que l’ensemble des représentants politiques puissent s’exprimer. Après pour la clarté du débat politique, il faut peut-être imaginer d’autres formules. Peut-être faire moitié de candidats un soir et l’autre moitié un deuxième soir. Ce sont des choses à envisager parce que les enjeux européens sont complexes, techniques, et nécessitent de la nuance, de la pédagogie. On ne peut pas aborder ces sujets avec cinq heures d’émissions, où on a deux minutes chacun. Il faut trouver le dispositif qui à la fois garantit la démocratie et l’expression de chacun, et à la fois permette d’avoir le temps et la nuance nécessaire que méritent ces enjeux.