Le Lyon Bondy Blog vous propose un dossier politique avec trois personnalités
politiques de différentes sensibilités: Jean-Luc Fugit (« Ensemble pour la République »), Cécile Michel (EELV-NFP) et Jean-Paul Bret (PS-DVG).
Premier entretien avec Jean-Luc Fugit.
Jean-Luc Fugit a 52 ans, enseignant-chercheur en chimie, il est docteur en pollution de l’air et vice-président d’un établissement au sein du pôle universitaire Lyon−Saint-Étienne, chargé des politiques d’orientation, d’insertion professionnelle et d’entrepreneuriat.
Entre 2011 et 2017, il est vice-président de l’université Jean-Monnet-Saint-Étienne chargé de l’insertion professionnelle, de l’orientation, et de la réussite des étudiants. Depuis 2017, il est le député de la 11ème circonscription du Rhône sous les couleurs macronistes (« En marche », Renaissance et « Ensemble pour la République »).
Jean Luc Fugit:
Je suis député sur une circonscription qui contient Givors mais qui comprend également Mions, Condrieu, Mornant entre autres. Il y a 136 000 habitants sur toute la circonscription dont 21 000 habitants à Givors. Givors est la plus grande de ces communes, mais ce n’est pas la seule. Je tenais à le préciser afin que l’on l’on ne réduise pas mon rôle de député à celui de député de Givors comme on peut l’entendre parfois. Ensuite, je pense que nous avons à Givors une population avec pas mal de soucis.
J’habite à Givors depuis 12 ans, donc je connais bien cette commune. Je pense que c’est une tradition d’avoir un vote à gauche très marqué sur la commune de Givors, ce qui personnellement ne m’empêche pas, de travailler avec l’ensemble des acteurs givordins quel que soit leur orientation politique.
Une fois élus, nous sommes les élus de tout le monde, c’est mon cas depuis 2017, et j’ai pu travailler aussi bien sur le renforcement des effectifs de police que sur les problématiques des collèges et d’enseignement public, et notamment sur la question de la cité éducative. Et je suis aussi impliqué pour pousser les projets à côté des élus locaux ; Et on peut remarquer qu’il peut y avoir des votes différents entre le niveau local et national. On le voit très bien, d’ailleurs à Grigny, par exemple, qui a beaucoup voté pour le Nouveau Front populaire, tout en ayant un maire élu sur autre sensibilité. Ensuite, je pense que nous avons des problématiques de pouvoir d’achat et notamment un sentiment parfois de déclassement. Il y a encore beaucoup de travail et donc moi c’est ce que je compte continuer à faire parce qu’encore une
fois quand nous sommes élus, nous sommes l’élu de tout le monde et ça c’est vraiment le plus important. Ce ne sont pas les étiquettes qui comptent, c’est l’action que l’on conduit.
Jean-Luc Fugit:
Je pense que les électeurs du RN n’ont pas tous les idées nauséabondes que peuvent avoir certains membres du RN. Ca c’est une évidence. On peut expliquer les votes populistes tels que ceux autour du RN, par le fait que ces dernières années, on n’a pas réussi à répondre à toutes les colères. Et comme je le disais tout à l’heure, il y a des problématiques de pouvoir d’achat, mais aussi des problématiques de mobilité ou des problématiques d’accès au système de santé, c’est un sentiment de déclassement Il y a aussi parfois une problématique de manque d’autorité dans notre société qui apparaît. Aujourd’hui, ça se traduit des votes assez importants en faveur du Rassemblement national. Je crois que c’est de notre responsabilité d’y apporter des réponses. Si en effet nous n’en sommes pas capables, on peut imaginer que l’agrégation de ces colères puisse conduire le RN plus loin à l’Assemblée nationale. Il faut continuer à travailler, et peut-être même à réunir très largement, constituer probablement des coalitions, des compromis, pour avoir des approches politiques plus consensuelles, plus constructives, de manière à répondre aux problèmes que soulèvent l’électorat, qui se tourne vers le Rassemblement national. Mais en aucun cas, il faut penser que ceux qui votent pour le Rassemblement national sont des personnes qui ont des idées particulièrement scandaleuses.
Je pense qu’il faut entendre ce » vote de colère » et apporter des réponses parce que si nous ne le faisons pas, là, ça peut devenir particulièrement problématique.
LBB: Justement, très belle transition, le front républicain vous permet de gagner au deuxième tour sur la 11e circonscription. Pourquoi au lendemain de ces élections, le front républicain n’arrive pas à travailler ensemble ?
Jean-Luc Fugit: Il faut distinguer deux choses. Il y a eu le fait qu’à la fois, des candidats du Bloc central, ou de l’ancien Bloc présidentiel si vous préfèrez, ont pu bénéficier d’un report de voix important de la part des électeurs qui, au premier tour, s’étaient prononcés plutôt pour le Nouveau Front Populaire. Mais ça a aussi fonctionné dans l’autre sens. à savoir que des électeurs qui, au premier tour, avaient voté pour le Bloc central ont fait élire un candidat du NFP comme ça été le cas pour M. Ruffin.Ce désistement a permis de faire barrage au Rassemblement National. Mais le désistement, ça ne veut pas dire ralliement.
Aujourd’hui, nous ne portons pas les mêmes projets. En revanche, moi je suis persuadé que le front républicain doit se mettre autour de la table pour essayer de discuter, et essayer de trouver une coalition, et je pense que cette coalition peut se faire. C’est pourquoi J’appelle ceux qui le souhaitent à discuter ensemble. Mais il y a ceux qui ont déjà dit qu’ils ne pouvaient pas parler de discussion avec le Bloc central. Si vous voulez parler concrètement, la France Insoumise ne souhaite pas central. Si vous voulez parler concrètement, la France Insoumise ne souhaite pas discuter avec les macronistes, puisqu’elle dit que s’il y avait un gouvernement avec le parti présidentiel, ils déposeraient une motion de censure.
LBB: Plus une coalition avec les socialistes ?
Jean-Luc Fugit:
Je pense que l’on peut envisager une coalition à l’Assemblée nationale et une coalition gouvernementale qui pourrait allier aussi bien des socio-démocrates, une partie de la gauche, et enfin les écologistes, puis jusqu’à la droite que je qualifierais de raisonnable, c’est-à-dire ce qu’on appelle aujourd’hui “la
droite républicaine”.
En tout cas, les députés de ces camps-là nous disent vouloir être à l’écoute d’un projet au sein de l’Assemblée nationale, certains mont dit personnellement, vouloir envisager de travailler ensemble et avoir une nouvelle approche politique. On pourra ainsi probablement espérer être plus efficace et répondre aux problèmes des français évitant ainsi les votes populistes extrémistes.
LBB: Et selon vous? dans combien de temps,on aura un accord pour avoir un nouveau gouvernement? (interview enregistrée le 23 juillet dernier)
Jean-Luc Fugit: Alors nous sommes fin juillet, vous savez très bien que nous entrons dans une période un peu particulière tout d’abord c’est un période d’été, de vacances, tout le monde a besoin de se reposer. De plus on est dans la période olympique avec cette chance que l’on a d’accueillir les jeux en France. On voit bien que quand le Nouveau Front Populaire discute entre ses quatre composantes pour essayer de dégager une ligne politique autour d’une personne, ils n’y arrivent pas. C’est un constat, ce n’est pas une critique. Évidemment, tout ceci va prendre du temps.
Dans les autres pays qui pratiquent des coalitions, on sait que cela prend du temps. Pour moi, il ne faut pas s’éterniser car pour la rentrée, il y aura le vote du budget donc il faudrait trouver une belle coalition avant ce temps-là.
LBB: Avec ce vote massif lors de ces élections législatives, pensez-vous que les français ont pris le rôle de citoyen à bras le corps ? Cette forte mobilisation implique une plus forte responsabilité de la part du personnel politique. Comment répondre à ces attentes ?
Jean-Luc Fugit: Je pense qu’en effet, que les français se sont énormément mobilisés pour cette élection législative. C’est la plus haute participation à l’élection législative depuis 40 ans, si ma mémoire est bonne. Nous avons été élus dans ce contexte-là et nous avons eu la chance d’être élus. N’oublions pas que c’est un honneur et une chance d’avoir été élu. Après, il faut évidemment travailler, ça va de soi. Maintenant, c’est de notre responsabilité de faire en sorte que l’on puisse trouver des majorités afin de répondre aux problèmes du quotidien de nos concitoyens. Et ça me paraît finalement la leçon numéro un à tirer de ces élections législatives.
Il n’y a pas de bloc dominant, entre guillemets. Le nouveau Front Populaire a 193 députés ; et soyons concrets, il lui en manque 100 pour arriver à une majorité absolue.Donc il ne peut pas avoir une majorité qui leur permette de gouverner à eux seuls. Si personne ne bouge, on va être dans une impasse.Il faut
obligatoirement que nous trouvions une solution.
LBB: Suite au vote du président de l’assemblée nationale, des alliances se sont faites en catimini pour sauver le pouvoir. Pensez-vous que la politique d’apparatchik ne va pas écoeurer encore plus les Français ?
Jean-Luc Fugit: On est dans la foulée de l’élection législative, donc on voit bien qu’il y a très peu de discussions entre les différents blocs pour essayer de trouver une coalition.
On a bien vu qu’au sein même du Nouveau Front Populaire, ils n’arrivaient pas jusque là à se mettre d’accord sur un nom de Premier ministre, alors qu’ils avaient un accord soi-disant programmatique.
Sur l’élection de la présidente de l’Assemblée nationale tout le monde avance ses pions. Il y a eu un vote, selon les règles de l’Assemblée nationale, au troisième tour, il y a eu une majorité relative qui s’est dégagée pour la présidente Yael Braun-Pivet.
Après,il a fallu élire les trois questeurs , ce sont trois dames qui ont été élues, c’est la première fois que cela arrive et j’assume le fait de ne pas avoir voté ni pour des candidats de la France insoumise ni pour des candidats du Rassemblement National.
En revanche, dans les différentes instances, j’ai voté pour des candidats socialistes, verts ou de la droite républicaine, en plus d’avoir voté pour des candidats du bloc central.
LBB: Vous avez quelque chose à rajouter ?
Jean-Luc Fugit: Nous, je n’ai rien de particulier à rajouter. Je suis à la disposition de mes concitoyens, que je rencontre sur le terrain de ma circonscription. En cette fin juillet, certains de mes concitoyens ont demandé à me rencontrer, ce que j’ai fait. Leur sensibilité politique n’est pas ce qui m’importe, ce qui est important, c’est qu’ils ont des choses à dire à celui qui les représente à l’Assemblée nationale, c’est particulièrement intéressant pour moi. Ce sera sûrement source de réflexion pour faire remonter les informations du terrain. C’est vraiment pour moi le plus important.