Dans le 7ème arrondissement, la Cité des Halles apparaît comme un lieu hybride à la fois convivial et productif. Lieu d’émulation culturelle de premier plan sur la friche industrielle de Nexans, ce projet d’occupation transitoire initié par Bouygues Immobilier a pour fonction de déterminer les usages d’un futur quartier.
Après une expérimentation de trois mois lors de l’été 2021, la Cité des Halles poursuit son aventure dans l’usine 4, ancien centre de recherche de la friche industrielle Nexans située dans le 7ème arrondissement. Depuis juin, un projet d’occupation transitoire enrichi a vu le jour, toujours porté par Bouygues Immobilier, propriétaire du site. D’après Maxime Cadel, responsable de projets urbains chez Urbanera, filiale du promoteur, l’objectif est de « préfigurer sur un terrain grandeur nature des activités ou des usages du futur quartier ». Le lieu s’apparente à « un espace de convivialité et de production lié à l’artisanat et à l’art » en même temps qu’il permet de tester de « nouveaux modèles économique ».
Une nouvelle approche urbanistique
Le groupe Darwin (propriétaire de bars et de clubs), Sofffa (espaces de co-working) et Superposition (association promouvant les arts urbains), se sont réunis en 2018 avec Bouygues Immobilier pour réfléchir au potentiel que pouvait avoir la friche industrielle de Nexans, espace de quatre hectares dont le promoteur avait fait l’acquisition. « Dès le début, il y avait une volonté d’exploiter ce lieu de manière temporaire ou transitoire. », témoigne Orbiane Wolff fondatrice et directrice de Superposition. Là où l’occupation temporaire correspond à l’utilisation d’un lieu avant sa rénovation en un tout autre ensemble, l’occupation transitoire a pour vocation de « tester des usages qui pourront ensuite s’insérer sur le quartier final qui va être construit ».
Dès la première expérimentation de juin à août 2021 sur une partie différente du site, « l’idée était de créer un lieu de vie, de rencontre, de culture, d’échange, de débat ». Il avait accueilli 300 évènements entre ateliers, galerie d’art, terrain de pétanque et offre culinaire. « Le but, c’était d’arriver à mélanger les publics, voir ce qui peut être bénéfique au quartier. On a eu un retour ultra positif sur l’accueil des familles, notamment grâce à l’organisation d’ateliers d’initiation artistique ». Pour donner suite à ce premier projet, des études de design ont été réalisées, les visiteurs ont été interrogés. « L’année dernière, on a réussi à faire un test de 3 mois qui nous a permis de confronter la vision qu’on avait du projet urbain avec celle des habitants », explique Maxime Cadel, « Tout ce qui est présent en 2022 est le résultat des bonnes expériences de l’année dernière. Tous les retours d’usages qu’on a eu seront inclus dans notre programmation à venir, comme la volonté d’intensifier l’offre culturelle. »
L’artisanat, « cœur battant » de la cité
Le projet est « polymorphe » par ses multiples dimensions : culturelle, sportive, artisanale, artistique, productive… La zone extérieure correspond à un lieu de convivialité. On peut y trouver un bar, un espace pour les enfants, un escape game, un terrain de basket et de pétanque. La zone intérieure accueille quant à elle une friperie, une galerie d’art, un restaurant et différents évènements. Sur 7100 m2, 4500 sont ouverts au public pour une offre événementielle variée. Le reste est constitué par des espaces plus productifs dédiés à la création artistique mais surtout à l’artisanat, « grande nouveauté » et « cœur battant » de la Cité des Halles pour Maxime Cadel.
Entre résidences d’artistes, ateliers de coton et de sérigraphie, une micro-distillerie de Gin et des futurs céramistes, l’idée est de favoriser « l’économie créative et circulaire ». « Ce n’est pas visible du public, mais le rez-de-chaussée et l’étage sont dédiés à ces activités-là. Ce sont des résidents qui ont leur bureau et leur facilité de production sur site ». Conserver la mémoire productive du lieu autrefois dédié à la confection de câbles téléphoniques faisait partie des recommandations de la mairie du 7ème arrondissement.
Entre démarche design et laboratoire créatif
Selon Maxime Cadel, ce travail de co-construction avec les habitants est « une façon différente de concevoir la ville de demain » : « au lieu d’une programmation un peu classique où un projet sort de terre et les gens le découvrent d’un coup, là, on les invite progressivement à donner leur avis, tester des choses. Ce qui ne fonctionne pas n’est pas forcément adapté au quartier ». La Cité des Halles est le plus gros projet d’urbanisme transitoire pour Urbanera, qui en fait sa figure de proue en termes de démarche design : «Il s’agit de s’inspirer, de prototyper puis de récolter les avis afin de les réintégrer dans le prototype. On finit alors par tomber sur quelque chose qui correspond aux attentes des utilisateurs. La démarche design de co-conception ou de retour d’usage estnée aux États-Unis dans les années 80. Elle existe aujourd’hui dans de nombreux domaines d’activité, mais elle est peu présente dans l’aménagement et la promotion immobilière. C’est un positionnement qu’on est en train d’affirmer sur nos concurrents ».
Pour Superposition, la Cité des Halles est un terrain de jeu propice à une grande émulation artistique : « Contrairement aux autres lieux de Superposition où tout tournait autour de l’art urbain et de la musique, là, il y a une autre proposition, cela crée des synergies, c’est décuplé. Plus tu mélanges les gens, plus des projets créatifs vont aboutir. On va avoir un studio photo et vidéo qui vont créer des passerelles. Il y aura aussi un espace de coworking pour Sofffa, donc des travailleurs indépendants qui rencontrent des artistes. C’est comme un laboratoire créatif », s’enthousiasme Orbiane Wolff.
« La ville de demain, c’est un peu une oasis »
Pour l’instant, Urbanera ne peut pas se prononcer sur les composantes du futur quartier. « Aujourd’hui, on ne sait pas ce qu’il y aura, c’est en cours de discussion, confie Maxime Cadel, ce qui fonctionnera à la Cité des Halles, on trouvera un moyen de le pérenniser en pied d’immeuble, comme l’atelier de sérigraphie ou la galerie d’art. Cela pourra se matérialiser également par la présence de street-art dans l’identité du quartier. Il y aura certainement une offre culturelle et de convivialité assez importante ». Seules les deux halles, qui sont inscrites au patrimoine, seront pour sûr conservées et réhabilitées.
Orbiane Wolff insiste sur son souhait de décloisonner et mutualiser les espaces urbains : « on constate que dans les villes, le décloisonnement met du temps à arriver entre les différents quartiers. Ce sont des micros-écosystèmes qui communiquent très peu les uns avec les autres. Le but du jeu, c’est d’avoir un lieu qui puisse rassembler, avoir un quartier qui soit comme ça in fine. Il y a une véritable demande de la part des habitants que les choses évoluent, comme créer des espaces plus neutres. A chaque fois, on parle d’un lieu qui a un seul usage. Par exemple, un cinéma n’est rien d’autre qu’un cinéma même quand il n’y a pas de film à projeter. Ça pourrait être un lieu pour des répétitions de théâtre. Il faut réfléchir à comment mutualiser un espace pour qu’il ait plusieurs activités qui soient ouvertes au plus grand nombre de personnes et d’idées ». Pour elle, il y a une véritable prise de conscience des pouvoirs publics sur le fait que les mètres carrés dormants peuvent être mis au profit des habitants. « Ce qui est génial, c’est se dire qu’il n’y a pas de limite dans l’expérimentation. La ville de demain, c’est un peu une oasis. », conclut-elle.
Derniers articles à lire :