Diversité et politique : le bal des faux-culs !

A l’heure où les factions du pays mobilisent leur troupes de toutes parts en vue des présidentielles de 2012, il est légitime de se poser la question de la représentativité de nos politiques notamment à travers le prisme de cette fameuse notion de « diversité ».

 De réelles attentes : l’exemple des citoyens vénissians

Dans le Rhône, cette problématique de la diversité en politique suscite un certain intérêt. Déjà, un débat avait été organisé fin juin autour de la question de la place de la diversité par Zakia MERY, Lotfi BENKHELIFA adjoint au maire (Vénissieux), Shoki ALISAID militant associatif ainsi que Colette ILUNGA conseillère d’arrondissement. Deux intervenants ont été retenus pour débattre de cette question : El Yamine SOUM, sociologue, coauteur du livre « Discriminer pour mieux régner » et Eric CEDIEY, Ingénieur statisticien-économiste de l’Ecole de l’INSEE et Directeur ISM-CORUM.

A  cette occasion, un micro-trottoir avait été réalisé auprès d’habitants de la commune de Vénissieux (Vénissieux Minguettes, Vénissieux Centre, Vénissieux Parilly, Lyon 8ème sur un panel représentatif de la population). Nous nous sommes procurés la vidéo :

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Témoignage local : « Vous allez faire bondir les cathos du coin avec votre nom ! »

Pour se donner une idée de l’état des lieux, rien de tel que du vécu. Ainsi, un élu de Lyon pouvait revenir sur son parcours : « Figurez-vous qu’au moment où vous choisissez de vous présenter au suffrage universel on vous renvoie dans la figure que vous n’êtes pas un véritable citoyen de la France(…) En 2006, on avait fait le pari que je sois candidat aux législatives dans ma circonscription: j’ai été élu haut la main par les militants pour être le candidat de mon parti ». La machine électorale a donc fonctionné comme il se doit et de manière idéalement démocratique et républicaine. C’est ensuite que les choses se sont compliquées pour l’élu : « Ça a été un véritable tollé. J’ai été convoqué et on m’a dit : “Tu ne peux pas être candidat, tu vas faire bondir tous les cathos du coin avec ton nom”… A la suite de cela, j’ai été simplement suppléant d’un candidat…».

Cet exemple, qui peut paraître caricatural mais qui n’est en fait que l’expression d’une réalité beaucoup trop souvent rencontrée, illustre assez bien l’ambivalence des différentes mouvances politiques qui bien que toutes dotées aujourd’hui d’une « politique de diversité » n’en supportent la visibilité qu’à un certain degré. Là encore, il existe un fossé entre les actes et les paroles. Bien que certaines avancées aient pu être notées, il demeure que la Diversité est surtout cantonnée à des postes de conseillers et d’adjoints et deviennent très rarement des maires par exemple, à tel point que  Vincent Geisser et El Yamine Soum, dans leur enquête sur la diversité dans les partis politiques*, affirment l’existence d’une « diversité cosmétique », injectée à doses homéopathiques soutenables (Soutenables pour qui ? Encore peut-on se poser la question)…

L’expérience précitée révèle des faits autrement plus graves qu’ils remettent dangereusement en question les bases du système démocratique et républicain : au moment où une partie de la population s’exprime favorablement par la voix des urnes pour cet élu, un responsable de parti vient expressément arrêter le processus démocratique en invoquant des prétextes contraires aux lois en vigueur et mettant inexorablement à mal l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux (la Loi, ndla) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

C’est ce genre de blocages qui ont d’ailleurs favorisé l’émergence de cercles, groupes, clubs de promotion de la diversité dont les membres placent la méritocratie républicaine au centre de leurs débats : « Pour le coup, on a été obligé de créer un petit mouvement pour imposer notre présence. On nous renvoie qu’aujourd’hui quand on se présente aux élections avec notre propre nom nous ne sommes pas des citoyens… Alors on ne va pas passer par la porte mais on va passer par la fenêtre  en se réclamant d’être représentatifs de la société dans toutes ses couleurs et dans toutes ses images…».


Le terme « diversité » ou l’ouverture du bal

La Diversité est depuis quelques années au centre de tous les débats politiques et médiatiques. Revendiquée par tous les secteurs sociaux et économiques, elle finit aussi par être draguée par les partis politiques. Stratégie politique pour s’attirer les faveurs d’un électorat jusque-là négligé par tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à présent ? Réelle volonté de proposer au peuple français un paysage politique qui serait à son image ?

Entourée d’une épaisse brume, sa définition demeure encore aujourd’hui quasiment impossible à faire d’autant plus que « l’impossibilité d’établir des statistiques sur la base des catégories ethniques rend difficile la connaissance de ce groupe » comme le précisent El Yamine Soum et Vincent Geissier dans Discriminer pour mieux régner. D’autre part, tous les Divers ne se revendiquent pas forcément de la Diversité dans une acceptation encore beaucoup trop répandue : Arabes alibis, Maghrébins de service, Noirs banania et maintenant plus que jamais, Musulman alibi.

Cependant, derrière cette « diversité » hyper-instrumentalisée, notamment en période électorale, se pose clairement la question de la discrimination. « Il est beaucoup plus facile d’évoquer des politiques de diversité plutôt que d’évoquer la discrimination positive » avançait Eric Ciediey lors du débat de juin, notamment parce qu’elle tend à adoucir la réalité.

D’autres maux que la sémantique viennent se mettre en travers de l’entrée de la Diversité en politique. On peut citer au hasard l’altérité permanente renvoyée à la figure des candidats Divers (Black, Beur…) qui finit par les positionner comme de citoyens de seconde zone opposant ainsi le noyau dur de l’identité française aux « périphériques »,  un paternalisme outrancier des élites détentrices de compétences politiques innées qui contribuent à maintenir les candidats de la diversité dans un état de perpétuel apprentissage , la suspicion quasi-systématique de communautarisme qui touche les candidats de la diversité… La liste peut être longue.

Ainsi, l’ambivalence des partis pourrait d’ailleurs expliquer l’indulgence voire l’incapacité  de ces derniers à régler leurs problèmes de discrimination en interne. D’ailleurs Eric Ciediey se demandait à juste titre suite au témoignage que vous avez pu lire un peu plus haut « On peut se demander si cela ne relève QUE du règlement à l’interne du problème dans les partis ? … L’intermédiaire (du racisme supposé du peuple) est coupable aussi ».  

« Quelle place pour la Diversité en politique ? » se demandait-on donc…  La question peut pousser à une réflexion sans fin mais à la lumière de la place qu’elle occupe actuellement il est à gager qu’elle reste toujours à prendre malgré certaines avancées …Un seul constat : les conclusions du livre Discriminer pour mieux régner se vérifient malheureusement sur le terrain.

Auteur : Mbarka Ben Haj Mohamed

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