Lyon, ville de tradition, s’est avérée être un terreau fertile pour le streetwear. Cette culture a su créer ses propres codes, du vestiaire de sport à la banlieue, de l’habit à l’attitude. Si vous n’avez pas lu le deuxième épisode rendez-vous ici :Immersion dans le streetwear lyonnais. Episode 2 : Les piliers d’un mouvement naissant. – (lyonbondyblog.fr)
Les années 2010 ont connu le crash du disque et l’arrivée du streaming. Les années 2020 ont quant à elle connu le covid et la nouvelle ère du « tout internet ». Dans ce contexte, des initiatives locales œuvrent pour la culture et tentent de lier les jeunes aux anciens, les rappeurs au textile.
Mathilda, jeune étudiante, qui revient d’un tour du monde en 2020, décide de créer son propre média dédié à la culture et à la jeunesse lyonnaises, toutes deux délaissées. « J’ai créé Yoshka Lyon, un pure-player car je ne me retrouvais pas dans les « concours de journalisme ». J’ai poussé le projet très loin, et j’ai arpenté toute la ville ». Très inspirée par l’univers underground, elle réalise des premiers événements, aux halles du faubourg notamment, où la jeunesse se réunie. Amoureuse des lieux vides et abandonnés, elle veut professionnaliser sa démarche et proposer un lieu dédié à la culture en plein Lyon : Bommrang, Rue de l’Épée à La Guillotière. Elle s‘associe à l’ancienne barmaid du lieu afin de piloter un endroit devenu avec le temps un incubateur de projets d’horizons divers et variés. Des premières scènes, comme pour Tedax Max, ou des DJ Set, avec Denha et Yanka… L’ouverture d’esprit du lieu et de ses fondatrices, permettent à de nombreux projets de voir le jour. C’est le cas de LAZULI, devenue artiste, connue à l’origine pour sa marque de textile : « On l’a accueillie alors qu’elle avait un pied dans la mode avant la musique, et on a travaillé avec elle autour d’un événement sur le streetwear. Elle est venue avec Izen, son producteur et sa marque Geisha Custom, pour présenter ses collections », explique Mathilda. Le public qui se déplace dans ses shows est bien habillé, fier, haut en couleur. Son second métier de photographe lui permet de mettre en scène cette jeunesse, qui prend place dans un lieu devenu la « fashion-week underground ».
Pour Yuna, élève à ESMOD, une école de mode lyonnaise, la ville est également en train de muter dans sa vision de la street culture. A travers ses cours et son expérience personnelle, elle voit que la culture de rue a dépassé le stade de tendance. « C’est un courant à part entière, qui est désormais une interprétation personnelle et infinie. On le voit depuis l’appropriation du phénomène par le milieu du luxe, donnant lieu à un streetwear chic et couture : Louis Vuitton et Gucci. Des marques ont émergé à l’instar d’Off-White ou Yeezy ». Ce mode de vie est une marque de rue, que tout le monde s’accapare, « le style transcende les classes sociales et fait écho à des changements de société profond ». Bien que débutante sur le marché du travail, elle remarque que la jeunesse se démarque de la tradition, où « l’uniformisation, la conformité et l’individualisme se sont progressivement éteints au profit de l’expression vestimentaire de chacun ». A Lyon, la jeunesse est « vivante et pro-active. Tant qu’il y a des jeunes, il y a de l’art, de la musique, du sport et par conséquent de la mode. Cet écosystème perpétue l’art du streetwear ».
On brode, on imprime, on se trompe, on recommence
Bambino est une des entreprises qui a redonné ses lettres de noblesse au merchandising, via un projet fondé en 2018 par Clément et Jean-Baptiste. Celui-ci prend un tournant suite à une grosse commande pour un BDE d’école d’ingénieurs à Aix. Progressivement leurs activités se sont développées aussi rapidement que leur portefeuille clients. Le merchandising fait désormais partie intégrante de leur activité, notamment grâce à des projets tel que Vision ou PLAVACE… Selon eux, Lyon vit actuellement une grande époque : “c’est un second âge d’or du rap lyonnais” s’exclame Jean-Baptiste. Les fournisseurs officiels de textile du premier projet de Tedax Max (Forme Olympique), continuent de s’ouvrir à d’autres opportunités, avec pour objectif principal le rap : “Evidemment. Il y a des possibilités infinies. C’est en popance total en 2021. On s’entoure, et dès qu’il y a un truc sur Lyon niveau peura, on veut devenir la référence”, témoigne Clément. La jeune entreprise, travaillant avec la ville de Lyon ou le groupe de supporters du Virage Sud de l’OL, veut donner un élan à la ville par tous les moyens possibles.
Le marché mêlant mode et merchandising est grossissant à souhait. Selon Clément et Jean-Baptiste, cet élan a été possible grâce à d’autres pointures du milieu « Maximega ou l’atelier du Quai, plus récemment, ont ouvert la voix ».
L’atelier du Quai est un incubateur de jeunes projets, ayant permis notamment à Reyes, Eliott Biant et le projet Vision, de démarrer doucement mais sûrement. Dans cette société où chacun souhaite de plus en plus travailler sur du beau et du bien fait, les imprimeurs voient leur métier changer pour muer en conseiller de création. On trouve désormais de tout : du simples t-shirt au hoodie de grande qualité. On brode, on imprime, on se trompe, on recommence. Cette longévité est possible grâce à un public de plus en plus dans la demande : “On travaille beaucoup avec les mêmes fournisseurs et souvent les mêmes clients. Les skateurs et les stylistes ont toujours connu ces types de matériau, ils font toujours l’affaire.” détaille Mathieu, dans la structure depuis 3 ans. Le lieu, sur le marché depuis 7 ans, a connu un bon bout de chemin de la culture street : « Le streetwear a tellement décollé ces dernières années : les marques premium se mettent à faire des sweats à capuche, les marques plus street se mettent à produire des chemises. Tout le monde se croise et ça porte le mouvement du textile ».
Rassembler pour mieux régner
Le point de départ d’un des plus gros collectif de rap lyonnais en 2022 est un sofa bleu. Un groupe de potes rappeurs se réunit un soir en studio à la Croix-Rousse pour s’amuser, et créent leur premier morceau. Ils lui donnent pour nom ce canapé, sur lequel il sont assis, qui les suivra jusqu’aujourd’hui. Cleim Haring, instigateur du projet, monte le crew « PLAVACE » avec une envie de créer un business auto-suffisant qui met en avant la culture hip-hop dans ses soirées.
Pour cela, il produit 3 projets : « Jacobins », « Voltaire » et « Carnot » ; il organise des « PLAVALIGUE », soirées hip-hop en rooftop à la Part-Dieu ; et met en vente du merchandising. L’idée d’apporter une diversification au projet intervient très rapidement dans le processus. Le collectif découvre Eliott Biant, référence lyonnaise du merch à l’époque : « On trainait sur Youtube et on est tombés sur une émission de Gambetta TV où Eliott parlait de son passage pour le projet VISION. On s’est dit que ça serait bien qu’il nous rejoigne pour développer une vraie marque de vêtements, défendre notre marque et avoir des produits forts », rapporte Cleim. Inspirés par l’auto-suffisance d’une marque comme Reyes ou AVNIER, PLAVACE devient un acteur fort de son marché. Le projet se structure et le crew de rappeurs doit s’entourer de gens à la vision plus large « j’ai également pensé à Sandra Gomez pour la direction artistique et visuelle et Tagzilla pour le graphisme ».
Cleim Haring, rappeur depuis le début des années 2000, veut lier l’ancienne et la nouvelle génération. Il imagine Casus Belli poser sur leur premier projet. Venu à l’origine pour un refrain, « Caz B » pose en plus un couplet. A partir de là, l’histoire est en marche. De nos jours, la marque se porte désormais sur l’événementiel grâce au Food Society et l’affiliation à La Ligue. Niveau textile, le crew propose une collection beaucoup plus large : casquettes, chaines de cou, cagoule, masque anti covid, sur-chemise… Le logo noir sur fond blanc représentant « une sorte de trou noir » se retrouve assimilé à tout type de matière, pour le plus grand bonheur des collectionneurs du genre.
Crédit : le_jcb Crédit : 1993initiales
Crédit : lieselfrthLe merchandising de PLAVACE s’est diversifié au fil du temps. Crédit : cleimharing
Merci d’avoir suivi cet épisode. Pour le prochain, nous rencontrerons des acteurs de la street culture lyonnaise qui valorisent l’Art du streetwear sous des formes créatives plus atypiques.
Tristan
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