La communauté LGBT+ face à l’agression à Part-Dieu

Dans la soirée du vendredi 16 mars, un couple de jeunes femmes a été agressé physiquement par un groupe de jeunes filles à Lyon. La raison ? Les deux jeunes femmes se tenaient la main en public dans le quartier de la Part-Dieu (3ème arrondissement).

L’information, révélée par le Parisien a évidemment suscité choc et indignation. Le couple de jeunes femmes a été agressé pour s’être tenu la main dans la rue. Après des insultes homophobes proférées par un groupe de filles, une des deux jeunes femmes leur a signalé qu’elle était policière et que ce qu’elles étaient en train de faire était illégal et punissable par la loi. Voilà qui a mis le feu aux poudres. Les jeunes filles les ont battues et une des deux victimes a reçu un coup de cutter au visage. Immédiatement après, la bande de jeunes filles a pris la fuite dans le quartier.

Une semaine après ces nouveaux faits de violence, nous sommes revenus sur la situation des personnes LGBT+ à Lyon avec des membres de la communauté.

« On peut vivre une vie tranquille avec son métier, ses amis, etc. »

Quelques jours après l’agression d’une jeune policière et de sa compagne dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon, les craintes des membres de la communauté LGBT+ refont surfaces. Christophe, qui peine à être naturel avec son compagnon en public en témoigne :

« C’est terrible d’être sur nos gardes, dans un climat de crainte, de peur à cause de ce risque d’être remarqués et identifiés par des groupuscules… Peut-être devrions-nous nous comporter en public comme bon nous semble ! Seulement  dans une relation, l’un et l’autre doivent se sentir en sécurité à tout moment et ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui à Lyon, ce mardi 19 mars 2019 ! ».

Face à de telles agressions, c’est la peur et rien d’autre qui devrait submerger les membres de la communauté LGBT+. Et pourtant, à leur contact, on sent également chez eux une réelle capacité à prendre du recul sur la situation. Face à cette énième agression, la communauté garde malgré tout la tête haute.

Agathe vient de Clermont-Ferrand. Elle est lesbienne et est installée à Lyon depuis l’été dernier. Elle nous explique: « À chaque nouvelle affaire dans les médias, j’ai comme un réflexe de rejet, je me dis surtout : « Oh encore ! » ». Elle déplore ces agressions et ne cache pas ses craintes : « Je ne peux pas nier que j’ai peur des fois mais je m’empêche pas de vivre non plus. ». Être une personne LGBT+ n’est pas une fatalité pour elle. Elle ajoute dans un rire « Je ne sors pas dehors en me disant « Mon dieu, je suis lesbienne, je suis en danger ! » ». Lorsque l’on aborde la question de la peur, Agathe affirme que ce sont ses parents qui sont les plus préoccupés. Elle explique : « Ce que je leur évoque, c’est de la pitié parce qu’ils ont l’impression que mon quotidien est horrible alors qu’en vrai, je vais bien. » Elle ajoute :

« Pour moi, la vraie première chose dont je suis victime, c’est de mon genre. Le fait d’être une femme c’est ce qui me fait me sentir en danger. J’ai plus peur de me faire siffler, etc. parce que je suis une femme que d’être discriminée parce que je suis lesbienne en réalité. »

Une volonté de rappeler que mener une vie normale en tant que personne LGBT+, c’est bien possible. Un fait que Maxime, co-délégué d’SOS Homophobie à Lyon, souligne également :

« En tant qu’homosexuel, on peut vivre une vie comme tout le monde, avoir son métier, ses amis, etc. On souhaite passer ce message aussi dans nos interventions en milieu scolaire.»

Une seule solution : médias et éducation

Les agressions homophobes continuent de faire la une des médias. Des faits qui sont loin de réjouir la communauté LGBT mais contre lesquels il n’y a qu’une seule solution selon Maxime : « Pour lutter face à ces agressions, il faut augmenter les interventions de sensibilisation et appeler à la tolérance. » Il ajoute :

« Il faut éduquer, informer, lutter contre les idées reçues et les a priori sur les genres. Lutter contre l’utilisation d’insultes homophobes dans un cadre banalisé, lutter contre la tolérance envers un discours de haine. »

C’est donc par l’éducation et la sensibilisation que les mentalités changeront si l’on en écoute Maxime. Agathe aussi pense que l’éducation joue un rôle primordial mais elle soulève également le rôle que les médias doivent jouer dans l’évolution des mentalités. Elle explique :

« Ce sont toujours les agressions les plus violentes qui sont médiatisées. Les médias ont un réel travail à faire sur les personnes LGBT+ pour sensibiliser leur lectorat. La communauté LGBT+ c’est pas seulement des meufs qui se font agresser, il se passe aussi des choses bien ! Il faut battre en brèche ces idées reçues. »

Mais ce problème selon Agathe est généralisable : « Il y a un réel manque de représentation des personnes LGBT+ dans les médias et dans tous les domaines de notre société. Il faudrait tout changer à la racine ! » Et ce problème bien concret, elle l’illustre grâce à son expérience personnelle, non sans en rire : « Moi quand j’étais petite, je vivais plutôt à la campagne et la seule représentation que je me faisais des personnes homosexuelles c’était grâce à un personnage de Plus Belle la Vie quoi ! »

Lyon, une ville comme les autres

Lyon est-elle une ville peu accueillante pour les personnes de la communauté LGBT+ ? La réponse tend plutôt vers le « oui » pour nos témoins. Maxime exprime succinctement son avis sur la question :

« La ville de Lyon reste agréable à vivre. On se sent autant en sécurité ici qu’ailleurs qu’on soit LGBT+ ou pas d’ailleurs. »

Un sentiment partagé par Agathe qui dit avoir trouvé Lyon une « super ville LGBTI-friendly. Je me retrouve dans plein d’associations, il y a des médias gais gratuits. C’est possible de pas se sentir safe [ndlr. « en sécurité »] dans la rue mais tu auras toujours des lieux où te sentir en sécurité en même temps. ». Lorsqu’on lui demande s’il y a quand même des lieux qu’elle évite à Lyon elle répond clairement : « Je ne pense pas qu’il y ait des endroits plus dangereux que d’autres. L’homophobie est partout, on l’a intériorisée. Même pendant les Prides, je ne suis pas à l’aise pour tenir la main de ma copine devant tout le monde, je ressens une gêne. » Pour Maxime, il n’y a pas non plus de « zone de non-droit » pour leur communauté à Lyon. Il constate :

« Même le bloc impénétrable du 5ème arrondissement commence à se fissurer. La Mairie du 5ème arrondissement a pris le problème avec les groupuscules violents à bras le corps. On travaille pour voir ce qu’on pourrait mettre en place pour vivre ensemble. »

En juin 2018, la 23ème marche des fiertés avait  effectivement été autorisée dans le 5ème arrondissement, fief de l’extrême-droite.

La réponse des pouvoirs publics

Suite à l’agression survenue à la Part-Dieu ce 16 mars, la réaction des politiques ne s’est pas fait attendre. Ils ont immédiatement exprimé leur soutien aux victimes sur Twitter notamment. Marlène Schiappa, mais aussi Gérard Collomb, ont dit leur indignation face à de tels actes de violence. Interrogés sur les déclarations du maire du Lyon sur les réseaux sociaux, Maxime concède qu’il « ne peut que saluer la réaction politique de Gérard Collomb dénonçant des faits homophobes. »

Il affirme néanmoins :

« On déplore le manque d’action à Lyon autour de ces actes homophobes. On espère que Lyon ira concrètement plus loin dans les actions menées. On espère en fait de vraies actions et des signes forts envers les personnes LGBT. »

Pour Agathe, ce tweet prosaïque est insuffisant. Elle s’exclame : « Condamner, et alors ?! Qu’est-ce qui est fait de concret derrière ? ». Face à ce manque d’action, Maxime préfère relativiser.

« On travaille déjà en partenariat avec certaines mairies et globalement, le monde LGBT est soutenu par la ville. Mais c’est sûr que Gérard Collomb n’est pas connu pour prendre parti pour notre communauté. »

« On est en ce moment dans un véritable virage »

Maxime affirme :

« On est en ce moment dans un véritable virage où les paroles homophobes ont de moins en moins de valeur dans notre société et ce grâce à la progression des droits des personnes homosexuelles. »

Ces dernières années, il y a « clairement eu une libération de la parole, ce qui est très heureux malgré toutes les agressions. Les victimes ont moins peur de dénoncer les faits, ont le courage à témoigner parce qu’elles savent que la loi est avec elle désormais. » Une pénalisation de l’homophobie qui, selon Maxime, encourage également les personnes témoins de ce genre d’agressions à agir. Maxime se veut optimiste. L’association qui fête cette année ses 25 ans ne cesse de recruter de nouveaux bénévoles chaque semaine.

« Il y a un véritable intérêt des établissements scolaires pour les interventions que nous proposons. Depuis le début de l’année scolaire, 45 établissements nous ont contactés. Malheureusement nous devons annuler certaines interventions faute de bénévoles. »

S’il y a un message que Maxime souhaite bien faire passer c’est que toute orientation sexuelle confondue, on peut s’engager auprès d’SOS Homophobie. Qu’on soit un homme, une femme, homosexuel, hétérosexuel ou transgenre. Il lance un véritable appel :

« On a toujours besoin de nouveaux bénévoles pour venir semer des graines de vivre-ensemble dans ces établissements scolaires ! »

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