Chronique judiciaire : une affaire poignante

Le Palais de Justice des 24 colonnes, cour d’assises, du 14 au 16 juin

 

 

Le 18 décembre 2014, la veille des vacances de Noël, deux enfants ont vu leur père pour la dernière fois. Aux alentours de 13h20, Luc* est à son domicile. Petit producteur de cannabis, il attend son acheteur. Ils s’étaient rencontrés dans un tabac, un mois auparavant. Après consommation, Jean* se rend compte de la mauvaise qualité de l’herbe. Il demande alors un remboursement immédiat. Luc en fauteuil roulant à cause d’une malformation des pieds, refuse. A partir de cet instant, la situation devient incontrôlable.

 

Pour ce premier jour de procès, dix personnes sont intervenues : l’accusé, Jean, huit témoins, et une partie civile l’ex-femme de la victime. Les faits de l’agression ont été donnés en détail. Cependant, quelques éléments clés du crime restent encore à éclairer. Jean est détention provisoire depuis deux ans à Bourg-En-Bresse. Les huit témoins ont dressé un portrait de l’accusé, avant, pendant et après le drame.

L’histoire de Jean commence par l’absence d’un père. Ce dernier ne le reconnaît pas à la naissance. Placé en foyer à quatre ans par sa mère, il ne bénéficie pas d’une stabilité familiale. Agité, turbulent, il est difficile à canaliser. Il grandit à travers plusieurs foyers avec « l’absence d’une figure adulte structurante » d’après sa psychologue. Jean se rebelle à l’adolescence et se fait exclure de ses collèges. A moins de 18 ans, il se retrouve dans 3 condamnations pour dégradation, vol, violence aggravée. Quelque temps après sa majorité, ses problèmes de toxicomanie commencent avec une consommation régulière de cannabis. Ses condamnations continuent et il ne se remet pas pour autant en question. Ses faiblesses d’intégration ne l’aident pas professionnellement avant de trouver une petite formation. « Il prend du plaisir à apprendre » et son patron lui trouve du potentiel. Mais une altercation avec un autre jeune à cause d’une musique trop forte va tout annuler. Jean est l’aîné de deux sœurs et un frère tous issus d’un père différent. Sa mère explique, que ces hommes n’étaient pas francs avec elle, ne lui disant pas qu’ils étaient mariés.

 

La vie de Luc et de Jean est étroitement liée. Ils ont tous les deux des points communs : ils consommaient du cannabis et pratiquaient la boxe. La mère de Jean connaissait Luc grâce à leurs enfants qui étaient dans la même classe. La deuxième sœur de Jean connaissait directement la victime. Ces deux derniers pratiquaient la boxe au même endroit. Malgré son handicap, Luc, d’origine martiniquaise avait un excellent niveau et était même devenu champion national de handiboxe. Calme, humble, souriant, voilà quelques adjectifs qu’utilisent les proches de cet homme, sauvagement tué dans son appartement par 44 coups de couteau. Un de ses amis déclare que la souffrance de Luc, due à son handicap était grande. Les traitements médicaux ne suffisaient pas à apaiser sa douleur. Il a alors trouvé dans le cannabis un moyen de se faire, non seulement de l’argent, mais aussi de se soulager. Il trouvait « un certain confort » grâce à sa culture d’herbe chez soi. Malgré sa séparation avec la mère de ses deux fils, ce dernier n’a jamais raté une occasion de passer du temps avec eux : « s’il était dans le coin, on l’appelait » annonce son ex-femme. C’est ce qui s’est produit le 18 décembre 2014. Dans la matinée, Luc a accompagné la mère de ses enfants pour un achat d’un appareil électro-ménager avant de rentrer chez lui pour son rendez-vous.

Le voisin du rez-de-chaussée, a été réveillé par un bruit anormal. « C’était un bruit qu’on n’entendait pas tous les jours. Il y avait quelque chose de conséquent qui était tombé en haut. Ça faisait un bruit de métal, comme si des ustensiles avaient été renversés ».

Jean n’accepte pas que son vendeur ne lui rembourse pas. Pris d’un excès de colère mélangé aux effets du cannabis, il se dirige violemment vers Luc, le faisant tomber de son fauteuil roulant. Les deux commencent à se battre. Un couteau aurait été à portée de main et Luc l’aurait, selon Jean, saisi pour commencer à se défendre. Il attrape ensuite son agresseur par la ceinture et le renverse, puis l’aveugle en saisissant sa capuche. C’est à ce moment que Jean « perd les pédales ». Il ne se contrôle plus et le frappe à l’aide du couteau. Emporté par la colère, il ne se rend compte que quelques instants plus tard que Luc ne bouge plus. N’écoutant plus son cœur battre, il se rend à l’évidence. Il pense à ses amis, à sa famille, mais Jean vient de briser une famille. Une famille qui, depuis le procès, ne s’était pas vue depuis l’enterrement.

 

Les analyses rapportent 44 coups de couteau. Douze au thorax, à la tête et au cou. Des projections de sang ont été trouvées partout sur les murs de l’appartement. Pour essayer de brouiller les pistes, Jean tente de faire passer l’acte pour un cambriolage. Il retourne l’appartement avant de prendre la fuite. C’est un voisin qui remarque des taches de sang à l’entrée et qui donne l’alerte après s’être rendu à l’évidence que Luc n’était pas sorti de chez lui.

Les pompiers arrivent sur place et retrouvent Luc, 36 ans, allongé sur le dos, inerte.

 

Affaire à suivre.

 

*les prénoms ont été modifiés.

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