Internat Favre : « On ferme l’avenir à nos enfants »

En décembre 2014, l’équipe municipale de Lyon a décidé la fermeture de l’internat Favre. Situé à la Croix-Rousse, il accueille actuellement 55 enfants âgés de 6 à 13 ans. Cette fermeture, justifiée pour des raisons budgétaires, laisse les familles dans le désarroi.

 Le 3 juillet prochain, l’internat Favre devra fermer ses portes. Les enfants devront retourner chez eux ou aller dans d’autres établissements comme les internats PEP (NDLR Pupilles de l’école publique). Mais les délais sont courts et bon nombre d’établissements sont déjà complets. Ainsi beaucoup de parents se retrouvent sans solutions pour l’année prochaine.

« Je ne sais pas ce que mon fils va devenir si l’internat ferme »

C’est notamment le cas de Madame Laroussi, dont le fils est en CM2. Elle explique ne pouvoir l’inscrire au collège de secteur sans

Écouter notre débat spécial (1 heure) sur la fermeture de l’internat Favre(Avec Emmanuel Hamelin, conseiller municipal UMP, et Isabelle Granjon, conseillère municipale PCF, et avec les éducatrices Katia Philippe [Intersyndicale internat Aldophe Favre] et Christine Jammet [Intersyndicale FO, Sud, CGT].
Aucun élu de la municipalité n’a souhaité participer au débat, mais nous restons à leur disposition si d’aventure ils changeaient d’avis.)

courir au désastre et ne pas savoir que faire. Pour elle, le délai est trop court pour pouvoir préparer correctement l’avenir de son fils. Un avenir qui angoisse également Farid, père d’Anis : « Ce qui m’inquiète c’est qu’on leur enlève des repères et leur comportement peut s’en ressentir ». Son fils, scolarisé jusqu’à présent à la Croix-Rousse, passera au collège l’année prochaine. Farid, qui prévoit de faire une demande de dérogation, craint qu’il ne se retrouve seul dans un mauvais environnement alors que ses camarades resteront à la Croix-Rousse. Cette fermeture perturbe tout autant les enfants pour qui l’internat était devenu une deuxième famille. « On sent qu’il y a de la peur pour ces retours non préparés », note Pamela. Selon la mairie, chaque enfant ferait néanmoins l’objet d’un accompagnement personnalisé. Madame Brugnera, adjointe au maire chargée de l’éducation, a également reçu plusieurs parents. Mais malgré cela, les inquiétudes persistent.

Unique en France

Cet internat municipal, unique en France, accueille des enfants déjà scolarisés en primaire et au collège. L’admission se fait sur demande des parents pour un an, reconductible selon les besoins. Une quarantaine d’agents, dont une orthophoniste et une psychologue, s’occupent de ces enfants. À son arrivée, chaque enfant fait l’objet d’un projet personnalisé avec des objectifs à remplir. Cela peut concerner tout aussi bien leur comportement que leur scolarité. Il peut aussi bénéficier d’un emploi du temps aménagé et a accès à de nombreuses activités extrascolaires. Il y a aussi une très forte collaboration entre les écoles, l’internat et les parents afin d’accompagner au mieux chaque enfant. Et même si les enfants sont à l’internat toute la semaine, les parents gardent une place importante : « Je garde ma place de maman, quand il est malade on m’appelle, je fais un contrôle sur les devoirs de la semaine… simplement avec une distance qui lui fait du bien à lui, et à moi. Et le vendredi on rencontre l’équipe avec qui on fait un débriefing de la semaine », explique la maman de Jassim. Un encadrement et des méthodes efficaces selon elle, qui a vu son fils faire de nombreux progrès dans son comportement et sa relation avec les autres. L’internat permet d’apporter un cadre à des enfants aux situations familiales parfois compliquées. « Quand les enfants ressortent, la plupart d’entre eux le font avec des valeurs qu’on leur a transmises et réintègrent une scolarité avec de nouvelles bases », explique Pamela, éducatrice.

« Nous allons croire jusqu’au bout, on va continuer à se battre »

Cette fermeture est justifiée, selon l’équipe municipale, par la perte des 200 000 euros d’aides de l’État, le coût de la réforme des coûtsinternat favre scolaires et par la réorganisation des secteurs d’éducations prioritaires de la ville avec une étendue à de nouveaux quartiers. Des arguments mal reçus par les parents et le personnel éducatif, d’autant plus dans la période actuelle. « J’ai très mal pris la fermeture dans le sens où on nous bassine à la télévision que pour éviter que les enfants fassent le Djihad ou qu’ils ne se retrouvent à vendre de la drogue, il ne faut absolument pas qu’ils décrochent de l’école. Et on ferme un internat qui a complètement sa place dans la politique actuelle. » Souligne notamment Madame Laroussi. Ce à quoi Madame Brugnera répond : « Le gouvernement porte l’accent sur les internats de collégiens. La ville de Lyon voit sa contribution aux fonds de péréquations (NDLR Mécanisme de redistribution ayant pour objectif la réduction des inégalités de richesse entre les collectivités territoriales) augmenter fortement ce qui contribue donc à la solidarité nationale. » Mais pour les parents et le personnel, l’argument budgétaire ne tient pas la route. Le fonctionnement de l’internat ne représente en effet que 0,32 % du budget de la ville. « Ce n’est rien du tout », commente Pamela, en colère. Des solutions comme la baisse du nombre d’enfants accueillis ont été proposées pour garder l’internat ouvert. Ce qui permettrait de faire baisser les frais de fonctionnement selon les opposants à la fermeture. Et également de pouvoir faire fonctionner l’internat encore un an, délai qui permettrait aux parents de mieux se préparer. C’est tout ce que demande la maman de Jassim, un an supplémentaire. Une solution non retenue par la mairie comme l’explique le service presse de la ville selon qui : « Cette réduction budgétaire ne serait que minime, les coûts de fonctionnement de l’internat sont assez peu proportionnels au nombre d’enfants accueillis ». Ce à quoi répond très bien Katia Philippe, dans notre émission d’une heure, sur la politique du chiffre (de 36’35’’ à 37’53’’).

Mais pour la maman de Jassim, il y a encore de l’espoir : « On ne peut pas laisser nos gamins avec tout ce qui se passe, on ne peut pas les lâcher dans la nature ». Pamela aussi garde espoir afin de montrer l’exemple aux enfants. Pour Farid, un miracle serait nécessaire pour que l’internat reste ouvert. « Il faut que tout le monde se mobilise », ajoute-t-il. Et si la mairie parait ne pas vouloir changer d’avis, parents et personnel éducatif continuent à garder espoir et multiplient les actions pour se faire entendre. Ce qui ne semble pas gagner au regard des déclarations de Madame Brugnera : « Non [il n’est pas possible de donner un an supplémentaire à l’internat] ». Mais elle précise que les parents « sont le centre d’attention des élus et de l’administration ». Vous n’êtes pas obligé de la croire.

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