Le Comoedia accueillait l’avant-première lyonnaise de « Rude Boy Story », un documentaire retraçant le parcours atypique du groupe de reggae français « Dub. Incorporation », une formation de référence au sein de cet univers musical. Loin de la puissance des majors, le réalisateur -Kamir Méridja- nous livre un brillant exemple d’un groupe indépendant.
Sur la Roots
Depuis la fermeture des mines en 1973, Saint-Etienne doit faire face à de nombreuses difficultés économiques. Malgré tout, cette cité rayonne par sa culture, notamment dans le domaine du Reggae. A la fin des années 1990, une bande d’amis décide de s’inspirer de leurs prédécesseurs et se lance sur scène. D’abord dans la cour du lycée, puis rapidement, le groupe enchaine les bars et les petits festivals. Compensant le manque d’argent et d’appuis institutionnels locaux par une motivation sans faille, Dub Incorporation va séduire la région au grès de prestations énergiques et de textes engagés. Komlan, l’un des deux chanteurs se rappelle : « Même si on avait rien dans les poches et que le concert n’était que très peu rémunéré, on y allait quand même ! ». L’envie de jouer et de partager sans penser à l’aspect financier, voilà certainement l’un des crédos à suivre pour tout groupe indépendant.
Loin des sentiers battus, Dub Inc continue son ascension. Entre les tournées, le groupe sort plusieurs albums, tous autoproduits. Elément important de l’indépendance d’un groupe, l’autoproduction de « A à Z » des opus est pour la formation forézienne une grande fierté. Cela permet de composer et d’enregistrer en toute liberté, de faire ce « qu’on aime vraiment, sans pression commerciale » témoigne l’un des membres du groupe.
L’envergure du groupe est en perpétuelle évolution. Par le succès des Cds et par le bouche à oreille de leurs prestations scéniques, la Dub Inc s’impose comme un pilier du paysage reggae français. Le groupe joue à guichet fermé dans les plus grandes salles hexagonales. Les Zéniths deviennent leurs quotidiens. Les programmateurs des plus grands festivals se penchent sur ce groupe qui attire les foules : Vieilles Charrues, Paléo…Le groupe ne se contente pas du territoire français : Dub Inc se produit dans toute l’Europe, en Jamaïque et jusqu’à New-York. Cette réussite instaure un paradoxe. Comment une formation qui rencontre un tel succès artistique n’est-elle jamais dans la lumière médiatique ?
« Zigo », le batteur, pense que le groupe fait face à un véritable « boycottage » de la part des médias. La formation semble partager une certaine frustration à cet égard. Mike, un des chanteurs du groupe Sinsémilia, explique que tout musicien à plaisir de passer à la radio. Ne serais-ce que pour faire découvrir sa musique à un maximum de monde.
De nombreux journalistes, spécialisés dans la presse musicale, présents sur les grands festivals expliquent que leurs rédacteurs en chefs privilégient la couverture des groupes soutenus par des majors et possédant déjà une forte notoriété, une reconnaissance en grande partie fabriquée par les plans marketings. Ainsi, de nombreux groupes, dont Dub Inc, passent inaperçus sur la scène médiatique alors qu’ils font gonfler de façon exponentielle l’affluence des festivals.
Loin de cette exclusion des plateaux TV, des ondes radios et de la presse généraliste, Dub Inc a toujours été porté par ses fans. Les afficionados se reconnaissent dans les textes humains et engagés qui traitent des problèmes conjoncturels, aussi bien économiques, politiques que sociaux. Ces paroles conscientes trouvent un écho fort chez une population qui ressent les mêmes injustices et les mêmes problématiques. En somme, la Dub inc se mue en néo-romantique reprenant le flambeau de héros pour proclamer tout haut ce qu’une frange de la société pense tout bas. Par ses affluences record et ses innombrables concerts joués à guichets fermés, la Dub Inc apparaît bien comme un phénomène social dont leur indépendance en est la garante.
Une autonomie sans limites, une liberté sans frontière dont la motivation profonde est celle de jouer et de partager leur musique, loin des contraintes mercantilistes imposées pour les majors. Zigo résume l’indépendance en un exemple : « L indépendance, c’est s’amuser à faire ce qu’on veut, sans se fixer de limites. Si un type nous contacte pour venir jouer dans son bar au Vietnam, si on peut le faire, on le fait !»