World Hijab Day : Et si tout le monde le portait, juste pour voir ?

Mettre le hijab sur le devant de la scène tout en affrontant les idées reçues et les préjugés, voilà un défi qui pouvait paraître extravagant. C’est pourtant le pari que se sont donnés de jeunes stylistes lyonnaises qui ont importé le World Hijab Day début février. Un évènement mondial destiné à donner une nouvelle image de ce vêtement / objet.

La controverse du hijab en France et dans d’autres pays allume les débats comme le feu sur la braise. Elle laisse entrevoir des confusions sémantiques de plus en plus marquées au sein de la population autour des termes « voile intégral », « foulard », « niqab » ou « burqa ».

Jean Bauberot membre du groupe société, religion, laïcité et fondateur de la sociologie de la laïcité s’exprime sur la loi sur le foulard dans l’Express en février 2015 : « Cette loi a donné lieu à un terrible paradoxe. Il s’agissait d’une interdiction limitée aux élèves mineurs des écoles publiques. En dehors le port du foulard restait légitime. Or, pour obtenir cette interdiction, on a procédé à une dénonciation globale du foulard, traduit comme étant un outil de soumission de la femme… »

10434008_1556659844621049_8849534266955644324_nEn 2004, une loi interdisant le port des tenues et des signes religieux dans les établissements scolaires est adoptée. En 2010, ce sont le voile intégral et la burqa qui sont prohibés sur la voie publique. Malgré les nombreuses affaires d’expulsions d’établissements scolaires, de licenciements ou de discriminations, une nouvelle tendance semble doucement se dessiner.

Le World Hijab Day : démystifier les préjugés

En banlieue, les stylistes et les créatrices de mode foisonnent désormais et exposent leurs talents via les réseaux sociaux. Le hijab se mue paradoxalement en vêtement de mode. Hadjar Chouchaoui (21 ans) jeune créatrice domiciliée à Vénissieux au quartier des Minguettes s’attelle à le prouver avec sa marque Jasmin Style. Après avoir visionné sur le web de nombreuses vidéos d’évènements, elle découvre le World Hijab Day fondé par Nazma Khan, une Américaine d’origine bangladaise. Les convictions de Hadjar Chouchaoui se renforcent alors.

Logo world hijab dayOrganisée le 1er février de chaque année, cette démarche invite les femmes de toutes confessions dans le monde entier à porter pendant quelques heures le voile pour prouver que son port n’est ni une contrainte ni une obligation.

La jeune vénissiane se trouve face à de nombreuses questions administratives pour organiser cet évènement à Lyon. Elle contacte l’ancienne ambassadrice du World Hijab Day, Sherazade El Ansari, qui lui propose de prendre le relai au niveau national et les contacts avec New York deviennent constants. A trois semaines de l’évènement, elle fait appel à deux stylistes Hadjer Zennou (Scarf and Veil), Naella Aslimani (Scarf Flowers) et une étudiante Anyssia Bachar. Les vidéos produites à Lyon par Hadjer Zennou seront systématiquement transmises au siège social américain.

Un contexte tendu, mais un public ouvert

L’évènement est organisé avec une vingtaine de bénévoles dans le 1er arrondissement, au niveau de la Rue de la République. L’appréhension est renforcée par les évènements tragiques du 7 janvier dernier et la tuerie de Charlie Hebdo. À la grande surprise des organisatrices, les réactions ne sont pas celles escomptées. Les gens se montrent curieux et ouverts face à ces pionnières et leur sens de la pédagogie :

« Un homme de confession catholique m’a abordée et m’a posé toutes sortes de questions sur le hijab. Il disait maladroitement “nijab” (rires). Je lui ai expliqué les principes du port de ce vêtement. Il m’a demandé si on m’avait forcée. Je lui ai répondu que ce n’était pas le cas et que ça n’arrivait que pour une minorité de musulmanes. Il était plutôt choqué par l’interprétation des médias. » Raconte Hadjar.

« Deux éléments sont entrés en jeu au niveau de l’organisation : le prosélytisme et la sécurité, explique Hadjer Zennou. Nous avons bien expliqué aux responsables de la préfecture que nous ne partions pas sur des éléments religieux. Le discours était bien basé sur la discrimination des femmes voilées. C’était seulement “l’aspect vêtement” qui était abordé. Au niveau de la sécurité, il a fallu faire comprendre que nous sommes des citoyennes françaises et que nous avions le droit de nous exprimer. »

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Religion et laïcité : un débat constant

La thématique religieuse est récurrente dans un tel évènement : « On n’avait aucunement l’intention d’en parler, mais le sujet est revenu avec insistance. » Déclare l’ambassadrice française du World Hijab Day. Cette dernière appuie le fait que c’est un choix personnel, lié à la religion et au Coran, mais pose la question : « Qui respecte à la lettre ce qui est écrit dans les livres ? Presque personne ! »

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« Parmi les gens qui sont venus, la plupart ont subi ce qui s’est passé le 7 janvier dernier. Il y a un sentiment de détresse parce qu’ils n’ont pas les réponses aux questions. Ils les cherchent en allumant leur télévision. Ils ont donc besoin de connaître le point de vue des Français de confession musulmane. » Argumente Hadjer Zennou.

« On n’a pas à s’excuser par rapport à ce qui s’est passé ces dernières semaines. Il n’y a pas lieu de demander à un individu s’il est d’accord avec le meurtre de quelqu’un. Cela a ouvert les portes à ceux qui avaient une dent contre la communauté musulmane pour faire n’importe quoi. Il y a deux cas de figure : soit on va vers un pessimisme irréversible alimenté par les amalgames subits par les musulmans. Soit on adopte le meilleur des comportements comme le stipule notre religion. »

Les deux organisatrices dénoncent l’interprétation de la laïcité en France qui selon elles a été rendue compliquée malgré la loi de 1905 qui impose la séparation des églises et de l’état. Et de conlure : « Il faut respecter les lois du pays dans lequel on vit tout en exprimant son opinion. »  

Vidéo du World Hijab Day à Lyon

 

Pour aller plus loin :

Mode : La banlieue a du style

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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