Sexion d’Assaut rencontre des associations de lutte contre l’homophobie

Le groupe de rap Sexion d’Assaut était à Lyon, vendredi 29 octobre, au Club de la presse, où il rencontrait des associations de luttes contre l’homophobie. Une manière de tourner la page, après la polémique de ces dernières semaines concernant les propos tenus par l’un des membres du groupe parisien. Rencontre

Vendredi 29 octobre, deux des membres du groupe de rap Sexion d’Assaut était au Club de la presse, rue du Bœuf au Vieux Lyon. A l’initiative de l’hebdomadaire Tribune de Lyon, Lefa et Dawala rencontraient des associations lyonnaises de lutte contre les discriminations : la Ligue des droits de l’homme, l’association Rimbaud, SOS Racisme. Ainsi que le directeur du Transbordeur, qui a récemment pris la décision d’annuler le concert lyonnais du groupe et Najat Vallaud-Belkacem, qui portait une double casquette, celle d’élue à la jeunesse de la ville de Lyon  et celle de secrétaire nationale du Parti socialiste chargée de la lutte contre les discriminations. En effet, ces dernières semaines, le groupe de rap classé n° 1 en France, faisait davantage parler de lui pour des propos polémiques sur l’homophobie que sur sa musique. Remontons dans le temps.

Il y a de cela quelques mois, le collectif qui réunissait alors 37 membres, était interviewé par un magazine de rap dédié à la culture rap. Dans la conversation, l’un d’entre eux, Lefa, âgé de 22 ans, déclare: « On est 100% homophobes». Dès lors, la popularité du groupe va laisser place alors à l’indignation des associations gays ainsi que dans un epartie de l’opinion publique. Le groupe NRJ qui avait fait des rappeurs parisiens leur nouvelle mascotte, se détache rapidement d’eux et décide de suspendre toute collaboration. Tel un effet domino, les salles de concert déprogramment le groupe qui vient d’entamer une tournée en France.

Cyrille Bonin, directeur du Transbordeur, insiste sur le risque de trouble à l’ordre publique, raison principale pour laquelle la décision fut prise d’annuler le concert du 29 octobre à Lyon.

Lefa, l’auteur des propos incriminés, prend la parole : « On travaille avec les associations qui luttent contre l’homophobie. Ces rencontres sont très importantes car on se trouve nez à nez avec les personnes concernées pour dialoguer. La polémique est partie de moi, je veux remettre les choses dans leur contexte. Dans une interview il y a sept mois, j’ai dit que nous étions 100% homophobes. Mais beaucoup de nos propos ont été prêtés, j’en profite pour remettre les choses au clair».

L’échange, qui se déroule à huit clos (pas de caméra ni de photo pendant le débat) débute dans une atmosphère détendue. Lefa continue : «Je n’ai jamais dit que l’homosexualité était une déviance ni même tenu de propos sur la religion. Le mot homophobe est très lourd. On lui donnait une signification qui n’est pas juste. En disant ce mot, je voulais dire que je ne suis pas gay mais hétéro à 100%. Par la suite, on a vérifié dans le dictionnaire et on s’est rendu compte que l’homophobie ce n’est pas ça. Je m’excuse auprès de toutes les personnes que j’ai pu choquer. Je reconnais avoir commis une erreur. Il existe une énorme ignorance par rapport à l’homophobie dans les milieux machos, dans l’armée, le foot ou le rap par exemple. Il y a deux catégories d’homophobes, ceux qui savent ce que c’est et qui passe à l’acte et ceux ignorants qui reproduisent cette erreur, j’ai fait parti de ceux-là».

             Le groupe a décidé depuis d’utiliser cette polémique pour sensibiliser son public : «  Notre public est très varié. On appel au rassemblement dans nos concert. Notre succès est arrivé rapidement. On est passé d’un public restreint à un public large. On n’a pas eu le temps de faire la transition. On ne s’est pas rendu compte que des enfants s’identifiait à nous. On s’en rend compte aujourd’hui. On continue à apprendre». En effet, le groupe a décidé de distribuer des tracts à l’entrée de chaque concert appelant à lutter contre toutes les formes de discrimination.

Tanguy, de l’association Rimbaud : « Je travaille avec des jeunes, je suis animateur. Aujourd’hui je suis aussi là pour vérifier la sincérité des propos ».

« Mes propos ont été blessant et choquant. On a tenu a rencontrer les associations de lutte contre l’homophobie avant de parler aux médias. J’ai rencontré de jeunes homosexuels, on est jeunes comme eux et j’ai fait la démarche de comprendre ce qu’ils vivent» répond Lefa.

 « Dans cette situation, on ne parle pas que de gens blessés ou humiliés. L’homophobie est la première cause de suicide chez les jeunes, treize fois plus important que la moyenne. C’est quelque chose de très grave » précise Najat Vallaud-Belkacem.

« Il y a un machisme ambiant dans les quartiers mais ce n’est pas propre aux quartiers populaires, ça existe dans tous les milieux machos. Je rappelle que nous sommes dans un pays où l’on n’a pas le droit de se marier ou d’adopter quand on est homosexuel, ni même de donner son sang. L’Etat ne permet pas d’offrir les mêmes droits que tout le monde. Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir une prise de conscience. Je ne pense pas que tous les groupes de rap soient près à tenir le même discours de tolérance et de soutien envers ces associations. On est près à débattre partout où l’on voudra nous recevoir » ajoute Lefa.

En effet le groupe de rap a décidé de rencontrer des associations de lutte contre l’homophobie dans les villes où leur concert a été annulé comme Paris, Marseille ou encore Montpellier. Ils organisent également des débats dans les centres sociaux entre jeunes et associations. Cependant, à Saint-Etienne, la réaction des associations ne fut pas la même que dans les autres villes. Une série de revendications émanant des associations de lutte contre les discriminations était la condition sine qua non pour que le concert ne soit pas annuler dans la ville. Sexion d’Assaut a accepté toutes les revendications sauf une : donner de l’argent. « De toutes les associations que nous avons rencontré, vous êtes les seuls à nous avoir demandé de l’argent. Pourquoi est-ce qu’on vous donnerait de l’argent ? Pourquoi vous et pas les autres ? »

Malgré l’ambiance calme qui entoure les discussions, les associations n’ont pas l’air d’avoir obtenu ce qu’elles étaient venus chercher. Certains des représentants d’associations ne semblaient convaincus par la sincérité des actions menées par les rappeurs. L’un d’entre allant même jusqu’à demander : « Je travaille avec des jeunes, l’un d’entre eux m’a dit un jour – « Hitler avait raison sur les homos ! », que lui répondez-vous ? ».
« C’est une blague ! Tu as écouté tout ce que j’ai dis depuis tout à l’heure ? Vous me demandez si je suis pour qu’on brule des homos. C’est quoi cette question ? »
rétorque Lefa.

Pour conclure le débat, le représentant de la Ligue des Droits de l’Homme du Rhône (LDH) a demande aus rappeur : « est-ce que vous vous engagez à faire la marche des fiertés qui se déroulera prochainement à Paris ? Est-ce que vous vous engager à en faveur d’une loi qui amènerait de trois mois à un an la possibilité de porter plainte pour homophobie, comme pour les autres formes de discrimination.

« Non. Nous sommes des artistes. Tout ce que nous avons à dire, c’est dans nos textes que nous le disons. On perdrait toute crédibilité à faire ça car ce n’est pas notre combat au départ. Ce ne serait pas crédible si on le faisait» indique Lefa.

Pour conclure le débat, Najat Vallaud-Belkacem ajoute: «  Il faut avoir conscience que cette rencontre est extraordinaire. Il faut comprendre la demande des associations ».

Rare sont les groupes rap qui font la démarche de reconnaître leurs erreurs et tente de les réparer en menant un travail de terrain afin de sensibiliser les jeunes publics aux problématiques de l’homophobie. Peut-être est-ce le premier pas d’une évolution des mentalités dans les quartiers populaires, bien que le travail doit être mené dans toutes les couches de notre société.

 

Amaria Bendermel

La rédaction

Crée en 2008, la rédaction du Lyon Bondy Blog s'applique à proposer une information locale différente et complémentaire des médias traditionnels.

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