La bande dessinée historique : une aventure artistique

Écrire l’Histoire en bulles… Lors d’une conférence organisée à la bibliothèque de la Part Dieu le mardi 12 février 2013, l’historien Pascal Ory est revenu la valeur historique de certaines BD, en compagnie des illustrateurs-scénaristes Maximilien Leroy et Emmanuel Moynot.

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« La bande dessinée est devenue un art majeur depuis environ une génération »  » »selon Pascal Ory, historien. Auparavant le genre se destinait principalement à un public jeune. Certaines BD avaient pour vocation d’intéresser et d’éduquer les enfants. Le journal de Spirou imaginé en 1938 par Jean Dupuis, catholique pratiquant, en est un exemple. Aujourd’hui, la jeunesse n’est plus la seule concernée par ce média, toutes les générations lisent des bandes dessinées, qu’elles soient satiriques, humoristiques mais aussi historiques…

Un travail d’enquête?

« Entre le journaliste, l’historien, le sociologue, l’ethnologue et même le policier, il y a quand même des cousinages. Pour toutes ces professions, il s’agit d’un travail d’observation et d’enquête » rappelle Pascal Ory.
Le travail d’enquête constitue donc la base essentielle du travail du bédéaste au même titre qu’un documentariste ou un cinéaste. Maximilien Le Roy, scénariste et dessinateur de BD nuance la conception de son travail: « je ne suis pas historien. Si je m’appuie sur leurs travaux et qu’ils sont primordiaux dans mes recherches, ils ont déjà tout fait, moi je lis. » Quand à Emmanuel Moynot, illustrateur de BD, il considère que le bédéaste « peut tout faire, du moment qu’il ne leurre pas le lecteur ».
Pouvoir tout faire, c’est ce qui permet au créateur de BD de se détacher de l’historien et d’exprimer son talent artistique à travers un processus de création.

Une création entièrement libre

La façon de travailler varie d’un auteur à l’autre ; tout comme le choix des graphismes, de l’enquête et des personnages, qu’ils soient réels ou fictifs. Pour sa dernière parution Dans la nuit, la liberté nous écoute, Maximilien Le Roy s’est rendu au Vietnam pour rencontrer les personnes ayant croisé le chemin de son personnage principal. Celui-ci, Albert Clavier, est d’ailleurs encore vivant aujourd’hui. Auparavant il s’est beaucoup documenté sur l’histoire coloniale de la France, puisque le récit se déroule à l’époque de la guerre d’Indochine. Les entretiens avec cet ancien soldat, héros de ce livre, constitue aussi une grande part du travail. Quant au graphisme, il l’adapte au texte : « c’est en me rendant sur place que je décide de comment je vais m’exprimer et mettre en couleur ». Pour Emmanuel Moynot, lorsqu’une idée d’histoire lui vient, elle naît d’une envie égoïste. C’est le cas pour Pierre Goldman, la vie d’un autre, son dernier ouvrage: « C’est au départ le mystère qui m’a attiré, je voulais comprendre le personnage de Pierre Goldman ».

Entre histoire et fiction : un genre ambivalent

Certains auteurs intègrent des documents historiques au sein de leurs ouvrages. « Ce n’est pas pour crédibiliser le propos mais pour faire connaitre les textes», précise Maximilien Le Roy. Pour Pascal Ory,  « La valeur historique de ces BD pose les mêmes questions qu’au cinéma. On passe d’œuvre très documentées à d’autres plus fictionnelles.»
« Les questions du genre et du rôle de la bande-dessinée sont les préoccupations des journalistes » explique Maximilien Le Roy. Il ajoute : « quand on crée, on ne se pose pas la question de la catégorie dans laquelle on va rentrer. […] Si c’était le cas, ça enlèverait une bonne partie de la créativité. Les journalistes cherchent toujours à faire entrer notre travail dans des catégories et souvent lorsqu’on lit des critiques, ils donnent des interprétations auxquelles on n’a jamais pensé. C’est assez drôle. »
Si pour ces auteurs, la BD historique n’entre pas dans un sous genre, n’a pas non plus pour fonction première d’éduquer, il est incontestable « que la BD peut influencer l’inconscient, comme le rappelle Pascal Ory, puisque tout ce qui est production culturelle forme une époque.»

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