Lors de sa visite à Lyon vendredi 2 septembre, la ministre de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau a rappelé les mesures d’urgence du gouvernement à destination des étudiants. Alors que des concertations auront lieu cet automne pour réformer plus en profondeur la vie étudiante, les réactions des acteurs concernés ne se sont pas fait attendre.
« Je suis avant tout la ministre des étudiants et des étudiantes », a déclaré Sylvie Retailleau, nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, lors de sa visite à Lyon le vendredi 2 septembre. Pour autant, les dispositifs de soutien apportés aux étudiants lors de la crise sanitaire ont été qualifiés de « tardifs » et de « décevants » dans un rapport de la Cour des comptes. L’ancienne présidente d’université souhaite tous de même montrer que « Face à la hausse des prix, l’État agit », un slogan pas tout à fait juste pour certains.
Une perte de pouvoir d’achat pour les étudiants
Pour son deuxième déplacement de la rentrée, Sylvie Retailleau a choisi de se rendre à la résidence CROUS Claudie Haigneré dans le 8ème arrondissement de Lyon, fraîchement reconstruite pour 38 millions d’euros. Elle comprend notamment 656 studios flambants neufs et relativement spacieux. Une modeste réussite face à l’ampleur de la tâche : en 2021, le territoire métropolitain comptait 17 400 places en résidences universitaires pour 180 000 étudiants.
Si la crise du logement étudiant s’inscrivait en filigrane de la visite, l’axe majeur concernait la réponse de l’État face à l’inflation. Il propose une revalorisation des bourses étudiantes et des APL (Aide Personnalisée au Logement) de respectivement 4% et 3,5%, un chèque exceptionnel de 100 euros pour les boursiers et les étudiants touchant l’APL ainsi que la poursuite des repas CROUS à 1 euros. « C’est un pas qui a été fait vers les étudiants pour essayer de solutionner leur précarité mais on se rend compte que c’est totalement insuffisant », déplore Laure Morin, présidente de la fédération étudiante Gaelis qui regroupe 58 associations. « L’inflation est calculée à 6,8% fin juillet et estimée à 9% pour le mois de décembre. On se rend bien compte que la revalorisation des bourses de 4%, qui représente quatre euros pour le plus petit échelon des bourses attribuées, ne suffit pas ».
Gaelis, dans son dossier sur l’indicateur du coût de la rentrée, pointe que tous les pôles de dépenses ont augmenté, du loyer aux frais de santé. Pour l’année 2022-2023, faire sa rentrée à Lyon coûte 2516,59 euros, soit une hausse de 4,4% par rapport à l’année dernière. C’est 170 euros de plus en 3 ans. Alors qu’au niveau national, le coût de la vie étudiante a bondit de 6,47% selon l’UNEF, les syndicats étudiants ont demandé dans une tribune signée le 1er août « une revalorisation significative et nettement supérieure à l’inflation des bourses et des APL ». Face à l’insatisfaction sur le montant des aides, la ministre a souligné qu’il s’agit « d’un paquet de mesures (…) C’est comme ça qu’il faut le prendre. Il faut, lorsqu’on calcule la différence entre le 4% d’augmentation des bourses et l’inflation à 7% prendre en compte les autres aides mises en place. Un étudiant qui va manger au Crous le midi et le soir pour un euro économise environ 100 euros par mois ».
Un État qui reste démuni face à la pénurie de logements
Tandis que le pays ne dispose que de 380 000 places en résidence publique ou privée pour 2,7 millions d’étudiants, Sylvie Retailleau a rappelé lors de sa visite à Lyon l’existence du plan 60 000 logements adopté en 2017. Depuis cette date, seules 35 926 places ont été mises en service. Dans la métropole de Lyon, ce plan se décline par la construction de 650 logements par an, dont l’objectif a été atteint cette année. Renaud Payre, adjoint à l’habitat et au logement, répète cependant que cette mesure « ne suffira pas (…) il y a une pénurie de logement sur notre métropole qui impacte ceux qui ont le moins de ressource, les jeunes de manière globale et les étudiants, dont 40% sont boursiers ». A l’instar de Yéliz, 18 ans, étudiante en licence 2 de langue, qui cherche un logement depuis 3 mois. Se rendre au salon du logement pour les jeunes le 7 septembre représentait l’une de ses dernières pistes alors que ses cours ont déjà commencé. « J’ai été refusée par le CROUS je ne sais combien de fois. J’ai fait face à pas mal d’arnaques sur LeBoncoin et mes visites chez des particuliers n’ont rien donné. J’habite à une heure de Lyon. J’ai dû augmenter mon budget de 500 à 600 euros maximum. Je vais devoir travailler car cela devient compliqué pour mes parents de payer deux loyers ».
Pour Renaud Payre, la solution réside dans « une politique du gouvernement plus offensive du foncier », alors même que la production de logement a baissé de 25% par rapport au quinquennat précédent notamment à cause de la crise sanitaire. L’offre est tellement inférieure à la demande que les zones tendues comme la Métropole de Lyon peuvent expérimenter l’encadrement des loyers depuis 2021. « Il y a déjà des effets, les loyers des logements de petites surfaces baissent. Ça ne permet certes pas à plus de se loger mais que des personnes aux ressources limitées puissent déposer leur dossier », assure l’adjoint à l’habitat. Il ajoute : « comme nous le faisons à l’échelle de la Métropole, il faut que l’État fasse preuve d’inventivité ». Par exemple, recenser les logements vacants ou les logements qui disposent d’une pièce pouvant être occupée par un étudiant ou un jeune actif, mais la sous-location n’autorise pas à toucher les APL. « J’ai demandé à la ministre de l’enseignement supérieur qu’on se retrouve au début de l’année 2023, pour voir si l’État nous accompagne sur des dispositifs nouveaux, qui permettront de sous-louer une chambre et d’avoir une aide. Ma cible, ce sont l’ensemble des jeunes qui sont victimes du mal-logement dans notre Métropole. On est à la croisée des chemins, si on continue comme ça, notre territoire ressemblera à la région parisienne ».
Vers la concertation ?
Les mesures d’urgence votées en juillet 2022 et rappelées par Sylvie Retailleau en cette rentrée ne font pas oublier les difficultés de fond auxquelles font face les établissements d’enseignement supérieur, au premier rang desquelles la précarité étudiante. Face à ce dossier de plus en plus brûlant, la ministre a annoncé des concertations cet automne : « nous allons compléter ces mesures conjoncturelles par une réflexion sur des mesures structurelles dès la rentrée, en concertation avec les organisations représentatives, sur tous les volets de la vie étudiante, en particulier sur l’aide sociale et la santé ».
La FAGE, grande organisation étudiante représentative, l’affirme : « seule une réforme profonde du système d’aides sociales étudiantes peut aujourd’hui répondre à la misère étudiante ». L’année dernière, 38,4% des étudiants étaient boursiers. Le syndicat milite également pour la suppression du système à échelon afin de parvenir à « une prise en compte des réels revenus et besoin des étudiants ». Revaloriser l’APL, l’indexer sur l’inflation et la calculer selon le loyer moyen du bassin de vie fait également partie de leurs revendications. Selon une enquête de l’Observatoire National de la vie étudiante, 40% des étudiants travaillent en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins, multipliant les risques d’échec.
Concernant la santé mentale, Sylvie Retailleau affirme qu’elle sera « au cœur » des prochaines concertations. Selon une enquête de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux, 36% des étudiants interrogés présentent des troubles dépressifs. « Il faut quinze fois plus de psychologues dans les services de santé universitaires. On en a que deux sur le territoire de Lyon, c’est largement insuffisant, mais je pense que la ministre a bien conscience du problème. », confie Laure Morin de Gaelis. « On attend beaucoup de ce que la ministre nous a dit et on attend de voir des choses concrètes », conclut-elle.
Aurore Ployer
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