Nasser Kacem, une carrière écrite entre le ring et la rue

Nasser Kacem est à la tête du Gym Boxing de Saint-Fons, le plus grand club de Kick-boxing en Europe. Il a formé de nombreux champions continentaux et mondiaux malgré des moyens et des infrastructures limités. C’est aussi un médiateur social voué à la cause des quartiers populaires qu’il perçoit comme un vivier de talents. Rencontre.

©photos : José Reis

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Dans l’enceinte du stade Carnot, une salle en bordure du terrain d’honneur. À l’intérieur, l’odeur de la sueur et de la gloire remontent aux narines et à l’esprit. Sur les murs vieillissants, des posters et des affiches consacrent des champions qui combattent lors de grands galas internationaux aux quatre coins du monde. Yohan Lidon, John Mabel Abdallah, Fabio Pinca ou Hakim Hamech et bien d’autres sont la fierté de ce club énigmatique qui contribue à l’essor du Kick-boxing dans le Rhône et même en France. Cette discipline subit encore des préjugés dus à son côté violent et spectaculaire.

Des titres, mais un manque d’infrastructures

Le Gym Boxing de Saint-Fons compte une centaine de licenciés venus de toute l’agglomération lyonnaise dont une quinzaine de féminines. Le fondateur de l’association Nasser Kacem (47 ans) a débuté dans les années 90 à la MJC de Saint-Fons avec un club de boxe française. Le club fondé en 1995 a définitivement établi sa renommée il y a une dizaine d’années grâce à l’accumulation de titres nationaux et mondiaux. Les méthodes de l’entraîneur charismatique sont louées dans toutes les autres disciplines. Paradoxalement, il ne dispose pas d’infrastructures à la hauteur du prestige de son équipe. Salle exiguë, athlètes trop nombreux à l’entraînement, on se marcherait presque dessus.

« Il y a un projet qui est en marche pour l’agrandissement de la salle, explique Nasser. Nous en avons parlé avec le maire de Saint-Fons Nathalie Frier et le premier adjoint Michel Denis. Ils sont prêts à m’aider à avoir une salle plus adéquate pour les entraînements. On en est arrivé à refuser des gens et puis l’entraînement devient plus difficile. »

Des ceintures à la distinction nationale

Malgré les photos des magazines, les ceintures mondiales ou les voyages, l’argent ne se présente pas comme un but en soit. Le Kick Boxing n’est pas un sport professionnel et il est donc peu lucratif.

Nasser Kacem prévient : « La boxe, ça ne fait pas bouffer ! C’est pour cela que je mets plus en avant mon métier de médiateur social au sein du CCAS. Je suis un éducateur de rue, j’interviens sur les problèmes de voisinages. On désamorce les incivilités et on intervient pour les squats des allées à la demande des habitants. Cela me permet parfois de repérer des jeunes et de les inciter à pratiquer ce sport. »

Il ironise volontiers sur la dénomination de sa fonction : « On a plusieurs casquettes : médiateur social, animateur de prévention, éducateur de rue, accompagnateur de projet. On ne sait même plus comment nous appeler ! »

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Recruté en 2000 par le maire de l’époque Michel Denis, il travaillé dans les quartiers sensibles de Saint-Fons comme à l’Arsenal avec l’association Pep’s ou aux Clochettes au centre socioculturel Arc en Ciel avant d’intégrer le SMS (Service Médiation Sociale) en décembre 2014. Récemment décoré à l’Assemblée nationale en tant que chevalier de l’ordre national du mérite, il regarde la situation des banlieues avec un certain pragmatisme : « Ce n’est pas nécessaire de remettre un coup de peinture sur les tours pour arranger les problèmes. Il faut vraiment trouver de l’emploi pour les jeunes ou les envoyer dans des stages pour leur éviter d’errer dans les quartiers. »

Venu du quartier des Minguettes, Crice Boussoukou (22 ans), champion d’Europe des moins de 67 kilos en 2013, travaille à ses côtés en tant que médiateur social depuis un peu plus d’un mois. Entre deux séries de coups de pieds sur le sac, il raconte : « Exercer ce métier à Saint-Fons, c’est plus facile puisqu’on connaît déjà les gens. Dans les cités, les jeunes ont du mal à s’exprimer. Ils sont de plus en plus repliés. Le Kick-boxing a été un exutoire pour moi qui traînait au quartier quand j’étais plus jeune. C’est pour cela que je n’hésite pas à emmener des petits à la salle pour leur faire découvrir cette activité. »   

Organisateur : l’autre challenge de la Team Nasser Kacem

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Le Gym Boxing de Saint-Fons prépare la prochaine Nuit des Challenges le samedi 19 septembre prochain au palais des sports de Saint-Fons qui accueille près de 1500 passionnés. Un évènement très important pour la commune. On vient de toute la France pour y assister.

« Pendant toute l’année, les gens me tiraillent toujours avec les interrogations quand je suis dans la rue. Ils veulent savoir si le gala va bien avoir lieu. » Sourit Nasser.

Lors de la dernière édition, trois ceintures mondiales avaient été mises en jeu sur les terres sainfoniardes avec des boxeurs venus de Thaïlande. Après avoir glané vingt-cinq titres majeurs, dont dix mondiaux, Nasser Kacem garde la même fougue et parle toujours à l’oreille de ses champions qui lui vouent une fidélité sans faille. À Phuket ou Bangkok, les boxeurs connaissent Saint-Fons.

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Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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