Surnommé « le bucheron », Yohan Lidon, 32 ans, est champion du monde de Kickboxing et de Muay-Thaï. Dans un milieu souvent stigmatisé pour sa violence, il contraste par sa jovialité. Il revient sur son parcours d’athlète avec le club qui l’a révélé, le Gym Boxing de Saint-Fons, et livre son point de vue sur les jeunes banlieusards qui sont de grands amateurs des sports de combat. Rencontre.
Comment as-tu découvert le Kickboxing ?
J’ai découvert le Kickboxing en regardant des combats sur TF1 et Canal +. Comme tous les jeunes, j’étais fan de Jean-Claude Van Damne ou Jacky Chan et puis dans les années 80 il y avait le club Dorothée avec les dessins animés comme Dragon Ball Z où l’esprit de combat primait. J’ai toutefois commencé par le football et à quinze ans, un ami m’a amené dans la salle du Boxing Club de Corbas. Ce fut le coup de foudre ! Je ne voulais plus rater un entraînement. J’y allais même à vélo et sous la neige. J’ai remporté mon premier championnat de France cadet à quinze ans et j’ai rencontré Nasser Kacem deux ans plus tard avec qui j’ai glané un autre titre national en junior en étant surclassé, je suis parti en Thaïlande et c’est ainsi que les choses sont parties…
Quel est ton palmarès ?
J’ai été cinq fois champion de France et je compte neuf titres de champions du monde, dont le dernier remporté à Saint-Fons en WBC face au Thaïlandais Joachalam en septembre dernier. Mon premier sacre a été obtenu à Munich en 2008.
Cette rencontre avec ton coach Nasser Kacem a été déterminante pour ta carrière…
J’ai croisé un jour Nasser dans une compétition et je lui ai fait part de mon intérêt pour son club. Il m’a répondu que j’étais le bienvenu au Gym Boxing de Saint-Fons. On s’est fait confiance et ça a marché. Quand je commence avec quelqu’un, je suis fidèle. Il y a un lien à la vie à la mort. J’ai ouvert un club avec Nasser à Saint-Priest, il y a un an et demi, le Boxing Club Saint-Priest. Je ne peux pas être égoïste par rapport à mon parcours et laisser les jeunes sur le côté. Je compte bien les entraîner et les aider à mon tour comme le fait Nasser.
Un lien inoxydable entre coach et boxeur
Quelle est l’ambiance au sein de ton club à Saint-Fons ?
Le Boxing Club de Saint-Fons est une deuxième famille. Ici, on cherche tous à se battre pour s’en sortir sans chercher le prestige. Au club, les jeunes viennent des quartiers de Saint-Fons, Mermoz (Lyon 8ème arrondissement) ou Vaulx-en-Velin et même de Paris. On se croirait à la Légion étrangère (rires). Ils viennent se défouler, voir les champions s’entraîner. Moi, je leur préconise de rester simples, de travailler et je leur dis que ça va finir par tomber.
Les sports de combat sont-ils un exutoire privilégié pour les jeunes de banlieues ?
Je viens du quartier de Bel-Air à Saint-Priest. Comme tous les jeunes, j’ai traîné au bas des tours et dans les allées, sans savoir vraiment quoi faire. Selon moi, tous les sports peuvent amener un déclic chez les jeunes. La boxe est un peu privilégiée dans les cités, mais elle change les gens, car il y a du respect et des valeurs.
«Les voyages m’ont donné du recul»
Le Kickboxing souffre-t-il encore de sa mauvaise réputation liée à son côté spectaculaire et violent ?
Non, je ne pense pas qu’il soit particulièrement visé. Lorsqu’on assiste à des bagarres dans des matchs de football ainsi que certains comportements de joueurs, je pense que ça peut concerner tous les sports. Il faut montrer qu’on évolue dans une discipline où l’on fait tout pour s’en sortir. On pratique un sport de combat, c’est sûr, mais il y a des techniques et des valeurs. Dès que c’est fini, on se prend dans les bras. Il n’y a pas d’animosité. On s’est entraîné dur pour une chose : gagner. Il faut bien faire passer ce message.
Ce message est-il facile à faire circuler auprès des jeunes actuellement ?
C’est vrai que c’est plus difficile aujourd’hui pour les parents de cadrer tout cela. Mais quand on rentre au Gym Boxing de Saint-Fons, Nasser arrive à inculquer de belles valeurs. On n’est pas des stars, on est tous pareils. Aujourd’hui tu es là et demain, tu peux être tétraplégique. Plus on reste simple, mieux les choses se passeront. Sur le plan technique, ça va plus vite, car il y a internet. Mais d’un point de vue mental, les jeunes n’ont pas la même dureté qu’auparavant.
Au fil de ta carrière, tu as beaucoup voyagé…
J’ai vu beaucoup de pays comme la Thaïlande bien sûr, la Russie ou la Malaisie ; et j’ai découvert la misère. Mais les gens là-bas savent garder le sourire. Cela m’a donné un certain recul par rapport à notre situation en France où nos jeunes tournent en rond.
Un sport pro, mais pas lucratif
Le Kickboxing peut-il s’imposer définitivement en France ?
Ici, ça va être difficile, car il y a tellement de disciplines sportives. Mais ce sport plaît à tout le monde. Nous avons organisé déjà treize éditions des Nuits du Challenge au Palais des sports et ça se passe très bien. Surtout ces dernières années où l’on a fait venir 1500 spectateurs.
Peut-on vivre de ce sport quand on est champion du monde ?
Je réponds de manière catégorique. On ne vit pas de ce sport à moins qu’il y ait un gros sponsor derrière. Ce n’est pourtant pas un sport amateur puisqu’on se déplace dans de nombreux pays du monde. Aux Pays-Bas, ils en vivent. Il y a une petite frustration quand on voit le salaire des footballeurs. En fait, je suis gardien au Fort de Saint-Priest, ce qui explique un peu pourquoi mon coach m’a surnommé le bucheron.
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