U2E 2011 – L’U2E est un évènement organisé par l’AFEV, une association d’éducation populaire qui convie chaque année ses collaborateurs, partenaires et membres pour un temps de réflexion et d’échanges. L’équipe du LYON BONDY BLOG, en collaboration avec d’autres médias locaux (RADIO PLURIEL, MEDIAS CITOYENS, RADIO TRAIT D’UNION, BRESSE TV et ESPRITS CRITIQUES) était présente sur place.
Pour la 20 ème édition de l’AFEV, Nicolas Demorand, journaliste et directeur du journal Libération a accepté de répondre aux questions de Lyon Bondy Blog. Propos recueillis par Hervé Savary.
Brièvement, quel est votre parcours ?
J’ai commencé à traîner à France Culture où je me suis longtemps occupé de l’éducation avant de présenter la matinale. Ensuite il y a eu les années à France Inter, quelques mois à Europe 1 et je suis aujourd’hui à la tête du quotidien Libération.
Le contexte économique voit la perte de qualité des médias et le développement des médias dits alternatifs. Comment se servir de ces évolutions et de ne pas se laisser dépasser par elles ?
C’est une très très grande et belle question. D’abord il y a le développement phénoménal d’Internet, qui est un outil qui a remplacé la télévision chez moi et même la lecture de la presse papier. Je ne lis plus les journaux que sur Internet et c’est devenu mon écran de référence. On peut s’informer sur le monde en cinq minutes après l’événement. Le revers est que cela a littéralement fait exploser le modèle économique de la presse, puisque la production de qualité coûte extrêmement cher. Quand on me parle d’Internet, je vois les deux choses: je vois évidemment l’énergie très grande qu’il y a dans ce média, le fait de donner la parole à tout le monde. Mais je n’ai malheureusement pas la réponse du financement pérenne de ce média.
Le journalisme est un métier à la fois passionnant et difficile d’accès. Plusieurs voies sont donc possibles, les écoles de journalisme restent-elles la meilleure solution aujourd’hui ?
Question extrêmement compliquée. Ce qu’on apprend dans les écoles, c’est la technique du journalisme. Elle est utile pour apprendre à présenter à la radio ou en télévision par exemple. Personnellement, je suis autodidacte. J’ai appris à parler à la radio alors que je ne savais pas le faire. C’était d’ailleurs une atrocité de me réécouter pour essayer de corriger les défauts les plus audibles. Je ne savais pas non plus écrire sur des formats courts, plus longs, ou ce qu’était une attaque ou une chute. L’avantage des écoles de journalisme, c’est que l’on apprend et que l’on est donc directement employable. On gagne du temps. Mon frère faisait de la radio et m’a donc appris ce que l’on apprend dans les écoles. Certaines sont reconnues par la profession et facilitent l’accès au premier emploi, même si cela reste difficile. Pour faire des stages, c’est un bon tremplin. Les grandes rédactions prennent d’abord et surtout les élèves de ces écoles. Mais tout est aussi une question de ténacité. Créer un journal, le financer et trouver une idée originale tient du journalisme. Les deux sont donc possibles. Mais cela ne fait jamais de mal d’apprendre la technique.
Quid de la voie alternative comme l’apprentissage ou le contrat de professionnalisation ?
C’est plus compliqué mais néanmoins possible. A Libération par exemple, cela se pratique. Mais chaque entreprise a sa « religion » si j’ose dire de recrutement, qu’elle soit sociale ou autre. Cela reste quand même un métier relativement ouvert. Il l’est d’autant plus que créer un blog prend dix secondes. La démocratisation des outils permet de se frotter soi-même au métier de journaliste. Je n’ai jamais fait d’école de journalisme et finalement je ne le regrette pas même si j’aurais voulu apprendre les techniques. Avoir un parcours baroque a également un prix au niveau de l’originalité sur le marché de l’emploi. Il ne faut pas non plus oublier la difficulté du marché et que les rédactions recrutent peu. Mais ça reste encore tout à fait possible.
Hervé Savary
Propos recueillis par Hervé SAVARY, Zohra LAID (Esprits Critiques), Estelle Duquesnois (Nodogs) et Patrice Berger (Radio Pluriel)