Les 9 et 10 mai prochains, Agend’Arts (4 rue de Belfort, Lyon 4e) accueillera le spectacle de Lucie Salvi (20h30). Ce dernier intitulé Le spectacle suspendu, englobe divers sujets. Retrouvez notre entretien avec la comédienne de 33 ans : elle y évoque le spectacle, ses objectifs, mais également sa passion pour le théâtre.
Lyon Bondy Blog : Pouvez vous commencer par vous présenter ?
Lucie Salvi : Je m’appelle Lucie, j’ai 33 ans. Je suis comédienne. J’ai une formation classique dans des conservatoires à Chambéry, Metz et Paris. J’ai été formée en tant qu’assistante à la mise en scène au Conservatoire de Paris. J’ai travaillé le clown, le jeu masqué. Je suis arrivé à Lyon en 2014. J’ai monté un spectacle autour des poèmes d’Arthur Rimbaud, que j’ai joué au théâtre de l’Uchronie. Et là je joue un spectacle qui s’appelle le Le spectacle suspendu, et qui se joue les 9 et 10 mai prochains.
LBB : Que faites vous actuellement ? En quoi cela consiste ?
L.S : C’est un seul en scène. C’est un spectacle qui parle du handicap, de l’exil, de la femme, et de l’écologie. Pour moi ce spectacle parle de la résilience, du pouvoir d’agir, et du changement de paradigme que l’on est en train de vivre en ce moment dans notre société.
LBB : Comment pourrait-on le définir ? Est-ce du théâtre…
L.S : C’est à la fois du théâtre parce qu’il y a des textes forts, et en même temps j’ai voulu un côté léger, humour, one woman show en interaction avec le public ; quelque chose de très léger à l’intérieur de tout ça pour donner du relief et détendre parce que je pense qu’on ne peut pas donner envie d’agir si il n’y a pas une légèreté et quelque chose de fun, tout simplement.
LBB : Depuis quand avez-vous décidé de vous lancer dans le théâtre ? Et pourquoi ?
L.S : Alors ça a commencé très tôt. J’ai eu envie de faire du théâtre à l’âge de 8 ans. J’ai eu envie de prendre des cours en regardant, avec mes frères, des cassettes de sketchs d’Alex Métayer. J’étais non seulement séduite, et ça me faisait rire, mais j’étais fasciné par ce mec devant cette salle pleine. J’ai demandé à ma mère « Est-ce que c’est son métier ? » Elle m’a dit oui. « Et qu’est-ce qui faut faire pour faire ce métier ? » Elle m’a dit : « Prendre des cours de théâtre ». « Bah je veux que tu m’inscrives à des cours de théâtre. ». Après ça ne s’est pas arrêté, conservatoire de Chambéry. Après le BAC, je suis retourné au conservatoire de Chambéry, puis je suis allée à Metz et Paris. C’est une envie qui est venue très tôt, et qui m’a jamais quittée. C’était un besoin pour moi de faire ça.
LBB : Il y eu le spectacle de 2015, celui de mai prochain. Faites-vous autre chose à côté ?
L.S : A côté, en tant que comédienne, non. Par contre je suis bénévole à la Gonette. C’est un besoin pour moi, justement, de transformer, peut être, le besoin que j’ai de voir une autre ville, un autre monde, et ça passe par ça, du bénévolat dans une association.
LBB : Que faites-vous dans cette association ?
L.S : Il y a plusieurs choses : à la fois prendre soin des personnes qui travaillent ensemble parce que, quand on est une équipe et qu’on travaille ensemble, il peut y avoir des tensions. Il y a aussi le fait d’aller voir les partenaires pour les convaincre, et puis en parler, à la presse, devant des publics, aller dans des lycées, des choses comme ça.
LBB : Quels sont vos objectifs à travers vos spectacles ?
L.S : Mes objectifs sont d’apporter de la joie, des émotions, et que les personnes ressortent du spectacle en sentant qu’ils ont fait un voyage, et de se dire « c’était intense, j’ai ressenti plein de choses. Il y a des choses avec lesquelles j’étais d’accord, d’autres non. ». Moi, quand j’étais touchée par des spectacles, je pense qu’après ce n’était plus pareil. J’ai vu les choses autrement. De mon point de vue, les théâtres, c’est fait pour ça, c’est fait pour parler de la société. Avant, c’était le but du théâtre, le théâtre de tréteaux, c’était parler de la société, parler de ce qui se passe dans le village. Je pense donc que le théâtre est fait pour rendre compte, c’est comme un miroir, et les gens se disent « d’accord il y a ça, il se passe ça, qu’est-ce que je peux faire, moi ? ».
LBB : D’autres messages à faire passer ?
L.S : Pour moi, ce qui est important c’est de prendre conscience que notre joie de vivre est notre moteur, et c’est ce qui fait qu’on se lève tous les jours le matin, et qu’on fait des choses. Et c’est important, quand on a envie de changer la société, de changer les choses, d’agir, de garder cette flamme, cette envie d’être joyeux, de communiquer de façon joyeuse. Les personnes qui me marquent le plus ont une joie de vivre extraordinaire, et même si ces gens sont en colère contre certaines choses, elles gardent cette flamme, et du coup c’est hyper communicatif.
LBB : Vous montez sur scène, mais vous faites aussi votre propre mise en scène, votre propre écriture de la pièce..
L.S : Pour le spectacle de 2015 il y avait un metteur en scène. Mais pour ce spectacle, j’ai voulu travailler seule, et du coup je n’avais pas envie d’être avec quelqu’un. J’avais une petite idée mais le spectacle s’est vraiment construit au fur et à mesure, entre la première représentation et la deuxième, il évolue entre chaque représentation.
LBB : Lorsqu’on travaille seul sur un spectacle, combien de temps cela peut prendre ?
L.S : Cela dépend du temps qu’on y consacre. Mais, je dirais, pour la mise en scène : trois mois de réflexion, un an pour le choix des textes.
LBB : Est-ce que vous arrivez à en vivre, de ce monde du spectacle ?
L.S : Non, je n’en vis pas. Mais c’est un choix, de ne pas avoir le statut d’intermittence, parce que je ne veux pas faire des projets qui ne me parlent pas profondément. Donc je fais le choix d’un travail alimentaire, et comme ça les spectacles que je monte et que je fais sont vraiment ce que j’ai envie de faire. Sinon ça n’a plus de sens pour moi d’être comédienne, et de faire des choses qui ne me plaisent pas, ne me satisfont pas. Je préfère cette formule.
LBB : Du coup, le théâtre en troupe, ce n’est pas trop votre truc ?
L.S : Pour l’instant ça ne l’est pas parce que j’ai ces spectacles en solo. Mais j’ai étudié dans des conservatoires où il y avait cet esprit de troupe, j’ai fait des spectacles où on était beaucoup et ça m’a énormément plu. C’est une envie pour moi de rencontrer des personnes avec qui le courant passe, et qu’on puisse faire des choses. Avec la Gonette, j’ai appris au niveau de l’intelligence collective, et comment travailler ensemble. C’est quelque chose que j’aimerais apporter cela dans une troupe de théâtre : apporter du nouveau, du rêve, du fun, de la liberté pour travailler.
LBB : Apporter du nouveau dans quel sens ? Dans la mise en scène ?
L.S : Ce n’est pas tellement au niveau de la mise en scène ou du jeu. C’est plus au niveau du rapport du travail d’une troupe. Lorsqu’une troupe part en tournée, les gens sont tout le temps ensemble, et cela peut être lourd. Mais c’est aussi dans l’intelligence collective, dans le sens de concevoir des spectacles, penser ensemble et ne pas se dire qu’il y a un chef, et les autres qui exécutent. J’aimerais vraiment apporter dans le théâtre cette façon de travailler.
LBB : Quels sont vos objectifs pour le futur ? De nouveaux projets de spectacle ? En solo ? A plusieurs ?
L.S : J’ai des idées mais pas de choses fixes pour le moment. Pour l’instant, ce serait en solo. En fait je m’inspire de ce que je vois, ce que je lis, je le mets dans un coin, et je vois si ça peut résonner avec d’autres choses. Je ne suis pas du tout à réfléchir à quelque chose en particulier. Donc aujourd’hui je ne peux pas vous dire qu’il y a un prochain projet parce que celui-là [le projet actuel] est déjà énorme à développer.
LBB : Selon vous, le monde du spectacle est-il un univers facile d’accès ? Pour les comédiens ? Les spectateurs ?
L.S : Je pense que oui. Si on veut faire du théâtre, il y a beaucoup d’écoles. Donc si on veut prendre des cours, si on veut apprendre, c’est facile. Après si l’on veut en vivre, c’est plus compliqué, mais peut être par rapport aux barrières internes que l’on se met, de se dire « je ne suis pas capable ». En tant que spectateur, je pense que les spectacles devraient plus être dans la rue, plus visibles, pour tout le monde. Cela reste quand même dans des lieux, avec des prix assez élevés, dans des festivals,. Je rêve d’une ville avec plus de spectacles, plus de poésie dans les rues.
LBB : Quels conseils donneriez-vous à une personne qui aimerait se mettre au théâtre ? Devenir comédien ?
L.S : Écouter ses intuitions, savoir ce qui est important, pourquoi on le fait. C’est un métier où, pour ma part, je me dois, pour le public, de « sortir mes tripes ». Je ne peux pas me dire « J’ai répété mon spectacle, c’est bon, ça va rouler ». C’est sans cesse du dépassement de soi. C’est un métier fascinant mais qui n’est pas reposant. Je me sens pas l’âme d’une conseillère, mais je crois que dans la vie, écouter ses intuitions, cela me paraît essentiel. »