Les quartiers populaires en marche

Débutée le 17 octobre aux Minguettes, la marche citoyenne des quartiers populaires arrive demain à la Place de la Bastille après 500 km de marche. Les trois marcheurs permanents sont rejoints par des citoyens entre chaque étape qui font un peu de route avec eux. Précarité, xénophobie, lutte contre les discriminations, méfiance envers les politiques, accès au marché du travail, droit des femmes : les revendications de 2015 sont diverses. Avec un fil directeur : « Rien n’a changé ! »

 

La marche pour l’égalité et contre le racisme (et pas la marche des beurs s’il vous plait !) de 1983 était à l’initiative de jeunes des Minguettes suite aux bavures policières, quotidiennes, de l’époque envers les jeunes de quartiers. D’une douzaine au départ, ils furent rejoints par 100 000 autres lors du défilé à Paris le 3 décembre 1983. Leila, Amstar et Arbi étaient déjà là.

Arbi Rezgui est à l’initiative de la marche de 2015. Déjà marcheur en 1983, il a toujours vécu dans les quartiers populaires, dont 25 ans à Vénissieux. Accompagné de Leila et Amstar, ils sont les trois marcheurs permanents de 2015.

Au départ de la Pyramide, aux Minguettes, le 17 octobre, nous avons questionné les marcheurs (une trentaine) sur la route jusqu’à la place Bellecour.

Chantal, une marcheuse de 83 explique : « Je suis contre toutes les discriminations, et naturellement contre le racisme. » Âgée de 73 ans, elle reste motivée : « Si j’arrive à Bellecour, c’est déjà pas mal. »

« On a investi sur le béton, pas assez sur l’individu »

Toshka, jeune militante lyonnaise et Nikolay, étudiant d’origine arménienne, sont sur la même ligne : « On reproche aux gens de vivre de manière ghettoïsée, alors qu’on n’a rien fait pour les intégrer, pour leur donner l’accès aux mêmes espaces. »

marche 2015 chantal et leila« On ne sort pas de cette stigmatisation 30 ans après, on est encore passé à autre chose. Avant, c’était un racisme anti-immigré. Aujourd’hui c’est sur la religion. Et c’est parti encore pour un cycle infernal. » Affirme Mokrane Kessi, évincé du PS local en 2013 et qui a depuis rejoint le parti de Nicolas Sarkozy.

Les critiques se dirigent par ailleurs sur l’urbanisation des quartiers populaires.

Mokrane : « Ils ont investi beaucoup d’argent dans les quartiers populaires. Mais ils ont fait quoi ? Ils l’ont mis dans le béton, et pas dans les murs. Le problème est là. On a investi sur le béton, et pas assez sur l’individu. »

Et Arbi d’enchainer : « Les projets d’urbanisation des quartiers, ce n’est qu’un décor. Il n’y a rien, il n’y a pas de travail. »

Quid des jeunes

Peu de jeunes étaient présents à Lyon pour le départ. « Parce qu’ils n’ont plus confiance en la France. Ils ne veulent plus voter parce que pour eux ça ne sert à rien. » Explique Souad, venue exprès de Toulon.

Les inégalités au niveau de l’accès à l’emploi sont une réalité que dénoncent les marcheurs. Haddou Abdelhadi (qui tient le blog VénissieuxInfos) regrette que les jeunes ne soient pas embauchés dans les entreprises locales :

« En face d’ici (NDLR À Vénissieux), il y a une zone franche qui devrait employer les jeunes de quartier. Il y a très très peu de jeunes d’ici dans ces entreprises, pratiquement pas. »

marche 2015 affiche

1983-2015 : le temps passe, les revendications restent

« Depuis la marche de 83, on a été oublié. Dans les politiques de la ville, rien n’a changé. Il y a toujours de plus en plus de chômage, de plus en plus de jeunes dehors, de racisme, de discrimination et de xénophobie. Il  faut que ça s’arrête ! » Arbi ne mâche pas ses mots quand il évoque sa vision de la situation actuelle. Et d’enchainer : « Je ne suis pas d’accord avec le mot diversité. Je ne suis pas d’accord avec le mot intégration. On est des citoyens français à part entière. Et on est là. »

Demain, nos trois marcheurs permanents rejoindront donc la Capitale. Arbi nous demande de ne pas confondre sa marche avec celle de la Dignité, qui elle a bénéficié d’une grande campagne de communication. Arbi explique :

« Nous, ce n’est pas la marche de la dignité, mais la marche des quartiers populaires. (…) Eux, ils partent de Barbès jusqu’à Bastille, alors que nous avons marché toute la France. Nous sommes les marcheurs de 83, et nos revendications datent depuis longtemps. »

Les marcheurs de 2015 resteront-ils invisibles ou réussiront-ils à mobiliser des milliers de personnes autour de leurs revendications ? Arbi conclut, philosophe : « Ce n’est pas le nombre qui compte, même s’il y a qu’une personne qui arrive à Paris, même s’il y a qu’une personne qui a compris le message. Ça me suffit. » Après tout, ce n’est pas la destination qui compte, c’est la route. Et la marche !

 

Consultez le dossier du LBB sur les 30 ans de la marche en 2013

 

Jelena Dzekseneva

Née en Lituanie et ayant grandi au Kazakhstan, je suis arrivée en France en 2008. Pendant mes études d'anthropologie à Lyon 2, j'ai participé à divers projets associatifs qui m'ont fait venir au LBB en juin 2015.

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