Nordine Gasmi, tête de liste « Union des Vaudais Indépendants », et professeur à Vaulx-en-Velin, est candidat à la mairie. Selon le natif de la ville de l’Est lyonnais, « Tout Va Ensemble » : sécurité, transport, emploi, environnement.
Comment fait-on pour se loger aujourd’hui à Vaulx-en-Velin, avec les prix de l’immobilier qui ont augmenté de 30% en dix ans ?
Il faut savoir qu’on est une des ville qui paye le plus de taxes foncières dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Même si le m² n’est pas forcément cher par rapport aux prix de la métropole, mais les taxes sont élevées. On est à 3 millions d’impôts de plus en 6 ans, en un mandat. Pourquoi c’est plus cher ? Car c’est une fainéantise intellectuelle. On avait proposé de baisser ces taxes, car nous sommes persuadés que cela amènerait de nombreuses entreprises. Il y a par ailleurs une loi qui est sortie il y a peu, une entreprise s’installant à Vaulx peut-être défiscaliser si elle embauche 50% de salariés vaudais. C’est une manière d’attirer des entreprises, et c’est normal. Malheureusement, ce n’est pas respecté. Je suis professeur, donc je paye mes impôts, mais le taux de pauvreté est tellement élevé à Vaulx-en-Velin (ndlr : 33% de taux de pauvreté, en termes de ménages) que nous sommes une minorité à payer. Si on changeait le rapport de force, si on faisait en sorte que les gens aient un réel un pouvoir d’achat, là on pourrait avoir une marge de manœuvre pour faire descendre les prix. C’est ce que l’on essaye de faire, c’est dans nos projets. Cela passe par des dépenses moins importantes de la mairie, en utilisant l’argent pour les Vaudais, et pas pour des champions du Tour de France. L’image de Vaulx-en-Velin ne se fera pas grâce à des cyclistes, en revanche si la jeunesse vaudaise travaille bien à l’école, si les jeunes trouvent du travail, l’image de la ville sera automatiquement embellie.
Nous approchons des 60% de logements sociaux à Vaulx-en-Velin. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Selon moi, il faudrait arrêter de construire. Il y a des personnes, aujourd’hui, qui vivent entassées, toute une famille, allant des grands-parents aux petits-enfants des fois. Nous avons fait du porte-à-porte, nous étions mal à l’aise car, en rentrant chez ces personnes, on comprend que la maman dort dans le salon, car le fils dort avec sa femme dans la chambre. Il y a des cafards qui se baladent pendant que nous parlons. C’est pour cela que, au lieu de construire, nous voulons rénover. Mais nous ne souhaitons pas une rénovation comme celle qui est en cour. Il faut un cercle vertueux : il y a des jeunes qui ne travaillent pas, alors on les forme, et ils participent à la rénovation de leur ville. Cela crée du vivre ensemble, les gens pourront dire « c’est lui qui est passé chez moi et qui a nettoyé », cela crée du lien. Pour mettre ça en place, il faut un changement sur différents aspects de la ville : aujourd’hui, les points de vente de drogue ne sont même plus cachés, et on voit des enfants de 12/13 ans en bas des bâtiments. Nous, nous pensons que tout va ensemble : sécurité, emploi, environnement. Il faut prendre conscience de l’importance d’acheter chez les maraîchers pour la cantine scolaire, avec un objectif de 100%, pas 50%. Si on ne peut pas faire 100% d’achat chez les maraîchers, alors on essaye de faire le maximum, mais rien ne nous empêche de viser cet objectif. À Vaulx-en-Velin les gens vivent dans des logements insalubres, dans l’insécurité, alors quand vous leur parlez d’écologie, les Vaudais se sentent évidemment moins concernés. Pourquoi les gens demandent des jardins partagés ? Car ce sont des moments de répit, c’est le moment où la personne va arriver dans sa ville, elle va s’occuper de ses plants de tomates ou je ne sais quoi, et elle va se sentir bien. Eh bien c’est cela que nous voulons créer à Vaulx-en-Velin. On bouscule beaucoup d’idées, nous ne sommes ni de droite ni de gauche.
Comment incluez-vous les jeunes dans votre programme, qui est la part la plus importante de la population vaudaise ? On pense notamment à la délinquance à Vaulx-en-Velin qui est pointé du doigt par de nombreux habitants.
À partir de 17 ans, ils sont pratiquement tous déscolarisés, ils sont lâchés dans la nature. Donc certains d’entre eux se retrouvent en bas des tours, ils ne font rien. À l’école, au-delà d’apprendre les maths, le français, on apprend aussi un savoir-vivre. Je suis professeur dans un lycée, j’apprends tous les jours à mes élèves comment se tenir correctement, enlever sa veste, s’assoir, sortir son cours, on leur apprend tous cela. Dehors, ils n’apprennent pas ça. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces jeunes, ça peut être votre petit frère, ça peut être mes enfants, on ne connait pas leur parcours, leur vécu. Si on se penche sur l’histoire de ces jeunes, on remarque que ça a commencé par un échec. Ce que l’on veut faire, c’est leur montrer qu’un échec n’est pas toujours si terrible, qu’il faut repartir. Mais je reste pragmatique, je ne suis pas un rêveur. Quand un jeune travaille, qu’il se lève le matin pour aller au boulot, sa vie change, il commence à avoir des projets. Le vendeur de drogue, tous les matins, il a peur que la police arrive. Celui qui travaille le matin, il a peur d’être en retard. C’est un autre monde. Et quand il rencontre quelqu’un, il peut se projeter et faire sa vie. Nous, on veut juste faire des choses simples comme ça. On veut réaliser un contrat avec les entreprises de Vaulx-en-Velin en disant « vous embauchez ce jeune pendant 1 an, et c’est nous, la mairie, qui payons ». Pour le moment, les institutions présentes ne sont pas efficaces dans ce domaine.La mission locale ne fonctionne pratiquement pas, elle dépense des millions. J’ai demandé un rapport d’activité, et le maire a rigolé. Il y a une mission locale à Vaulx-en-Velin qui dépense de l’argent, alors il est nécessaire de savoir si cela porte ses fruits. Ce qui fait que les jeunes ne travaillent pas, c’est la régularité. On veut justement apporter cette régularité grâce à ce projet, un contrat sur 3 ans serait signé entre le jeune et l’entreprise, et donc la mairie payerait la première année de salaire. Et au bout de ces 3 ans, il aura le choix de partir ou de rester, mais une grande partie restera, car ils auront construit quelque chose. Et si l’un des partis ne veut pas signer le contrat, alors il payera, tout simplement. Ce n’est pas du chantage à l’emploi, c’est forcément bénéfique, et pour l’entreprise, et pour le jeune salarié.
Que faire contre la précarité à Vaulx-en-Velin, que ce soit pour les étudiants ou les familles ?
À Vaulx-en-Velin, c’est écrit « Liberté, Égalité, Fraternité, Solidarité ». Sauf que ce mot, « Solidarité », c’est devenu un plan de communication, il n’y est pas. Ce que nous souhaitons faire, c’est un projet important pour nous, c’est de monter une épicerie sociale municipale. Si vous regardez bien, il existe des épiceries sociales à Vaulx-en-Velin. Je me suis rendu compte, lorsque nous faisions du porte-à-porte, que beaucoup de familles n’étaient pas au courant. Nous voulons donc monter ce projet pour identifier toutes les familles qui n’y arrivent pas. Et cela se ferait de manière réfléchie : on sait qui y arrive, et qui n’y arrive pas, pour éviter toutes dérives, qui sont possibles dans les épiceries sociales. On fera toujours payer, dans un principe de dignité pour les gens qui viendront, mais on fera une vraie politique sociale. Actuellement, nous travaillons sur un projet de magasin géré uniquement par des vaudais, avec les maraîchers notamment. Chaque vaudais sera actionnaire du magasin. Le but est de faire un lien direct entre les maraîchers et les citoyens, en réduisant les coûts au maximum.