[INTERVIEW] La Ministre des Sports : « Nous avons 200 cas de violences recensés qui datent parfois de quarante ans » – Part 2

Depuis des années, le milieu sportif est victime de nombreuses affaires de violences sexuelles. Le Lyon Bondy Blog a rencontré Roxana Maracineanu, l’actuelle Ministre déléguée chargée des Sports. Lors d’une interview, elle présente ses ambitions sportives et les dispositifs mis en place pour libérer la parole des victimes (interview réalisée le 24 juillet 2020).

Roxana Maracineanu, Ministre déléguée chargée des Sports. Crédit photo : Ministère des Sports.

 

Vous déclarez lors d’une interview pour le journal Madame Figaro que votre rôle est de vous « assurer que le mouvement sportif prend les mesures pour bâtir un véritable cordon sanitaire autour des pratiquants ». Lors d’une interview sur C à Vous, Emmanuelle Anizon, journaliste reporter pour l’Obs ayant recueilli le témoignage de Sarah Abitbol, dit que l’on a affaire à « un nid de prédateurs ».Peut-on parler d’épidémie de violences sexuelles dans le milieu sportif ?

Non, je pense qu’il ne faut pas donner plus d’importance que ce problème n’en a. Il est déjà extrêmement important et grave. Regardons déjà ces 200 cas et faisons en sorte de continuer à les traiter, les finaliser et de recueillir la parole de ceux qui vont se manifester.

Le problème des violences sexuelles est à mettre en relation avec l’ampleur du monde sportif et de ses pratiquants. Il y a plus de 16 millions de pratiquants en associations en France tous âges confondus. Nous avons 200 cas qui datent parfois de quarante ans. On ne peut donc pas dire que le milieu sportif est infesté de prédateurs sexuels mais il faut reconnaitre que c’est un écosystème qui pourrait, s’il n’est pas contrôlé et regardé de près, favoriser l’apparition de ces phénomènes. Il y a des adultes au contact d’enfants et une relation d’autorité qui peut déraper car elle est motivée par la recherche de performance. Cela peut parfois cacher des comportements criminels sans que l’entourage ne réagisse.

C’est l’exemple du témoignage de Sarah Abitbol lorsqu’elle m’en a parlé. Elle me disait que finalement la violence de son entraineur sur la patinoire aux vues et aux yeux de tout le monde ne lui as pas fait se poser des questions lorsqu’il s’agissait de violences en privé. Elle se disait que si personne ne réagissait en public, pourquoi quelqu’un réagirait maintenant.

C’est tout ce mécanisme que j’aimerai déconstruire car tout ce qui se passe devant tout le monde ne devrait plus exister. On ne doit pas parler n’importe comment aux enfants au nom de la performance. Il faut aussi faire comprendre aux enfants eux-mêmes qu’on n’a pas le droit de se laisser toucher les parties intimes, que la douche n’est réservée qu’aux enfants, que dans les vestiaires on s’habille tout seul sans l’aide d’un adulte et que dès qu’il se passe quelque chose d’anormal, on en parle à l’adulte référent lui-même contrôlé.

 

Selon les chiffres du Ministère de la Santé et des Sports, en 2009 la part des femmes au sein des postes de direction des services déconcentrés et des établissements dépendant du ministère des Sport était de seulement 19,2%. Vous avez confié à Closer mag vouloir travailler « pour repérer des femmes dans les comités départementaux, les ligues, les aider à prendre confiance en elle, pour qu’à un moment elles osent se présenter à la présidence des fédérations ». Pensez-vous qu’une égalité homme/femme atténuerait les violences sexuelles sportives ?

Pour moi, il est important de travailler sur la place du corps dans notre système éducatif ce qui apporterait beaucoup de choses à l’environnement des enfants. On pourrait beaucoup plus facilement parler de l’égalité des sexes et de la non-discrimination en parlant plus du corps. Savoir quelle est la place du corps dans la politique de l’éducation et comment travailler sur la différence de ces corps lorsqu’on est un homme ou une femme ainsi que la prise en considération de ces différences.

Le fait qu’il y ait plus de femmes qui soient dans les instances pourrait apporter une complémentarité à la réflexion que peuvent avoir les hommes qui sont aux manettes. Cela permettrait aussi de mettre en avant et sur la table des sujets dont on ne parle pas aujourd’hui et qui servent les femmes. Par exemple, l’attention portée à la maternité durant une carrière sportive et l’égalité des salaires pour les hommes et les femmes. Maintenant, aller totalement dans l’autre sens et dire que c’est parce qu’il y a que des hommes au pouvoir que tout cela se passe et qu’il y a une impunité, non. Il faut savoir qu’il y a aussi des femmes impliquées dans des violences (harcèlement ou agressions graves) et qui sont dans la position d’agresseurs. Une part qui reste cependant minime contrairement à celle des hommes.

Nous allons travailler la parité avec une loi qui j’espère passera d’ici la fin du mandat. Nous voulons porter à 50% la parité exacte avec la présence des femmes dans les instances de dirigeance nationale et travailler sur la déclinaison territoriale des fédérations et la présidence des associations.

 

Le 1er juillet dernier, vous avez donné une conférence de presse sur la prévention des violences dans le sport. De nombreux thèmes ont été abordés comme la protection de l’enfance, le traitement des situations de violences, la mobilisation nationale ou encore la mise en place dès 2021 d’un contrôle automatique d’honorabilité des salariés et bénévoles sportifs.Combien de temps va prendre la mise en place de tous ces dispositifs ?

Tous ces dispositifs sont déjà en place car le 1er juillet était un point d’étape. Nous avons montré l’avancée sur tous ces points là et nous n’en avons cité aucun qui n’ait pas encore commencé. Mon rôle est d’impulser cette nouvelle politique et de mettre en place les moyens pour y répondre. Nous ferons des points d’étape réguliers, dont le prochain sera à la rentrée, pour voir comment nous avons avancé sur ces sujets.

Je ne pense pas que le problème sera réglé en deux ans. Ce que l’on met en place doit continuer à exister car c’est le rôle du Ministère des Sports. Malheureusement, je pense qu’il avait perdu cette prérogative de contrôle, d’intervention pédagogique et de sensibilisation à ces sujets. Le rôle du Ministère des Sportest avant tout de veiller à la sécurité des pratiquantes et pratiquants et des enfants. Aujourd’hui, grâce à la politique plus large du gouvernement, on veille aussi à cet aspect de l’éthique et de l’intégrité, comme il a été fait dans les années 2000 concernant le dopage.

Ce plan de prévention des violences sexuelles dépasse le cadre du sport. Nous prenons part à un combat plus global concernant ces thématiques qui sont la protection des femmes, de l’enfance et des plus fragiles. L’axe de l’enfance est très important puisque la majorité des associations accueillent des enfants. On sera aussi attentifs à l’intégration des femmes à tous les niveaux au sein du milieu sportif.

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