Ils manifestent pour garder leur prof congédié

Mobilisation d’élèves de Vaulx-en-Velin en faveur d’un enseignant vacataire qui a épuisé son « quota d’heures ». Une situation qui confine à l’absurde.

Au collège Pierre-Valdo de Vaulx-en-Velin, tout le monde connaît Frédéric Khodja (photo), le professeur d’arts plastiques, fraîchement « congédié » après avoir effectué son travail. C’est pour le soutenir que 18 classes de la 6e à la 3e ont défilé jeudi de la semaine dernière, alors qu’ailleurs en France des actes parfois gravissimes sont commis par des élèves contre des enseignants, quand ce n’est pas contre d’autres élèves.

La cause du départ forcé de Frédéric Khodja : embauché début décembre, l’homme aurait épuisé le quota d’heures maximum qui l’autorise à enseigner dans le public, comme convenu dans son contrat de vacataire, soit deux cent heures. Problème : le collège manque toujours d’un enseignant d’arts et la principale du collège ne peut pas maintenir au poste Frédéric Khodja.

Il sera remplacé par un autre vacataire jusqu’au retour de congé maternité du titulaire avec le risque de multiplier les arrivées et départs d’enseignants dans une même année scolaire, principalement à cause de leur statut. C’est donc cette situation rocambolesque que Frédéric Khodja a l’intention de dénoncer dans une lettre à l’inspecteur académique.

Du coté des parents et des collégiens, c’est l’incompréhension. La semaine dernière, à l’occasion de la dernière journée de l’enseignant dans l’établissement, de nombreux élèves ont signé une pétition et manifesté contre ce renvoi. Sur le portail de l’établissement, des dizaines de mots d’élèves ont également fleuri. D’abord à l’attention de leur professeur d’arts : « Ne nous laissez pas », « On ne vous mérite pas », « Restez ! », ensuite, à celle des responsables de ce congédiement : « Pourquoi vous nous l’enlevez ? », « Gardez-le ! ».

Nous avons rencontré le principal intéressé, dans un café lyonnais, au lendemain de la manifestation. « On ne peut pas continuer de demander aux vacataires de tisser des relations et de monter des projets avec 400 gamins durant des mois, puis les pousser vers la sortie en plein milieu de l’année scolaire. C’est placer les professeurs, les élèves et l’enseignement dans la précarité », affirme l’enseignant.

« Les vacataires sont considérés comme des tâcherons, payés à l’heure, qui n’ont ni le droit aux allocations chômage, ni le droit aux congés payés et qui ne sont pas non plus rémunérés sur les heures contractées aux conseils de classe », poursuit-il. Une tuile en entraînant un autre, Frédéric Khodja ne pourra pas retrouver un emploi dans l’enseignement public avant la rentrée prochaine. Ainsi le veut la loi.

Sur la table voisine, une cliente sirote un café en parcourant l’actualité. Derrière les pages de son journal, Françoise a tout entendu de notre conversation. Elle est journaliste au Monde et baigne aussi dans le monde de l’enseignement. Son point de vue est sans équivoque. Pour elle, tout a commencé avec la réforme de l’ex-ministre de l’éducation, Claude Allègre qui prônait l’harmonisation européenne de l’enseignement. Une réforme qui selon elle, pourrait expliquer la fragilité dans laquelle sont plongés les contractuels et les vacataires.

« Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, les syndicats d’enseignants ne se sont plus assez mobilisés. Chacun préfère défendre ses intérêts », assure Françoise. Visiblement, le sujet passionne la journaliste. Elle remarque : « En France, on confond tout, le niveau et le statut. Comme si un prof agrégé était forcement meilleur qu’un contractuel. Cela ne veut rien dire dans la pratique, ça manque de clarté ! « .

Naïma Daira

La rédaction

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