La majorité métropolitaine compte construire 6000 logements sociaux chaque année, pour soulager la tension entre offre et demande de logements sociaux. Mais l’opération pourrait s’avérer plus difficile -et plus longue- que prévue.
Un parc social bondé. Depuis 2010, le Fichier commun de la demande locative sociale, placé sous l’égide de la Métropole, regroupe toutes les demandes avant de les rediriger vers ses trois bailleurs sociaux (Grand Lyon Habitat, Lyon Métropole Habitat et Est Métropole Habitat). Avec environ 80 000 demandeurs recensés sur son territoire contre 70 000 fin 2019, la métropole de Lyon fait face à une situation de tension rarement observée entre offre et besoin de logements sociaux. Un chiffre déjà largement supérieur aux nombres de logements sociaux proposés dans l’agglomération, mais qui bondit chaque année à vitesse grand V. En 2020, le nombre d’attributions de logements sociaux (9 883 en 2019) devrait baisser significativement : la semaine dernière, le vice-président à la métropole de Lyon chargé du logement Renaud Payre, invité de Gérard Angel, indiquait que “dans le parc social, on avait jusqu’à présent sept demandes pour une satisfaite. Cette année, nous monterions à 14 ou 16 demandes pour une seule satisfaite”. En raison du niveau très élevé des loyers dans la métropole, difficile d’attendre que des logements sociaux se libèrent prochainement dans une proportion significative pour atténuer le problème. “La situation économique des gens fait qu’ils changent moins de logement, explique Céline Reynaud, directrice général du bailleur social Est Métropole Habitat qui officie à Villeurbanne, Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Bron, Décines, Saint-Priest, Meyzieu, Mons et Saint-Fons. “Il y a une baisse de ce qu’on appelle le « taux de rotation », le nombre de gens qui quittent leur logement social diminue. Aujourd’hui, on est entre 5 et 6%, ce qui est très très faible”, poursuit celle qui a succédé à Cédric Van Styvendael, élu par la suite maire de Villeurbanne.
“6000 logements sociaux, ça serait beau !”
L’urgence pour les pouvoirs publics semble donc de développer une nouvelle offre de logements sur le marché. La majorité écologiste avait d’ailleurs intégré la promesse de construire 6000 logements sociaux annuels dans son programme électoral. Particulièrement ambitieux (en 2019, l’objectif était de financer chaque année 4 000 logements sociaux dont 84% de logements neufs, et fut difficilement atteint), le chiffre a été confirmé par Bruno Bernard et Renaud Payre à l’occasion de diverses rencontres avec leurs partenaires. « Ça me semble infaisable dans les prochaines années”, s’étonne Samuel Minot, président de la fédération des entreprises du BTP Rhône et Métropole. Si on arrive à le tenir dans les dernières années de mandat, ça serait beau ! On parle de beaucoup de choses, du logement social à l’encadrement des loyers, mais il y a un problème d’offre”. Le leader patronal attend avec impatience les détails de ce plan de construction massive de logements sociaux neufs. Ces objectifs seront détaillés à l’occasion de la très attendue Programmation pluriannuelle des investissements (PPI), qui devrait être dévoilée début 2021. L’opération pourrait s’avérer particulièrement compliquée, et ne devrait pas se matérialiser au moins à moyen-terme : “Il faut construire, mais cette logique suppose d’avoir des terrains, d’avoir des logements à acheter dans des conditions de marché qui nous permettent de proposer des loyers bas de manière économiquement viable. Et les prix du foncier comme les prix de l’immobilier sont chers sur la métropole, et rendent le travail plus difficile pour les bailleurs sociaux.” développe Céline Reynaud. Malgré les efforts de la nouvelle majorité pour contenir les prix du marché (encadrement des loyers, maîtrise foncière), la disponibilité de terrains ou de bâtiments du parc privé semblent difficilement propices à la réalisation de tels objectifs dans les prochaines années.
Autre obstacle à un développement rapide du parc social : parallèlement à la construction de logements sociaux, certains quartiers devront passer par la case démolition dans le cadre du Plan de Renouvellement Urbain. Si la plupart des logements détruits seront compensés par de nouvelles constructions ou attributions depuis le parc privé au rythme de la recherche de mixité sociale (et donc probablement plus proches du centre de Lyon), l’équation est finalement nulle en termes quantitatifs. “La logique de renouvellement urbain ne crée pas de nouveaux logements, on ne fait que compenser l’offre perdue”, reconnaît Céline Reynaud. Dans la métropole, de nombreux quartiers demeurent concernés par des projets de démolition dans les prochaines années, à Lyon (Mermoz Sud, Langlet Santy dans le 8e arrondissement, La Sauvegarde dans le 9e), Villeurbanne (quartier des Buers), Vaulx-en-Velin (Mas du Taureau, La Grappinière) ou Vénissieux (Minguettes).
Les ménages à la peine dans les HLM
Dans les logements gérés par Grand Lyon Habitat, 62 % des nouveaux locataires se situent en dessous de 60 % d’un plafond de ressources pour un couple de 27 870 € annuels. Situation de précarité oblige, la population du parc social lyonnais (soit 20% des ménages de l’agglomération d’après les chiffres de 2016) se voit d’ores et déjà souffrir de la crise sanitaire : au sein des logements gérés par trois principaux bailleurs sociaux de l’agglomération, on estime l’augmentation globale des loyers impayés à 15% avec le confinement. “Dans le parc social, les ménages sont particulièrement touchés par le confinement, mais presque davantage aujourd’hui, s’inquiète Céline Reynaud. Il y a des ménages pour lesquels c’est le premier impayé, pour qui l’impayé est encore soit naissant, soit d’un petit volume”. Un phénomène qui pourrait pousser les bailleurs à mettre en place une obligation de prélèvement automatique à la signature du bail. Une réponse inadaptée pour les syndicats de locataires. “A quoi cela sert si les gens n’ont pas de sous ?”, s’interroge Orida Lagati, présidente de la Confédération Nationale du Logement (CNL) du Rhône. “A Saint-Priest, les locataires sont déjà dans l’embarras suite aux grosses régularisations de charges. Le prélèvement ne va rien solutionner à la paupérisation de la population des HLM. Les mauvais payeurs ne sont pas une généralité. Les gens, ils n’en peuvent plus”. Pour atténuer la montée en grade des impayés, la métropole de Lyon avait voté dès le 8 juin dernier la création du Fonds d’urgence pour les impayés de loyers et charges, une aide exceptionnelle conditionnée aux revenus et plafonnée à 3000 euros par foyer. L’Etat, lui, a annoncé par l’intermédiaire du premier ministre Jean Castex son souhait de « redynamiser l’aide de 150 euros versée par Action Logement” entré en vigueur en juin dernier afin de “prévenir les impayés de loyer”.