Conseillère régionale et élue à Annecy, Fabienne Grébert est la candidate du pôle écologiste pour les élections régionales en Auvergne Rhône-Alpes. Pour le Lyon Bondy Blog, elle revient sur les grands axes de son programme. Retrouvez la deuxième partie ici.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Fabienne Grébert, j’ai 56 ans, j’habite depuis 26 ans à Annecy, mais je suis quelqu’un d’Auvergne Rhône-Alpes. J’ai passé quasiment toute ma vie ici. Je suis arrivé à Saint-Etienne quand j’avais 6 ans, puis j’ai passé mon bac à Rive-de-Gier. J’ai fait mes études à Lyon, j’ai une sœur qui habite en Haute-Loire… donc je connais bien ce territoire, j’y suis implantée depuis longtemps. En fait, ma conscience politique est née quand j’étais adolescente, à Rive-de-Gier. J’ai vécu dans un milieu ouvrier où j’ai pris conscience de l’inégalité des chances. Dans cette petite ville, j’ai vu l’industrie qui s’effondrait. Mon père lui-même était dans une industrie sidérurgique qui a été démantelée dans les années 1980. C’est ça, aussi, qui a nourri cette fibre sociale et ma conscience politique de gauche.
Au niveau professionnel, j’ai passé la première partie de ma carrière dans les métiers de la communication et du marketing. Je suis quelqu’un qui a une bonne connaissance du monde de l’entreprise puisque j’ai été la directrice adjointe de BMF, une PME de 70 personnes à Annecy, dans le domaine de la distribution. L’entreprise n’existe plus aujourd’hui, elle a été rachetée par le quatrième groupe français de la distribution de fournitures de bureau. Je m’y suis occupé de toute la commercialisation et du marketing. J’ai repris mes études à une quarantaine d’années, pour devenir consultante sur le sujet de la responsabilité sociétale des entreprises. J’accompagne depuis une quinzaine d’années des entreprises, petites ou grandes comme la SNCF, La Poste, EDF, les aéroports de Lyon ou encore Maped sur toutes les questions de responsabilité sociétale des entreprises, d’achats responsables et d’économie circulaire. Ça fait 15 ans que je travaille sur ces sujets-là, avec des moments de joie, de bonheur de voir progresser ces idées. Ce sont aussi des idées qui échouent, qui se heurtent toujours à des contraintes économiques, bien évidemment. Et un État qui ne fait pas forcément son travail pour avoir des lois qui incitent à la transition écologique, pour avoir des dispositifs d’accompagnement. J’enseigne aussi à l’université de Savoie depuis 2011. Je voulais faire de l’enseignement pour que les jeunes générations s’emparent de ces sujets-là. On leur enseigne à faire du business différemment, à avoir des pratiques responsables, mais même là ce n’est pas suffisant. C’est pour ça qu’il faut investir le champ de la politique : c’est le seul qui permet de créer des modèles économiques qui participent à une économie qui ait du sens, qui crée des emplois et qui contribuent à s’adapter au dérèglement climatique.
Quel a été votre parcours politique ?
Au début, j’étais chez Europe Ecologie, puis j’ai été séduite par Nouvelle Donne, les idées de Pierre Larrouturou et du collectif Roosevelt. J’ai été une des architectes de Nouvelle Donne. J’ai participé, en 2015, au démarrage des institutions qu’on avait nous-même contribué à concevoir. J’ai eu la chance de participer au démarrage des élections régionales et d’être désignée pour être tête de liste en Haute-Savoie. C’était mon premier mandat, mais Nouvelle Donne avait déjà fait un assez joli score au moment des Européennes de 2014.
Pourquoi avez-vous, à l’époque, quitté EELV pour Nouvelle Donne ?
Aujourd’hui, je suis non-encartée, mon objectif c’est vraiment de jouer la cohérence. Nouvelle Donne est dans le pôle écologiste, donc je suis très contente de ça. Je suis ravie aujourd’hui d’être aux côtés des écologistes ! Ce n’est pas le problème. J’ai siégé avec des écologistes, avec des gens du Parti de Gauche pendant mon premier mandat de conseillère régionale. Ce qui m’intéresse, c’est de donner une force beaucoup plus importante à l’écologie.
Pouvez-vous donner trois axes prioritaires de votre mandature prochaine ?
D’abord, bien évidemment, un plan de transition écologique. On doit accompagner les collectivités territoriales, les mairies, les entreprises, les citoyens à faire le pas de la transition écologique. On a prévu d’investir massivement, avec un plan à 3,6 milliards d’euros. Une transition au niveau des bâtiments, que ce soit des bâtiments publics ou des logements : il faut qu’on multiplie par 6 le nombre de logements rénovés. Pour qu’ils soient confortables l’hiver, qu’ils consomment moins d’énergies fossiles et que l’on réponde aux enjeux de précarité énergétique. Il faut aussi les rafraîchir. On va avoir des pointes à 50 degrés en été ! Il faut absolument que l’on se préserve, tout le monde ne va pas pouvoir avoir sa clim’, c’est pas possible. Donc il faut qu’on isole nos logements dans cette optique là, qu’on végétalise les villes, puis qu’on accompagne la transition écologique des entreprises via de nouvelles formes de modèles économiques, qu’on accompagne la transformation, l’éco-conception des produits… Puis il y a bien évidemment le transport. Nous avons un vrai plan sur le transport ferroviaire, avec un maillage que l’on va pouvoir mener avec la métropole de Lyon, la ville de Lyon, Grenoble… Il y a un vivier de gens qui sont impatients d’investir massivement sur des RER métropolitains qui nous permettraient de relier plus facilement Lyon à Grenoble, Lyon à Saint-Étienne ou à Clermont, avec des lignes fréquentes, régulières, et un prix accessible. À côté de ça, qu’on articule tout un réseau de lignes secondaires, de transports routiers de voyageurs, et de transports en vélo. Il faut donner aux territoires ruraux et périurbains des solutions pour permettre d’avoir des alternatives à la voiture individuelle.
Le deuxième point qui me semble important, c’est la question de la formation professionnelle. Aujourd’hui 80% des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas aujourd’hui. Il faut se faire à l’idée que vous ne ferez peut-être pas le même métier dans cinq ans. On a besoin de faciliter la reconversion, surtout dans le contexte de plans sociaux qui ne cessent de tomber. On n’a pas de raison de laisser des gens sur le bord de la route, il faut qu’on aide des chômeurs à se former… Il y a beaucoup de choses à inventer. On veut créer 100 000 emplois autour de la transition écologique, autour de l’économie sociale et solidaire et de la transformation des métiers vers la rénovation énergétique, vers l’alimentation…
Le troisième sujet est celui de la jeunesse. Tout le monde a oublié la jeunesse ! Et pourtant, c’est eux qui représentent l’avenir de notre pays, c’est eux qui représentent l’innovation, la créativité, la joie, l’envie ! Tous les maires rêvent d’avoir une ville étudiante parce que c’est stimulant, ça donne envie. Là, on a complètement oublié nos étudiants derrière nos écrans. On est un des seuls pays en Europe qui les prive de minimas sociaux de 18 à 25 ans. Nous, on considère que la région doit faire ce que l’Etat n’est pas capable de faire, et on proposera un revenu d’autonomie aux jeunes de 18 à 25 ans qui n’ont pas d’autres ressources.
“La Région, aujourd’hui, c’est un tiroir-caisse”
Quel est votre projet pour les quartiers populaires ?
J’ai un plan. On a complètement délaissé les quartiers populaires. Et on a eu tendance à remplacer la présence humaine par les caméras de vidéo-surveillance. Mais qu’est-ce qu’il se passe dans ces quartiers populaires ? Est-ce que l’on permet à tout le monde de se former ? Non, il y a de moins en moins de formations pour les chômeurs. Est-ce que l’on permet à ces gens de se retrouver, d’avoir des activités, du lien social, des travailleurs sociaux, des maisons des jeunes et de la culture qui ont suffisamment de moyens ? Non. Est-ce qu’il y a des activités culturelles dans ces quartiers ? Non. Est-ce qu’on est obligé d’aller au centre-ville pour avoir accès à tout ça, des commerces de proximité ? Probablement.
Il faut recréer des villes du quart d’heure. Il faut pouvoir se dire : “Dans mon quartier, j’ai de quoi aller faire des courses, j’ai un petit marché, des médecins, des infirmières, des lieux pour aller au cinéma ou aller voir un spectacle, un petit concert, j’ai des lycées dans lesquels on va voir des projets pédagogiques, pouvoir monter des projets autour de la citoyenneté, de la laïcité, de la lutte contre la discrimination, sur le rapport à la nature…” C’est ça qui va permettre de recréer de la vie dans ces quartiers. Des logements et équipements décents et rénovés. Je donne vie à mon quartier, je le revitalise, je le revégétalise. Il faut accompagner les bailleurs sociaux dans les programmes de financement de la rénovation énergétique. Créer des activités qui vont permettre de faire société. Il n’y a pas de recette magique, mais c’est quand on supprime de ces quartiers tout ce qui permet de faire société que ça ne va plus.
Quelles sont les possibilités concrètes avec les leviers et l’argent de la région ?
On a la compétence sur la culture, la santé, les lycées, la politique de la ville… Le budget de la politique de la ville a été réduit de 80% sous Wauquiez. On peut financer, accompagner les collectivités locales sur des projets structurants. Rien ne nous empêche de le faire, aujourd’hui. Il s’agit de problèmes d’orientation. L’argent, on l’a. Vous l’avez vu, l’argent magique là ? Il pleut. On ne sait pas d’où ça tombe, mais il y en a de partout. Mettons-le au bon endroit.
Cet argent qui n’allait pas à la politique de la ville, où allait-il ?
Il va sur de l’aide aux communes, sans projets structurants. La Région, aujourd’hui, c’est un tiroir-caisse. Vous êtes de ma couleur politique, vous êtes mon copain ? Je vous donne. Ce n’est pas ma vision de la politique. Ma vision de la politique, c’est de travailler ensemble. Comment on articule les moyens des communes, des communautés de communes, des départements, de la région, de l’Etat, de l’Europe, pour trouver des financements pour porter des projets qui vont créer de l’emploi, qui vont revitaliser des territoires en ayant un effet de levier ? J’investis 1€, combien investit le privé derrière ? Combien ça permet de créer de valeur sur le territoire ? C’est ça qui est intéressant.
Vous dites que “tout le monde a oublié la jeunesse”. Vous avez des remèdes à proposer ?
Le premier constat est que tous les territoires ne sont pas égaux. La Métropole de Lyon ne nous a pas attendu pour mettre en place un revenu d’autonomie pour les jeunes. Donc je serais tentée de considérer qu’elle n’a pas besoin de nous pour ça. Par contre, je me dis que Saint-Etienne est peut-être une ville où il n’y a pas le même potentiel fiscal, pas le même potentiel de recettes dans la ville pour monter ce type de revenu. C’est là où la Région doit faire le job. Elle doit se demander avec les villes : « En fonction de la capacité de financement des villes, tu mets combien, je mets combien ? »
La question du logement et des résidences étudiantes est prégnante à Lyon, à Clermont-Ferrand, à Annecy. Elle l’est peut-être moins à Valence ou à Privas. Par contre, à Privas, il y a peut-être des problèmes de formation professionnelle, de transports, il y a peut-être des problèmes à Aurillac. Parce que quand je retrouve un boulot et que je dois aller à Moulins pour des entretiens, là j’ai besoin d’être aidé, d’avoir des TER gratuits, d’avoir des transports routiers de voyageurs gratuits. On doit s’adapter au plus près des besoins.
Il y a un manque de main d’œuvre dans les métiers manuels. Comment les valoriser en agissant sur la formation professionnelle ?
Là encore, c’est une question d’orientation budgétaire. Sous Wauquiez, on oriente dans une logique “adéquationniste”. On essaie de se dire « Tiens, il y a besoin de gens sur le numérique, on va t’emmener vers le numérique ». Moi, je crois qu’on réussit bien dans un métier quand on l’aime, quand on sent qu’il est fait pour soi. Qu’on sorte de cette logique selon laquelle il faut forcément passer par un Bac+5 pour avoir le métier de ses rêves ! Je vous invite à lire un bouquin, qui s’appelle « L’éloge du carburateur », qui dit que les vrais intellectuels sont ceux qui sont capables de faire du travail manuel, qui mettent en lien la tête et les mains. Il y a un problème : on forme plus d’ingénieurs que de boulangers aujourd’hui. Et pourtant, on a toujours besoin de manger du pain.
On veut faciliter des systèmes de stages co-financés par la région, pour permettre de découvrir des métiers auxquels on a accès. Aujourd’hui, il y a juste les stages de découverte en troisième. Mais avant d’être en stage en Bac+3 etc, on a pas d’autre occasion de découvrir l’entreprise. On se dit que ça serait sympa d’avoir des systèmes de mentorat. « Tiens, j’ai envie d’accueillir un jeune pendant une semaine, quinze jours… » Et on financerait ce coût d’accueil pour une entreprise. Au lycée, ou même jusqu’à 25 ans. Il faut qu’on imagine toute la mécanique. On a le droit de se tromper, surtout quand on a 16 ou 18 ans. On a le droit d’avoir été influencé par ses parents. On a le droit d’avoir envie de changer, parce qu’à 20 ans on se découvre, on s’émancipe, on trouve son autonomie, et on peut se dire que finalement, l’orientation prise n’est pas celle dont on rêvait.