Chroniques judiciaires : Nu comme un ver et en colère

C’est en début d’après-midi que commence cette affaire. Le prévenu qui arrive dans le box a 34 ans et possède sa petite entreprise depuis 3 ans. Il paraît timide et frêle. Il parle d’une voix faible qui a du mal à arriver jusqu’aux oreilles de la présidente. Comme perdu, il donne l’impression de ne pas savoir ce qu’il fait là. Et pourtant…

Tout cela débute le 30 juin 2019 dans le club libertin sur les Terreaux, « Le Sun » en début de soirée. Habituellement peu festif, Bertrand* voulait passer une bonne soirée. Ainsi, le prévenu, alias docteur Jekyll, entre dans le club déjà ivre, ce qui ne présage rien de bon. Mais passé le portail, le bon docteur laisse place à Mister Hyde.

Rapidement, il montre des signes de violence envers les clients, mais surtout, il s’est mis totalement nu dans le club et s’approchait des femmes pour essayer de les agresser. Fort heureusement, Akim*, un des employés arrive pour calmer la situation. Il prend Bertrand à part pour parler avec lui, pour s’expliquer calmement. Mais Bertrand ne veut pas d’une discussion. Il pousse Akim dans les escaliers qui les dévale et qui tombe sur le dos. Le souffle coupé pendant 15 secondes, Akim ne parvient pas à se relever. Bertrand profite de la position de faiblesse du salarié pour lui cracher dessus et l’asséner de coups de pieds sur le ventre et les jambes. Il finit par lui dire « toi, t’es mort ». Lorsque Akim finit, douloureusement, par se relever, Bertrand le prend au cou pour l’étrangler. C’est alors qu’un deuxième salarié, Joseph* qui, ayant entendu du bruit, vient aider son collègue. Bertrand lui saute dessus et le mord à l’oreille tellement violemment que Joseph finit par saigner.
Ce sont les clients qui écartent Bertrand des deux salariés tandis qu’il continue sans cesse d’insulter les deux hommes. Certains clients avaient également appelé la police qui est arrivée assez vite. Les policiers plaquent Bertrand à terre qui continue de porter des coups comme il peut. En tentant de se débattre, il casse le téléphone personnel d’un des policiers, mais aucune violence physique n’est à déploré sur ces derniers. Lorsque les policiers le relèvent, ils lui mettent un drap sur le visage pour l’empêcher de cracher sur les policiers ainsi que sur les clients.

C’est la raison pour laquelle Bertrand est aujourd’hui dans le box, les mains serrées et la tête baissée. Il paraît difficile d’imaginer cet homme commettre un tel acte. Tel Docteur Jekyll et Mister Hyde, Bertrand dit ne pas se souvenir des violences et insultes dont il est question. Son casier ne contient aucun lien avec violence ou agression sexuelle, même s’il était sous contrôle judiciaire depuis le 3 mai 2019.
Si l’homme se rappelle être allé au « Sun », le reste lui paraît totalement inimaginable. Il précise tout de même ne pas avoir attaqué Akim, mais il l’a repoussé. En effet, sa version des faits n’est pas tout à fait la même. Selon lui, Akim lui aurait demandé de sortir dès son entrée dans le bâtiment alors qu’il n’avait rien fait, ce qui l’aurait mis en rogne.

C’est en boitant qu’Akim s’avance à la barre pour prendre la parole. Il tenait à rappeler qu’il prend désormais le taxi car il ne peut plus conduire. Il a des griffures sur le thorax et des hématomes sur le corps. Cela lui a valu plusieurs jours d’ITT. Il termine en regardant la présidente : « je suis prêt à pardonner s’il reconnaît les faits ». Mais l’homme continue de nier.

Cela ne l’aide pas. Lorsque le procureur prend la parole, il déclare que le discours de Bertrand est confus puisqu’il se rappelle des événements, mais qu’il diffère dans ses propos d’une version à une autre. De plus, si l’avocat de la défense rappelle que le prévenu était ivre, il ne peut pas se rappeler de tout. Et cet avis n’est pas partagé car il s’agit plutôt d’une mémoire sélective, toujours d’après le procureur.

Mais tout cela paraît si lointain pour Bertrand. Il déclare avoir honte et « n’admet pas avoir eu un tel comportement ». Bertrand veut rajouter quelque chose avant de quitter le box. Il s’excuse auprès des policiers qu’il a importunés et surtout auprès d’Akim qui ne daigne pas lever les yeux et qui ne l’a pas regardé une seule fois du procès. Si Joseph n’était pas présent, ce sont plus que des excuses qu’il lui faudra d’après son avocat. Ce sont 1.500€ qui sont demandés en dédommagement de la violente morsure à l’oreille.

Bertrand sort ainsi du box aussi frêle qu’à son arrivée, et le docteur Jekyll disparaît pour laisser place à un autre.

Affaire suivante !

* les noms ont été changés

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