Chronique judiciaire : Une belle-famille fracassante

Vendredi 12 avril 2019. Tribunal de Grande Instance de Lyon. Salle G. Il est aux alentours de 15h lorsque la salle, particulièrement agitée et remplie à ras bord, s’apprête à passer à la troisième affaire de comparution immédiate de l’après-midi. Alex et Tom*, les prévenus, arrivent dans le box, têtes baissées. Ils sont tous les deux accusés de violences envers leur belle-sœur, Véronique*, en instance de divorce avec leur frère, et son nouveau compagnon, Fred*.

Dans un premier temps, la présidente précise, comme pour chaque affaire, que les accusés ont un droit de délai pour être jugés, et qu’ils peuvent l’utiliser. Les deux jeunes hommes acceptent d’être jugés le jour même. Elle nous rappelle ensuite les faits en s’emmêlant un peu les pinceaux.

Dans la soirée du 9 au 10 avril dernier, Véronique et son compagnon sont pris pour cible à leur domicile dans la cité Jean Valiès, à Givors. Ils appellent la police une première fois vers 22h30. Selon leurs dires, ils auraient été menacés, insultés, par Alex et Tom. Les policiers remarquent que ces derniers sont particulièrement agités et les identifient comme fauteurs de trouble. Néanmoins, ils arrivent à calmer la situation et repartent. Malheureusement pour les victimes, cela va empirer. Les policiers sont de nouveau rappelés aux alentours de minuit. En effet, la voiture de Fred est amoché notamment au niveau du rétroviseur. Dans l’appartement, le nouveau couple ainsi que les enfants (dont un bébé de cinq mois) prennent peur, les menaces et injures fusent, du style « On va te crever, salle p… ». De plus, selon Fred, qui a observé le judas de porte, Alex et Tom n’étaient pas seuls. Avant la seconde arrivée des policiers, plusieurs jeunes, à l’aide de bâtons, et de battes de base-ball, tambourinent la porte. Par la suite, les policiers décident d’exfiltrer les victimes ainsi que les enfants vers un hôtel. Ils usent même de gaz lacrymogènes face aux jets de projectiles des jeunes du quartier.

Mais qu’est-ce qui aurait pu pousser Alex et Tom à agresser leur future ex-belle sœur ? Et bien d’après ce que nous avons pu comprendre, il s’agit d’un choix de vie. En effet, Véronique est en instance de divorce avec le frère d’Alex et Tom, et souhaite refaire sa vie avec Fred. Par le biais d’une voisine, les accusés ont eu connaissance de l’existence de ce nouveau compagnon, et n’ont pas apprécié la nouvelle. Quand on leur donne la parole, les accusés reconnaissent les injures, mais pas l’agression.

Après ce rappel des faits, place aux différents partis. La parole est donnée à la partie civile, représentant les victimes, absentes ce 12 avril. L’avocate fait état à la salle de la situation actuelle et de la condition psychologique de la famille : une femme anxiogène, qui ne dort plus beaucoup, des enfants apeurés qui ne vont plus à l’école (l’un d’entre-eux a même raté un brevet blanc). Au moment de la comparution immédiate, Véronique et ses proches sont toujours à l’hôtel. Elle a peur de retourner dans le quartier, même dans le cadre de son futur déménagement. L’avocate réclame une interdiction de contact des accusés avec ses clients, un préjudice élevé à 1500€, ainsi que la somme de 797,38€ pour la réparation de la voiture de Fred.

C’est au tour de la procureure de s’exprimer. Elle rappelle d’abord l’origine de ce conflit familial : Véronique s’est séparé de son ex-compagnon car, selon elle, il menait une double vie. Une séparation qui n’aurait pas plu à sa belle-famille. Ensuite les faits mentionnés précédemment sont évoqués. Elle rajoute que les policiers corroborent les déclarations des victimes. De plus, la situation était tellement tendue qu’ils voulaient appeler des renforts, mais cela n’a pas été possible car leur radio était en panne. Elle requiert pour les deux individus une peine de dix mois d’emprisonnement, dont six fermes.

Les prises de paroles de chaque parti se terminent par celle de l’avocat de la défense. Au cours de son intervention, il mentionne le casier judiciaire vierge de ses clients, deux jeunes bien insérés dans la société. Alex tient à reprendre le garage d’un ami, tandis que Tom veut devenir moniteur d’auto-école. Son examen théorique se déroule dans quelques jours. D’ailleurs, si l’on questionne son auto-école, tout se passe très bien. L’énonciation de l’avocat est marquée par beaucoup de conviction, une telle intensité dans ses propos que son visage en devient pratiquement rouge.

« Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? », demande la présidente aux accusés. Tom déclare : « Je suis désolé pour ce qui s’est passé, je ne suis pas comme ça d’habitude. ».

Juste avant de vous prononcer le verdict, précisons que cette affaire s’est déroulé dans une ambiance loin d’être ordinaire : des va-et-vient incessants, un huissier n’ayant aucun contrôle sur la salle, une présidente qui demande plusieurs fois de faire silence ou qui exige l’évacuation de certaines personnes suite au brouhaha permanent.

Place désormais au verdict. Après délibération, les accusés sont reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés, et condamnés à dix mois d’emprisonnement dont six fermes. Les quatre mois supplémentaires seront à l’appréciation du juge d’application des peines. Une interdiction de contact avec les victimes est également prononcée. Le dépit se lit sur les têtes d’Alex et Tom, des larmes coulent même du visage de ce dernier.

Affaire suivante.

*prénoms modifiés

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