Chronique Judiciaire : « On m’a mis la pression »

Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate du vendredi 12 avril 2019.

Les va et vient sont sans relâche pour cette quatrième affaire de l’après-midi. Il est 16h15, un nouveau prévenu entre dans le box des accusés. Luc*, 18 ans, passe en comparution immédiate après avoir été pris flagrant délit de vente de cannabis.

Le 10 avril dernier, sur un parking désert rue Georges Louis, il est 17h50 quand un jeune homme vient acheter 20 grammes de résine de cannabis à Luc pour une somme de 100€. Au loin, quelques policiers de la patrouille du 7ème arrondissement de Lyon, portent une attention particulière sur la scène se déroulant devant leurs yeux. Une situation plutôt intéressante puisque les deux garçons sont en train d’échanger de la drogue. La police décide alors d’intervenir dans ce trafic mais en voyant la police arriver, c’est un vrai champ de bataille qui se hisse. Pris pour cible avec des projectiles, les forces de l’ordre sont obligés de partir afin de ne pas être blessés. Suite à cela, Luc prend la fuite mais se fait rattraper par les gardiens de la paix.

Celui que l’on peut appeler le client avoue les faits et raconte qu’il achète pour 20€ de drogue à Luc depuis six mois. Il précise le connaître par le bouche à oreille et avoue même que la marchandise serait cachée dans les buissons. Le décrivant comme jeune avec une doudoune noire à capuche d’une certaine marque, Luc est directement celui qui conviendrait. La preuve est telle que le dit la présidente, « vous ne pouvez pas nier, vous portez cette doudoune à cet instant présent ». Le prévenu baisse la tête pour regarder sa veste et ne dit rien, conscient que ce n’était pas le meilleur jour pour porter ce vêtement.

Lors de son arrestation, Luc conteste directement les faits, il ne serait pas un dealer et tout cela ne serait qu’un coup monté ! Le client aurait donc menti car « on a dû lui mettre la pression », suppose Luc. Ce dernier, qui avait déjà été condamné 7 fois dans sa jeunesse pour détention de drogue, était en possession de 2 grammes de cannabis. Consommant 2 à 3 joints par jour, il ajoute que c’est pour sa « consommation personnelle » et non destiné à la vente. La juge lève alors la tête et le regarde attentivement avant de lâcher « vous savez Monsieur que la consommation de drogue est interdite ». L’adolescent hoche la tête tout en répondant un petit « oui » du bout des lèvres que l’on entend à peine.

En garde à vue le lendemain des faits, Luc refuse de donner le code servant à déverrouiller son téléphone, « j’étais énervé » essaie-t-il de se défendre. Les accusations sont immédiates, il aurait des choses à cacher, des choses qu’il considère comme des « données personnelles ». Tout l’accuse mais il ne se laisse pourtant pas abattre, se défendant comme il peut en montrant qu’il essaie de prendre son avenir en main en travaillant pour UberEats depuis janvier 2019. Il avoue que des personnes l’ont menacé de mort, il devait avouer des faits qui ne sont pas les siens, notamment celui de vendre de la drogue. Accusé à tort, il estime mériter une deuxième chance, qui serait, en fait, une huitième chance.

Finalement, la procureure demande une peine de six mois de prison, la révocation des deux mois de sursis de sa peine du 1er octobre 2018, un mandat de dépôt ainsi qu’une confiscation de l’argent gagné salement. L’avocat, trouvant que c’est une lourde sanction qui mérite mure réflexion, demande une réduction de peine.

Après avoir été défendu par son avocat, Luc a le droit à un dernier mot, s’il le souhaite. Perdu, il cherche du regard le soutien de son avocat, qui ne regarde que la présidente. Essayant d’apercevoir les différentes notes de celui qui le défend, Luc a du mal à s’exprimer et décide finalement de ne rien dire si ce n’est que de répéter sa récente activité UberEats. Levant les yeux au ciel la présidente répond « oui, on avait compris » avant de le laisser repartir.

Après une longue délibération, la justice rend sa décision finale. Il écopera d’une peine de six mois d’emprisonnement avec deux mois de sursis. Le mandat de dépôt a également été accepté. Le prévenu, déboussolé, ne comprend pas directement de quoi il s’agit. La présidente lui explique qu’ils vont donc récupérer son téléphone portable et qu’il ira en prison pour un minimum de quatre mois.

Face à la réaction surprenant de Luc, la présidente s’exclame « vous êtes plus soucieux pour votre bien que pour votre peine ! ». A ce même instant, des hurlements se font entendre du fond de la salle, puis, se rapprochant, ses proches le soutiennent, « ne t’inquiètes pas, on est là frérot, on ne te lâchera pas ! » tout en insultant la Cour. Personne n’est d’accord avec ce lourd jugement, on entendra même « vous allez faire de lui un monstre » qui donnera le clap de fin à cette affaire.

AFFAIRE SUIVANTE !

*Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat.

Morgane Michat

Actuellement en Master de communication digitale je suis la fondatrice du blog envgrom.fr et cofondatrice d'un magazine pour les étudiantes "Studieuse Magazine"

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