Chronique judiciaire : la fête a été gâchée

Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate du mardi 17 juillet 2018.

Deux jours après la victoire de l’Equipe de France en Coupe du Monde, le Tribunal de grande instance de Lyon a accueilli trois jeunes hommes accusés pour vol aggravé. Dans une salle bien remplie et assez bruyante avec les va-et-vient des avocats, tout le monde s’est levé à l’entrée de Madame le juge.

Accompagnés par les gardiens dans le box, les trois jeunes, probablement rongés par les remords, faisaient grise mine. Jamais condamnés auparavant, Mourad (19 ans), Tayeb (19 ans) et Farzad (20 ans) paraissaient quelque peu tendus lors de leur première comparution. Lors du résumé des faits, Madame le juge déclare que les trois jeunes ont été arrêtés par les forces de l’ordre dans la nuit du 15 au 16 juillet, à la Place de Bellecour lors de la liesse de joie après la victoire de la France. Les jeunes ont profité de la cohu générale pour casser et piller un magasin de vêtements de sport qui a été investi par une cinquantaine de personnes et dont la fenêtre a été cassée. Parmi cette cinquantaine d’individus se trouvaient donc Mourad, Tayeb et Farzad. Madame le juge appelle alors les deux plus jeunes à se lever et explique qu’ils ont été vus par les caméras de surveillance en sortant du magasin avec des dizaines de maillots de foot dans les mains. Pour leurs défenses, les jeunes expliquent qu’ils les ont trouvé par terre et que la fenêtre était déjà cassée lors de leur passage devant le magasin. Quant à Farzad, le plus âgé des trois, il s’est rendu personnellement au commissariat de police le lendemain pour avouer le vol.

Il est 14h15. La partie civile prend la parole et souligne les nombreuses dégradations du magasin causées par cette bande d’individus dont faisaient parti Mourad, Tayeb et Farzad. Après près de cinq minutes de plaidoirie, la parole passe à Madame la procureure. Usant d’un discours patriotique pendant sa déclaration, elle met l’accent sur les valeurs républicaines. Accusant ces jeunes de détruire l’âme de la victoire, elle déclare « ça devait être une fête pour l’équipe de France, pour les Français, pour ceux qui aiment la France et le foot et à cause de vous qui êtes ici, mais aussi à cause de tout ceux qui n’ont pas été interpellés, cette fête a été gâchée ». Elle va même jusqu’à évoquer des guérillas urbaines dans les rues de Bellecour cette nuit là. Pour Madame la procureure les trois jeunes hommes sont des mauvais exemples. Avec une voix grave, elle ajoute : « ce sont des opportunistes qui profitent de ce qui vient d’être cassé ». Elle termine son discours en réclamant 6 mois d’emprisonnement avec sursis pour Farzad, le seul à s’être rendu à la police, 4 mois d’emprisonnement  ferme pour Mourad et 6 mois d’emprisonnement ferme assorti d’un mandat de dépôt pour Tayeb.

S’en suit des plaidoyers présentés par chacun des avocats des trois accusés. La parole passe d’un avocat à un autre. Leur point départ est le contexte général de la soirée qui a poussé ces jeunes à commettre ces actes. Évaluant les demandes des peines comme disproportionnées du point de vue la légèreté du crime, ils trouvent ces jugements quelque peu exagérées pour « un simple vol ». Afin de réagir au discours de Madame la procureure, l’avocat de Mourad déclare : « la politique pénale ce n’est pas leur affaire. Leur affaire est d’être coupable de vols et ils doivent être jugés comme des personnes qui sont coupables de vols ». L’avocat de Farzad conclut la défense pendant près de sept minutes, elle disculpe son client en argumentant sur l’heure à laquelle ces faits se sont produits et la présence des jeunes hommes au magasin : « ces jeunes sont les derniers arrivants. Ce n’est pas eux qui ont commencé le pillage ».

Une heure plus tard, les accusés sont toujours silencieux, leurs têtes sont baissées. Madame le juge libère le tribunal afin de délibérer. Une chose est sûre pour ces jeunes, selon le Code pénal « un vol commis par plusieurs personnes, sans qu’il s’agisse d’une bande organisée » encoure une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

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