L’ancien membre du groupe mythique Sniper revient avec un nouvel EP « Le temps est compté » sorti en février. Blacko retrace son parcours et se livre dans des morceaux profonds et engagés. Dans une interview confession, l’artiste réunionnais décrit les contours de son projet et dévoile une perception du rap qui lui est propre.
Peut-on considérer la sortie de ton dernier EP « Le Temps est compté » comme un retour après maintes péripéties ?
Oui, c’est un retour après l’album « Enfant du soleil » sorti en 2010 et que l’on peut considérer comme un exercice de hors-piste puisqu’il avait été boycotté par mon label Desh Music. J’avais alors quitté le groupe Sniper depuis 2007 et j’ai produit cet album reggae que j’ai envoyé directement sur internet en 2011. Les producteurs ont demandé des dommages et intérêts et cela m’a valu une bataille juridique sans fin. On en sort fatigué, mais grandit !
Ces dernières années, tu as eu besoin de te ressourcer…
Je suis souvent parti à l’île de La Réunion. J’avais besoin de recul et de me rapprocher de ma vraie culture. Cela m’a permis de mesurer certaines réalités liées à la réussite. On réussit, mais tout est faux autour de nous. D’ailleurs quand j’ai arrêté, tout est revenu à la normale. Il y avait moins d’amis.
« Il n’y a plus de thème dans le rap »
Tu as un rôle particulier dans le hip-hop. Ne serait-ce que par rapport à ta voix…
Je l’assume complètement. Je sais qui je suis. J’ai 36 ans et je suis aussi un petit garçon qui est tombé dans le reggae de Bob Marley et le rap de Public Enemy ou Onyx. Des artistes qui correspondent vraiment à mon époque.
On te colle souvent l’étiquette du co-interprète du tube « Ferme les yeux et imagine-toi » avec Soprano. Est-ce gênant ?
Cela ne peut pas me gêner, car c’est le genre de titres qui a marché et qui a plu aux gens. Je serais parti avec un échec ou un Blacko-Soprano qui n’aurait pas pris, mon retour n’aurait aucun intérêt. Je suis parti sur des bonnes bases.
Dans ton EP « Le temps est compté », tu fais passer un message très humain à travers tes morceaux…
Cet opus, c’est la carte de visite pour ceux qui ne me connaissent pas et la carte de rappel pour les autres. Je suis un MC reggaeman. J’ai ramené mes fondamentaux reggae dans le rap. Ce qui veut dire passer un message positif. Actuellement il n’y a pas de thèmes dans le rap. À mon époque ça s’appelait seulement le hip-hop et il englobait le graph, la danse ou le rap. Ce qu’on appelle aujourd’hui le Game, il n’y en avait pas, car on ne jouait pas !
Un succès savouré sur scène
Pourquoi être parti seulement sur un EP ? Les fans ne risquent-elles pas de rester sur leur faim ?
Au début, on voulait tous partir sur un album, mais ceux qui détiennent les budgets ont le pouvoir de la décision. Avec un EP, on va tâter le terrain et voir si la glace n’est pas fondue avant d’aller vers l’album « Dualité » qui sortira courant, mai — juin. Avec le recul, l’idée d’un EP était une bonne idée. La thématique de l’album sera le yin et le yang, le mal et le bien, avec un homme au milieu. En fait, c’est le combat du moi contre moi.
Comment as-tu réagi au succès du titre « Le temps est compté » ?
Je n’y ai pas encore réagit. Je le fais quand je suis sur scène. C’était tout de même une surprise. Quand on était à la maison de disque, on se disait que ce ne serait pas mal de faire 500 000 vues avec le single « Le temps est compté » et désormais, on a dépassé la barre des 5 millions. Cela s’explique par le fait que ma musique cible tout le monde, elle n’est pas faite que pour la street. Avec l’équipe, on vit actuellement un très beau moment.
Sur cet album tu collabores avec le producteur DJ E-Rise qui travaille également avec La Fouine et Mister You. Quels sont vos liens ?
On se connaît depuis l’âge de dix-neuf ans. Chaque fois que j’avais un plan pour aller voir Secteur A ou NTM, je tombais sur lui. J’ai besoin de ce genre de lien. Si c’est pour travailler et ne plus se parler en dehors du studio, ça ne m’intéresse pas. Au-delà du business, j’aime qu’il y ait des moments de vie entre nous. Même quand mon manager a fini les papiers et signé les contrats, on se retrouve chez lui. Parfois il garde même mes filles.
« Joey Starr, on l’appelle Tonton ! »
Ta collaboration avec Joey Starr sur le titre « Dépasse tes limites » a été un grand moment de l’enregistrement de l’EP…
Joey, c’est celui que l’on appelle Tonton. C’est DJ E-Rise qui l’a appelé. Il est rentré dans le studio, il a enlevé son blouson et nous a demandé de poser une piste. J’ai retrouvé mes onze ans ! Des artistes comme lui ou Shurik’n du groupe Iam m’ont mis le pied à l’étrier pour rapper. Lorsque j’écoutais la compilation Rapattitude 1 (sortie en 1990), on retrouvait ces grands frères-là ! Aujourd’hui, avoir Joey Starr pour mon introduction, il y a de quoi être content. Je préfère le solliciter qu’appeler un rappeur qui marche et fait le buzz.
Quel message veux-tu faire passer aux jeunes générations ?
Il faut être un leader et pas un suiveur. À la limite, si tu es un suiveur, suis-toi toi-même. Il ne faut pas suivre des mouvements pour rien parce qu’une fois que ceux-ci se dissolvent, on perd ses repères. Si on a du mal à se guider, il faut demander conseil à ses parents avant de demander conseil à des rappeurs ou des acteurs de film.