« Ajami », un docu-fiction sur le quotidien d’un quartier arabe en Israël

Ajami est un quartier arabe de la ville de Jaffa où cohabitent Juifs, Musulmans et Chrétiens. Un quartier sous haute-tension où nous emmènent les réalisateurs Scandar Copti et Yaron Shani. Un film poignant à ne surtout pas manquer…

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Ajami ? Non, ce n’est pas le titre du dernier manga qui fait fureur … Bien plus que cela, Ajami est le nom d’un quartier arabe de Jaffa en Israël, où se côtoient Israéliens et Arabes adeptes des trois religions monothéistes. C’est aussi le titre du film d’auteurs que sont Scandar COPTI (qui joue lui même le rôle de Binj) et Yaron SHANI . L’un est palestinien et a grandi justement dans ce quartier d’Ajami dépeint par le film, l’autre est israélien et a suivi des études de cinéma à l’Université de Tel-Aviv. La rencontre de ces deux personnages a donné naissance à une œuvre totalement surprenante à la fois par son côté bouleversant et par son réalisme frappant.

Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé d’aller voir ce film dans la salle du CNP Terreaux, l’un des deux seuls cinémas du coin à le diffuser (l’autre étant l’UGC Ciné Cité). Curieusement, je m’attendais à voir beaucoup de jeunes maghrébins (entre autres) venus voir ce film. Amère déception : le public présent était fortement marqué des signes d’une existence longue et bien remplie. Où sont donc tous ces jeunes qui défendent sans cesse la cause palestinienne et qui ne sont même pas curieux de savoir comment les populations arabes vivent à Jaffa ? Je pensais sincèrement que le public serait aussi « cosmopolite » que le quartier d’Ajami…

Certes, Ajami n’est pas un film sur le conflit israélo-palestinien à proprement parler mais il raconte surtout des situations qui en découlent. Pas d’Intifada, pas de tirs de roquette, pas d’attentats-suicides…Seulement des bouts de vies d’un réalisme touchant. Curieusement, des histoires de drogue, d’amours impossibles, de jeunes, d’argent et de démerde au quotidien mais sur le fond culturel et politique que connaît la région.

Dès le début du film, nous sommes cruellement confrontés à la mort. Cette dernière nous accompagnera pendant près de deux heures en prenant bien soin que le spectateur s’attache à ceux dont elle prendra possession. A Ajami, la vie a un prix…et c’est ce que les histoires superposées d’Omar, Malek, Nasri, Hadir, Dando, Binj…s’efforcent de nous montrer. Chacun des personnages du film est important. Je serais presque tentée de dire qu’il n’y a pas de premier rôle. J’irai plus loin en supposant que le premier rôle n’est pas forcément celui auquel on s’attend.

L’émotion est présente à tous les niveaux du scénario : du petit-fils qui lave avec soin son grand-père invalide au policier israélien (incarnation de la répression des palestiniens dans nos esprits) à la recherche de son frère disparu en passant par la tristesse d’un amour que la religion interdit.

Lorsque nous regardons ce film, nous pouvons donc nous trouver bien loin des représentations que l’on peut se faire de la vie là-bas. Nous y retrouverons cependant des choses en fond : rapports tendus entre les Israéliens et les Arabes, clandestinité, check-points, précarité sociale, difficulté d’accéder aux soins…

Mes recherches sur Ajami m’ont conduit à une interview des réalisateurs : « Nous avons utilisé la réalité du quartier d’Ajami à Jaffa comme base. La plupart des histoires sont adaptées d’histoires vraies glanées là-bas ». Adaptation d’histoires vraies donc… Le réalisme vient aussi et surtout des méthodes de tournage : aucun acteur n’est comédien de formation, techniques de tournage des documentaires, pas de script figé et place à l’improvisation de « comédiens » qui jouent paradoxalement des situations qu’ils ont déjà vécues… Parfois, d’après ce que j’ai pu lire à droite et à gauche, les réalisateurs devaient interrompre le tournage de scènes violentes car les « acteurs » étaient beaucoup trop imprégnés et pouvaient finir par se blesser. La vie quotidienne vient parfois s’inscrire dans cette fiction, comme dans cette scène ou un homme essaie de vendre des bottes aux couleurs improbables aux policiers israéliens du film… « La réalité dépasse la fiction » et à Ajami, cette petite phrase prend tout son sens.

Enfin , il faut mettre la complexité des rapports qui lient les personnages au centre de toutes ces histoires qui finissent par se télescoper d’une manière très inattendue, car au fond c’est de cela qu’Ajami traite : la complexité des rapports humains dans un monde complexe.

Mes recommandations ? Allez vite voir ce film pendant qu’il est encore à l’affiche ! D’autant plus que je déplore fortement l’absence d’une diffusion plus large, notamment dans les cinémas de quartiers (Duchère, Minguettes, Vaulx-en-Velin parmi d’autres…)

La rédaction

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