Parents d’élèves et professeurs des collèges de Villeurbanne se sont rassemblés ce jeudi 14 septembre sur les marches du TNP, face à la mairie, pour réclamer plus de moyens humains. Entre suppressions de postes et difficultés de recrutement, les établissements souffrent d’un manque criant de personnel qui altère la scolarité des élèves.
« C’est la première année que le collège est aussi mal un 15 septembre », alerte Thomas Gathiers, professeur d’Histoire-Géographie au collège Jean-Jaurès à Villeurbanne. Son établissement manque d’infirmières et d’AESH (Accompagnant pour Enfant en Situation de Handicap). Drapeau du SNES-FSU à la main, le professeur syndiqué a répondu à l’appel du collège voisin Jean Macé. Suite à la suppression d’un tiers des moyens CPE (Conseiller Principal d’Éducation), le personnel a appelé à une mobilisation ouverte ce jeudi 14 septembre, place Lazare Goujon. Face au manque de moyens humains, les établissements villeurbannais se préparent à faire front commun.
« On ne sait pas comment on va faire pour tenir l’année »
La CPE du collège Jean Macé doit suivre seule 642 élèves. Des conditions inacceptables pour les personnels qui étaient massivement en grève du lundi 5 au mercredi 7 septembre, reportant ainsi la rentrée des classes. Les parents ont poursuivi le mouvement en se rassemblant devant l’école et en refusant d’envoyer leurs enfants en cours. « Le jeudi, seulement 1 élève sur 5 était présent. Vendredi, c’était un élève sur 2 », estime Michel Christian, représentant parent à la FCPE, il ajoute « nous voulons montrer que les parents sont inquiets et qu’ils n’acceptent pas la suppression d’un tiers des moyens CPE ». Un scénario similaire à d’autres établissements villeurbannais, comme au collège Louis Jouvet où la CPE s’occupe de 720 élèves.
L’appel à se rassembler a résonné jusqu’au collège Elsa Triolet de Vénissieux, pour lequel Pascal Favriou, représentant syndical CGT, dénonce l’éviction d’un demi-poste de CPE. Ces acteurs sont pourtant essentiels au bon déroulement de l’année, comme le rappelle Louis Guérin, professeur d’Histoire-Géographie au collège Jean Macé : « Les CPE gèrent les absences, les retards et font un suivi des élèves, par exemple au niveau des conflits entre camarades ou pour soutenir les enfants isolés. C’est un élément clef du climat scolaire. Notre établissement avait subi une hausse des retards, des absences et des incidents. Pourtant, ils nous ont baissé les moyens. On ne sait pas comment on va faire pour tenir l’année ».
Des statuts trop précaires
Les CPE ne sont pas les seuls à manquer. Comme chaque année, l’État peine à recruter des infirmières et des AESH, qui sont pourtant les clefs de voûte de l’école inclusive. Le collège Les Iris illustre parfaitement la situation : seulement deux AESH accompagnent 17 élèves en situation de handicap. D’après les syndicats, il en faudrait sept de plus. Le métier attire peu à cause de son statut trop précaire, avec des salaires avoisinant les 800 euros par mois et un statut d’agent contractuel de l’État. Quant au manque d’infirmière, il peut être dangereux, comme au lycée Frédéric Faÿs où les élèves en filière professionnelle manipulent des machines.
Michel Christian, parent d’élève du collège Jean Macé, invite à considérer les conséquences de cette dégradation des conditions de scolarité sur le long terme. La mixité sociale des établissements pourrait être impactée par une stratégie d’évitement des familles favorisées : « Le collège Jean Macé est l’établissement le plus mixte de Villeurbanne. C’est une donnée fragile. Avec ces problèmes, le signal envoyé aux parents n’est pas le bon mais nous continueront de militer pour qu’ils envoient leurs enfants dans le collège de secteur ».
Un rectorat qui reste sourd
Les audiences au rectorat demandées par le personnel et les parents du collège Jean Macé, le mardi 6 septembre et le mercredi 13 septembre, n’ont rien données. « L’inspecteur d’académie m’a donné l’image d’un fonctionnaire obéissant au service d’une institution qui n’est pas à la hauteur », confie Michel Christian. « Il a relativisé la suppression de poste jusqu’à remettre en cause le bien-fondé même de l’utilité d’un CPE. Il a reconnu que l’on était en crise mais il n’a rien proposé pour en sortir », dénonce-t-il. Une fin de non-recevoir confirmée par les professeurs : « Le rectorat est complètement fermé. Ils nous disent que si on n’arrive pas à s’en sortir avec un tiers de moyen CPE en moins, c’est qu’on est mal organisé. Ils rejettent la faute sur nous », regrette Louis Guérin.
« Avant, quand on demandait une audience au rectorat, on espérait récupérer quelque chose parce qu’ils gardaient toujours une enveloppe pour régler le problème » ajoute Pascal Favriou. « Maintenant, ils nous disent que les suppressions de postes sont une question « d’équité » pour favoriser les établissements sous-dotés, mais on se demande bien où passent les CPE. C’est juste une baisse de moyen déguisée ». D’après une tribune signée par différents syndicats, sous le ministère Blanquer, 7900 postes d’AED, de CPE, d’AESH, de personnels médico-sociaux et d’enseignants ont été supprimés. Pour le représentant syndical, ça ne fait aucun doute, « il y a une volonté de détruire les services publics ».
Même si les professeurs sont « loin d’être optimistes » quant à la suite donnée à leurs revendications, ils gardent espoir d’avoir du changement en poursuivant ce type de mobilisation rassemblant plusieurs établissements. « Même s’il existe déjà une coordination au niveau de Villeurbanne, cela permet de se réunir, de discuter, de déterminer ensemble de ce qu’on a besoin et donc d’élargir la portée des revendications », explique Louis Guérin.
Aurore Ployer