Lyon, Tribunal de Grande Instance, comparutions immédiates.
Début avril, trois jeunes sont interpellés à la suite d’un vol par effraction sur la commune de Caluire. Le délit est aggravé par le fait qu’ils sont trois. Le président demande aux trois jeunes de décliner leur identité et leur âge. Pierre* a 29 ans, Paul* 20 ans et Jacques* 21 ans.
La première partie de l’audience doit déterminer si c’est un acte avec préméditation ou non. Les témoignages sont contradictoires. L’un des accusés laisse entendre, malgré lui, qu’il y a bien eu préméditation. Les deux autres déclarent avoir décidé d’agir « dans la voiture, une fois devant la maison. » Mais les accusés étaient vêtus de noir, avec des capuches, et semblaient bien organisés puisqu’ils avaient des marteaux pour ouvrir les portes. Le procureur semble septique.
Pierre, 29 ans, est serveur en CDI. Il essaie de se justifier : « C’est une erreur. Mon salaire ne me suffit pas ». Paul, le plus jeune a « essayé de créer une entreprise commerciale sur les marchés », mais celle-ci serait en train de couler d’après lui. Jacques, le troisième accusé, explique sa situation d’un air désespéré : « J’ai cherché du travail depuis que je suis sorti de prison, mais cela n’a jamais abouti. J’ai 21 ans et je n’ai pas d’expérience. C’est pour ma dignité, je ne veux pas dépendre de ma copine. » Les trois jeunes affirment avoir agi afin de compléter leurs fins de mois, car ils ne veulent pas dépendre financièrement de leurs familles et amis. Tous ont déjà fait de la prison, neuf ans pour le plus expérimenté des trois. Lorsque le président lit leur casier judiciaire, la liste des délits est longue.
L’avocat de la partie civile, qui représente les victimes absentes lors de l’audience, prend la parole. « Il y aura un avant et un après pour la famille. Ce n’est pas un acte neutre. Le butin n’est pas consommé mais le préjudice est bien réel. Il y a un préjudice moral pour la famille […] Découvrir le sanctuaire qu’est leur maison, dévastée, retournée, avant de découvrir la chambre de l’adolescente totalement ravagée. »
Le procureur évoque alors un « mépris total pour les victimes » de la part des trois jeunes hommes. Il réclame dix-huit mois ferme pour Paul, et deux ans pour ses compagnons. S’adressant aux jeunes, il leur demande : « Vous n’arrivez pas à subvenir à vos besoins, alors vous préférez aller vous servir chez les autres ? Expliquez-moi comment cela est possible. » Aucune réponse dans le box des accusés.
La défense prend la parole à son tour : « Serait-ce un échec du système éducatif ? Il y a là une perte de valeurs, une perte de repères. La solution n’est pas la condamnation. Le schéma ne doit pas se répéter de génération en génération. » (en référence à Jacques qui a dû se débrouiller seul pendant son adolescence et qui ne verra pas son enfant grandir, car il sera en prison, NDLR). L’avocate met en avant la volonté des garçons qui veulent se réinsérer et devenir indépendants. Ainsi que l’intelligence des accusés, car, selon elle, « ces jeunes ne sont pas dénués de sens. Vous avez bien vu que l’un a un CDI, l’un essaye de monter son entreprise. Tous cherchent à s’insérer dans le monde professionnel […] Il faut aider ces jeunes. Une peine mixte serait plus adaptée. » L’avocate conclut son réquisitoire en soulignant la « sévérité absolue » des peines demandées.
Après délibérations, les trois jeunes sont reconnus coupables des faits reprochés. Ils écopent de 2 ans et 6 mois de prison. Soit plus que les réquisitions du procureur. À l’annonce de la peine, Paul et Jacques applaudissant, alors que Pierre manifeste son mécontentement par de simples mouvements de tête. Paul interpelle le juge : « Mettez-moi dix ans si vous voulez ! Je vais la faire ma peine ! On m’a dit que je ferais un an de prison sur un orteil. J’ai dix orteils. Mettez-moi dix ans ! Même si vous me donnez 20 ans, je rigole. Allez-y ! Augmentez la peine ! » L’agitation est à son paroxisme. Les policiers présents avec les accusés dans le box se rapprochent pour leur mettre les menottes. Paul leur signifie alors : « Je ne vais pas m’enfuir, je vais la faire ma peine ! » Le président demande au greffier d’apposer la notion « outrage à magistrat » sur son rapport. Ce qui signifie que les trois jeunes seront à nouveau jugés, et probablement condamnés. Contrarié, Jacques s’en prend à son avocate. En l’applaudissant, il lui lance : « Bravo l’avocate ! Beau boulot ! Merci ! On vous paie pour faire quoi ? » Cette dernière se contente de hausser les sourcils, comme impuissante face à la décision rendue par la cour.
Les familles des jeunes semblent décourager quant au comportement de leurs proches et la sévérité de la peine. Une fois les prévenus partis, le juge s’adresse à leur avocate : « Essayer de leur parler pour les calmer », ce à quoi cette dernière répond, résignée : « Je vais essayer. Mais ce n’est pas toujours facile ».
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* les prénoms ont été changés