Femme battue : la droiture de la justice face aux aléas de l’amour

2 juin 2017, M. X apparaît dans le box des accusés pour être jugé pour violence envers son ancienne concubine avec qui il partage la garde de leurs deux enfants. Un jugement au verdict évident : l’homme sera condamné à six mois de prison dont deux fermes.  Cependant, le déroulement du procès ne se déroula pas comme à l’usage.

Après un an de prison pour des raisons d’une autre nature, M. X est cette fois appelé par la Cours pour avoir asséné trois coups de poing à son ex-femme : un à chaque œil, l’autre au nez. Divorcés depuis 2014, la jeune femme de Décines rendait visite à son ex-mari venu voir sa mère, pour lui réclamer la pension alimentaire qu’il refuse de payer depuis un an malgré l’accord devant un juge. “Elle me demande du liquide, tout le temps, c’est du racket !”. En s’approchant vers lui, elle aurait commencé à l’insulter avant de lui cracher dessus, chose qu’il n’a pas apprécié  et qui explique selon lui son emportement. Les policiers prévenus arrivèrent  sur place pendant que l’accusé traînait Mme Y par la nuque pour la “coucher sur la chaussée, au milieu du flot de voiture”.

“Je suis responsable de mes actes, mais pas du contexte”

La scène filmée, M. X reconnaît de suite ses torts et s’en excuse. Mais la complexité de la chose n’est pas là, et la vérité hélas devra être résolue dans le tribunal  de grande instance, avec un juge aux affaires familiales. Après un mariage houleux et violent, la dispute morale comme physique des deux protagonistes n’en finit pas. Ni tout noir, ni tout blanc, ce procès brise bien la vision manichéenne que l’on peut avoir de l’amour : la femme est également accusée par l’ex-mari de lui avoir asséné des coups de couteau, mais qu’il n’aurait pas porté plaintes pour les enfants. Enfants auxquels ils ne se soucient pas selon Mme Y : “J’étais enceinte j’allais toute seule à l’hôpital pour me faire soigner !”. “Elle est hystérique, elle prenait ma copine en chasse en voiture alors qu’elle a même pas le permis !” répond l’homme condamné onze fois pour refus d’obtempérer et conduite sans permis de conduire. Mais que pense la famille et leurs enfants de tout cela ?

La conjointe de l’accusé, Mme X se lève et hurle de colère : “Moi je suis témoin ! Et c’est une folle ! Elle m’a menacé avec une bouteille d’acide et j’ai perdu mon bébé ! “. La partie civile tente de la calmer mais elle continue “Et ses gosses elle les bat ! J’ai des photos ! On va lui envoyer la DASS à cette salope !”, avant de se faire virer de la salle. Alors que ses cris hystériques résonnaient encore dans le couloir et s’éloignaient progressivement vers la sortie du Palais, le procès continue. Après une énumération de tasses brisées sur la figure, de main-courante envers l’un ou envers l’autre, l’accusé se place en légitime défense, quoique abusive, face à une ex-femme jalouse de sa nouvelle concubine. “Je suis venue me plaindre de sa nouvelle compagne, oui, qui dicte tout ! Quand je dois lui donner les enfants, s’il va les voir ou non, si j’aurais une pension ou non… Elle ne veut même pas les accueillir dans son appartement qui ne lui appartient même pas !” se défend la victime. “J’en ai marre d’avoir peur, d’avoir des cicatrices…”. La juge déboussolée dans ce brouhaha émotionnel demande alors à Mme Y ce qu’elle attend de la victime, de l’argent ? “Non, je veux juste qu’il soit puni, qu’il ne puisse plus venir à Décines, à côté de moi. Je veux qu’il soit puni de tout ce qu’il m’a fait, il est violent. Même sa propre mère il la frappe !”. Nouveau tollé dans la salle, cette fois trois personnes se feront virer de la cours d’instance. “Elle se met des coups à elle-même cette folle !” s’exclame une personne de la famille de l’accusé. Et avant de menacer un policier qui l’extrait de lui “foutre une baffe”, elle crie dans un dernier râle qu’il faut sauver les enfants. Que faire face à une belle-famille ancrée dans un négationnisme profond face aux violences  du “mâle” familial. Une chose est sûre, ces deux jeunes gens d’à peine 25 ans ne savent pas communiquer calmement. “Si on se comporte ainsi dans un tribunal je n’imagine pas ce que ça donne dans un cercle privé”, notera le procureur.

Perçu comme un manipulateur par le procureur, l’accusé demande tout de même à ne plus être en contact avec son ex-femme, pour preuve : il a déménagé de Décines quelques mois auparavant. La victime aurait laissé un message vocal sur son répondeur stipulant qu’elle ne laissera pas M. et Mme X tranquilles tant que son sang ne coulera pas entre ses doigts. De simples paroles pleine de colère ? La limite entre les mots et les actes est très mince lorsque l’on étudie leur relation de plus près. Certes, cet homme est condamné pour violence après 8 ans de liberté, mais que va-t-on faire pour ces enfants peut-être battus ? Les scènes d’hystéries collectives ou de violences toutes plus fantaisistes ou plus sombrement réalistes les unes que les autres sèment le trouble. Jamais nous ne quitterons un parquet sans avoir l’ombre d’un doute, il n’y a pas de pur innocent dans ce genre de cas, sauf un : les enfants, grands victimes de ce procès.

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