Mercredi 18 juin le cinéma Comoedia a permis la diffusion d’une séance exceptionnelle mêlant projection, échange et accessibilité. Organisée en partenariat avec l’Université Lumière Lyon 2, CinéSens et le Festival International du Film sur les Handicaps, la soirée a proposé la diffusion de sept courts-métrages suivie d’une rencontre avec les équipes et d’une expérience immersive autour de l’accessibilité.
Pensée pour être pleinement inclusive, la séance était accessible grâce à un ensemble de dispositifs : audiodescription, sous-titres SME, renforcement audio, et interprétation en langue des signes française. Dans une ambiance à la fois conviviale et attentive, étudiants, professeurs, spectateurs et professionnels du cinéma ont partagé un moment rare, où l’accessibilité n’était pas une contrainte, mais une condition de création.
Des courts-métrages étudiants engagés et loin d’être amateurs
Les courts-métrages présentés avaient pour thème le handicap, mais toujours traité avec subtilité, sans que celui-ci ne devienne l’élément central du récit. L’objectif : montrer que le handicap ne définit pas une personne, mais fait partie de réalités à représenter avec justesse. Ces films sont ainsi portés par une volonté double : faire du cinéma et donner aux futurs cinéastes le défi de l’accessibilité pour tous.
Réalisés en 84 heures dans un temps limité mais intense, par des étudiants de l’université Lyon 2 lumière et de l’école St. Joost School of Art & Design, la Wild Lam Foundation (Pays-Bas), ces films surprennent par leur qualité narrative et visuelle. Il ne s’agit pas de simples exercices scolaires : les scénarios sont variés et originaux, les bandes-son, souvent composées pour l’occasion, riches et sensibles, et la réalisation d’ensemble ne donne pas une sensation de travail amateur. Cette contrainte de temps a produit une véritable effervescence, faite de nuits blanches, de stress « positif », de réflexions collectives… mais surtout de beaucoup de talent. Au-delà de l’écriture et du tournage, cette aventure fut aussi pédagogique : les étudiants ont appris en pratiquant, en surmontant la barrière de la langue (le projet s’est déroulé en anglais), en travaillant dans l’urgence et en intégrant des acteurs en situation de handicap. Un projet collectif, où l’humain, le respect et la recherche de justesse étaient au cœur de chaque décision artistique.
Accessibilité : un droit culturel, un projet pédagogique
Derrière cette soirée se trouve l’association CinéSens, qui œuvre depuis plusieurs années à rendre le cinéma accessible à tous les publics, en soutenant la mise en place de dispositifs techniques adaptés (audiodescription, sous-titrage SME, renforcement sonore) et en sensibilisant les professionnels de la filière. Grâce à elle, cette séance a pu aller bien au-delà de la simple projection : elle est devenue un véritable espace d’échange et de retour d’expérience.
En effet, la rencontre qui a suivi la projection a permis aux spectateurs en situation de handicap de faire part de leur ressenti. Leurs retours, directs et précieux, ont offert aux étudiants un regard concret sur leur travail, pointant les réussites mais aussi les pistes d’amélioration. C’était une véritable boucle pédagogique, où la création artistique rencontrait son public dans toute sa diversité.
Un débat nourri s’est ensuite engagé autour de l’audiodescription : faut-il rester purement descriptif ou peut-on (doit-on) transmettre l’émotion ? Plusieurs points de vue se sont exprimés, soulignant que l’objectivité n’est jamais totalement neutre, et que le ton d’une voix ou le choix du vocabulaire peut transformer la manière dont un film est perçu. Que décrire ? Que taire ? Comment créer une ambiance sonore fidèle tout en restant accessible ? Autant de questions complexes, mais essentielles, pour repenser l’expérience cinématographique.Comment choisir les mots, le ton, la durée des silences ?
Cette soirée a fait émerger une ambition claire : celle de poursuivre cette démarche dans tous les futurs courts-métrages réalisés à Lyon 2. Il ne s’agit pas d’un simple « plus », mais d’une démarche pédagogique et éthique, qui affirme que l’accessibilité doit faire partie intégrante de la formation et de la création cinématographique. Avec Ça court dans tous les sens !, c’est une autre façon de faire du cinéma qui s’est dessinée : collective, inclusive, expérimentale, et tournée vers un avenir plus juste pour toutes et tous.
Article signé Jade DUPOND