Quartiers populaires et tradition locale : la fin d'une exclusion?

Dans le Beaujolais, il existe une tradition que l’on célèbre chaque année : celle des Conscrits. Ca ne vous dit rien ? Rafika vous explique tout…

En ce moment, à Villefranche-sur-Saône, la fête est aux conscrits. C’est même une institution (il existe un musée des conscrits) ! Chaque année, le dernier dimanche de janvier, ceux dont le dernier chiffre de l’année de naissance correspond à l’année actuelle fêtent les conscrits. Ils sont répartis par classe d’âge. Par exemple, en 2010, toute personne née en 1960, 1970, 1980 … fera partie de la classe en 10. Il existe une couleur distinctive pour chaque classe d’âge : 20 ans vert, 30 ans jaune, 40 ans orange… Cette fête est liée à la conscription militaire. A l »époque, avant de partir sur le front, les jeunes des villages organisaient une grande fête. Aujourd’hui c’est pareil, la guerre en moins

Seule ombre au tableau (et pas des moindres) dans ce moment de fête : l’étrange sélection des participants. Ainsi, les habitants des cités, en clair près de la moitié de la ville , n’ont jamais reçu de carton d’invitation. Je n’ai jamais eu d’explications à ce sujet. Tout ce que je sais, c’est que personne de mon quartier n’ a été convié pour participer au défilé en costume et gibus (chapeau) dans la rue Nationale.

Je me souviens d’un reportage sur France 3 parlant d’un jeune métisse vivant dans un village qui avait porté plainte contre la municipalité car il était le seul de son âge à ne pas avoir reçu le fameux sésame. Existe-il une discrimination faite par les mairies qui organisent ces réjouissances ? J’ai toujours pensé que oui. J’ai deux ancêtres morts à Verdun pour la France et pourtant personne dans ma famille installée à Villefranche depuis cinquante ans n’a jamais été convié.

Ma position sur le sujet a récemment changé. Il y a quelques jours, ma petite sœur, qui va avoir 18 ans, me demande de l’accompagner acheter du tissu vert pour son gibus. « Ton quoi ? – Mon gibus, je vais fêter les conscrits vu que je vais avoir 18 ans. On fête aussi les 18 et 19 ans ». Un moment historique dans notre famille ! Mais je ne comprends pas comment se fait-il quelle y participe. « Comme je suis au Conseil Municipal des jeunes, je suis sur les listes c’est comme ça que j’ai été invitée. Mais tu peux aussi t’adresser au comité, il faut adhérer à ce comité », m’explique-t-elle.

Cela parait très simple en théorie, mais, dans la pratique, je ne connais personne du quartier qui ait fêté les conscrits : « C’est avec le comité que ça bloque, ce sont des anciens. C’est parce que les gens ne veulent pas y participer, ils ne s’inscrivent pas au comité non plus mais je connais plusieurs personnes du quartier qui sont présents dans le comité. En tout cas, le meilleur moment dans tout ça c’est le bal à la fin, un peu à l’américaine avec plein de jeunes. C’est ouvert à tout le monde. Il n’y a plus de différence entre les gens, on s’amuse ensemble ! ».

Auteur : Rafika Bendermel