Direction Villeurbanne à la découverte du projet « Les Instants » de la compagnie de théâtre Les Invisibles en collaboration avec l’association Moment R’Art. L’idée est originale, un personnage marionnettique (comprenez une marionnette à taille humaine) déambule dans le quartier Gratte-Ciel à la rencontre des habitants. L’occasion de croiser Albertino avec qui vous pourrez échanger le temps d’un instant ou plus longuement. Une courte interaction qui permettra de simplement discuter ou même d’interroger la mémoire.
Au cours de la semaine vous avez peut-être croisé un étrange personnage dans le quartier Gratte-Ciel à Villeurbanne. Vieux, rabougris et sacrément sympathique, il se nomme Albertino. Adepte de la balade, il va à la rencontre des habitants et crée un échange qui forme, le temps d’un instant, une performance artistique. Des plus jeunes aux plus anciens, personne ne reste indifférent face à Albertino. L’étonnement est souvent la réaction première, la joie, l’humour, la tristesse et parfois même la peur peuvent-être au rendez-vous. Ce personnage crée en chacun de nous une palette d’émotions, pourtant il est loin d’être humain. En effet, Albertino est une marionnette à taille humaine, incarné par Maxime, marionnettiste et fondateur du collectif Les Invisibles. Toujours à ses côtés, son compagnon de route Jérôme TOQ’R, artiste et photographe, qui a pour rôle d’immortaliser ces moments de vie, de théâtre du quotidien.
C’est dans le cadre du projet « Les Instants » qu’Albertino prend vie. Une démarche artistique née en 2017 avec pour volonté de mettre en avant la notion de souvenir, de mémoire. La première édition de ce « non-spectacle » s’est tenue dans le cadre de la commémoration de la Première Guerre mondiale à Amiens. Par la suite, Jérôme et Maxime ont voulu approfondir leur démarche en allant à la découverte de l’histoire des villes et territoires. L’occasion pour eux d’apporter un peu de culture dans la vie des citoyens. « Pour moi, c’est un non-spectacle. On essaie de créer du théâtre de vie, du théâtre du quotidien. On s’interroge sur comment la culture peut s’imprégner dans le quotidien des gens, ne serait-ce que, le temps d’un instant », détaille Maxime.
Spectateur mais surtout acteur
Un projet original qui se co-construit entre artistes et spectateurs : « Quel meilleur moyen de raconter une ville que de relater ses habitants. {…} ça nous tient à cœur que ce projet artistique ne soit pas mené, uniquement, par deux personnes, mais que ce soit un moyen de faire participer les gens dans la démarche artistique. », explique Maxime. La marionnette n’est d’ailleurs pas le sujet central, « Elle sert de médium à l’expression. Elle surprend, questionne, interroge, etc. Elle fait rire, pleurer, parfois peur, mais très rarement, elle laisse indifférent. Ça permet vraiment de créer, très facilement, une rencontre là où parfois les gens sont un peu plus frileux quand c’est un être humain. »
Vous l’aurez compris ce « non-spectacle » s’incarne et vit par les spectateurs qui sont amenés à se livrer, à se raconter. Albertino prend vie dans leurs regards, dans leurs capacités à ne plus le voir comme une marionnette mais plus comme un vieil homme à qui se confier. « Si on arrive à embarquer les habitants, à leur faire oublier qu’Albertino est une marionnette c’est qu’on a réussi », précise Jérôme.
Cette idée que ce sont les spectateurs qui créent le projet artistique se ressent également à travers les différents portraits réalisés par Jérôme au cours des déambulations. La marionnette n’y est jamais le sujet principal, c’est toujours l’habitant qui est représenté, mis en avant. « Généralement dans les expositions des Instants, la marionnette n’apparaît que très peu. Sur les photos, on voit un bout d’oreille, un bout de nez qui dépasse dans un coin. Le sujet n’est pas la marionnette, elle n’est que vecteur à l’expression, à la rencontre. Ce qui nous intéresse, c’est vraiment de mettre en valeur l’habitant, le citoyen, la femme, l’homme, l’enfant avec qui on parle. Ce qui nous intéresse dans ce projet c’est le rapport très humain. », développe le marionnettiste.
« L’art, il est accessible dans le faire, dans le vivre »
La culture et l’art sont de toute évidence essentiels, mais bien souvent on peut reprocher la difficulté d’accessibilité à ces domaines. À travers ce projet, Maxime et Jérôme transportent l’art dans la rue, dans le quotidien des habitants. « L’art est essentiel, la culture est essentielle cela tisse du lien, permet la rencontre, favorise l’expression… {…} On parle toujours de la question de l’accessibilité de l’art, je considère qu’il est accessible dans le faire, dans le vivre. » développe Jérôme.
À cela, Maxime ajoute : « Il y a une forme involontaire de développement de la sensibilité artistique. Les habitants ont très rarement vu ce genre de marionnette et souvent ça leur permet de mettre un peu d’art dans leur vie. {…} Ils peuvent juste saisir un mot, un regard, une petite pastille qui vient créer une respiration dans leur quotidien, qui parfois peut-être un peu compliqué. Ces petits moments-là, ces instants-là permettent de faire naître l’envie. »
La photographie pour immortaliser un instant
Le projet porte bien son nom, tout se résume à des instants de vie. Si ces moments sont éphémères, Jérôme les immortalise dans le temps à travers ses photographies. Un rôle qui peut paraître paradoxal mais qu’il ne l’est, en réalité, pas. « Le nom complet est les Instants, deux points, la mémoire et le temps présent. Dans les questionnements qu’Albertino va chercher, on fait émerger des mémoires, des témoignages que les gens n’avaient pas eu l’occasion d’exprimer. {…} C’est faire émerger des éléments de mémoire au présent. Il y a un temps présent qu’on va projeter sur un avenir (NDLR : à travers la photographie). La mémoire n’est pas que du souvenir elle se construit au quotidien, à l’instant, c’est ça qui peut-être un peu paradoxal. », rappelle le photographe, ce à quoi il ajoute « Ce qui m’intéresse, c’est de prendre en photo les habitants. Leur expression d’un instant. Cela me permet d’être un observateur de ce moment, j’ai la place la plus privilégiée. Auparavant, j’avais une petite frustration dans mon travail d’artiste de ne pas voir ce que les gens étaient en train de vivre. »
Immortaliser l’instant pour en laisser une trace. Le rôle de Jérôme est essentiel pour faire vivre le projet, mais son implication ne s’arrête pas là. Tout comme les spectateurs son rôle premier est d’observer, pourtant il n’est pas rare qu’il donne la réplique à Albertino. Les deux artistes l’expliquent, ce n’est pas une mise en scène mais juste « des compagnons de route qui discutent ».
Les différents portraits, réalisés au cours des multiples déambulations d’Albertino dans le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, seront exposés durant l’année. Le lieu et la forme de l’exposition restent encore à définir. À l’instar du projet artistique, ces détails de programmation seront réfléchis avec les habitants.
Léo Ballery / Aurore Ployer
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