A l’occasion de l’entre deux tours retrouvez l’interview de Yves Blein, candidat de la majorité présidentielle, dans la 14eme circonscription. Interview réalisée par Aurore Ployer le 10 juin 2022
Yves Blein, député de la 14ème circonscription depuis 2012, est un candidat expérimenté en politique. Il a accumulé plusieurs mandats locaux sous la bannière du Parti Socialiste (PS), comme celui de maire de Feyzin pendant 17 ans (de 2000 à 2017), et celui de vice-président du Grand Lyon aux côtés de Gérard Collomb de 2005 de 2012. Il a rejoint La République En Marche en 2017, dont le parti a été renommé récemment Renaissance et se représente aujourd’hui pour la majorité présidentielle. Sa circonscription, qui regroupe Vénissieux, Saint-Fons, Feyzin, Corbas, Solaize et Saint-Priest Ouest est la plus pauvre du département. Un quart de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
L’ancien maire de Feyzin souhaite qu’on le présente comme un « député actif et passionné par l’économie », parce qu’elleestd’après lui « la source de l’emploi, quelque chose d’essentiel dans la vie ». Il insiste sur sa « passion » pour le modèle de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Il s’agit d’un ensemble d’entreprises qui se préoccupent en premier lieu de leur impact social ou écologique (associations, fondations, mutuelles, coopératives, entreprises sociales), dont on ne soulignerait pas assez les mérites : « l’ESS emploie 2 millions de personnes en France dans toute une série d’activités, comme la santé, la solidarité, l’éducation, dans un but non lucratif. C’est une alternative ».
Vous parlez d’économie sociale mais l’opposition dénonce aujourd’hui une mauvaise répartition des richesses et l’augmentation des inégalités au profit du grand capital. Que répondez-vous ?
Jean-Luc Mélenchon n’a pas un mot sur l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Pour lui, une meilleure répartition des richesses signifie tout piquer aux actionnaires et redistribuer. C’est la meilleure façon de faire fuir les gens. Il n’y a pas que le CAC 40 : 2 millions d’entrepreneurs vont arrêter d’employer s’il applique son programme. Ce sera un retour au chômage de masse. Je propose de booster le modèle de l’ESS en continuant d’alléger la fiscalité des entreprises concernées, afin qu’elles puissent bénéficier des mêmes aides que les entreprises classiques. Le Crédit d’Impôt de Taxe sur les Salaires (CITS), institué en 2017 et qui s’inscrit en parallèle du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) est un exemple de dispositif qui permet un parallélisme entre la fiscalité des entreprises classiques et des entreprises de l’ESS. Une association qui gère un EHPAD devrait avoir les mêmes allégements de charges qu’Orpea. Je travaillerai activement sur la question des salariés de l’ESS qui, même s’ils profitent de conventions collectives, doivent être mieux pris en compte.
La France comptait 1,5 millions de NEETs (jeunes ni en emploi, ni en étude, ni en formation) en 2019. 27,5% des moins de 30 ans sont considérés comme pauvres dans votre circonscription. Que proposez-vous pour mieux insérer les jeunes sur le marché du travail ?
Les réponses à apporter à ces publics-là ne sont pas uniformes. D’abord, nous avons proposé le contrat engagement jeune en mars 2021, un dispositif central. Dès l’âge de 16 ans, un jeune peut avoir des rendez-vous réguliers avec un conseiller emploi pendant 18 mois. Il est indemnisé à la hauteur de 500 ou 600 euros par mois, ce qui lui permet d’accéder à un premier revenu d’autonomie. Le suivi personnalisé permet de faire un stage en entreprise, de se réinscrire en formation, d’être en recherche d’emploi. C’est une forme de contrat entre lui et la nation, il y a une contrepartie à l’aide qui est versée. D’autres plans sont dédiés comme le plan 16-18, confié à l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA). Elle permet d’offrir des circuits d’insertion professionnelle dans les métiers en tension comme la restauration et le tourisme. Il y a également le service civique, dont le président avait décidé de doubler le nombre de missions. Il existe divers canaux qui permettent aux jeunes de retrouver une activité professionnelle.
Pensez-vous que cette approche qui s’intéresse à l’employabilité des jeunes est compatible avec le versement d’une aide pour éviter à certains de tomber dans la grande précarité, sur le modèle du Revenu Solidarité Jeune mis en place par la Métropole ?
Je regarde avec beaucoup d’attention l’initiative de la métropole, je ne la trouve pas inintéressante. Je suis prudent sur le terme d’assistance. Assister une personne en grande difficulté, qui a du mal à retrouver le chemin de l’insertion professionnelle, c’est tout à fait normal, mais l’assistance pour les jeunes doit se construire sur la base d’un contrat qui leur permet de progresser. Je ne suis pas d’accord avec un revenu d’existence sans contrepartie. Quand on a une vingtaine d’années, il faut qu’on ait le souci de construire son avenir, ils peuvent bénéficier de la solidarité nationale mais c’est donnant – donnant.
Soutenez-vous le conditionnement du RSA à 15h ou 20h d’activité par semaine, sur le modèle du contrat engagement jeune, comme cela a été évoqué par Emmanuel Macron ?
C’est déjà le cas ! Je suis stupéfait de la polémique. Michel Rocard, en créant le Revenu Minimum d’Insertion (RMI), avait déjà pour principe un contrat par lequel l’allocataire s’engageait à suivre une formation et faire les démarches nécessaires. Malheureusement, les départements se sont plus concentrés sur la distribution de l’aide plutôt que sur l’insertion. Il s’agit d’être fidèle à l’esprit de l’aide.
A ce propos, Martin Hirsch, qui était à l’initiative du RSA en 2009, a écrit une tribune dans Le Monde soulevant les problèmes concernant l’obligation d’activité pour les bénéficiaires du RSA. Selon lui, les pouvoirs publics doivent d’abord améliorer leur accompagnement vers l’emploi, puisqu’il faut aujourd’hui 6 mois pour décrocher un premier entretien avec le conseiller référent. Que répondez-vous ?
Le président de la République veut agir sur la dispersion des moyens qui sont destinés à accompagner les demandeurs d’emploi. L’idée serait de créer un grand service qui s’appelle France emploi, qui fusionnerait pôle emploi et les missions locales afin de mettre de l’ordre dans tout le dispositif d’accompagnement. Il y a aujourd’hui 40 000 organismes de formation en France. Il y a sans doute des moyens nécessaires, mais ils sont trop fragmentés. Il faut rationaliser.
Je suis avec beaucoup d’attention l’expérimentation Territoires zéro chômeurs longue durée. Des personnes au chômage représentent un coût important. Ce coût, transformons-le en emploi : au lieu de payer 1000 euros d’indemnité chômage, payons la personne pour effectuer une tâche d’intérêt général. Villeurbanne a été dans les territoires expérimentaux. Cela ne permet pas forcément de retrouver un emploi pérenne, mais au moins de retrouver une vie sociale.
Que proposez-vous pour aider les plus modestes à faire face à l’inflation ?
L’inflation n’est pas structurelle, elle est liée à des phénomènes exogènes, en grande partie la guerre en Ukraine, ce qui entraîne la hausse du prix de certaines matières premières comme le pétrole ou le gaz. On devrait retrouver une inflation normale courant 2023. Les réponses à apporter sont donc de nature conjoncturelle, comme le bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz, qui limite la hausse des prix à 4%, soit l’augmentation normale prévue. Il y a également l’aide à l’achat d’essence, les 18 centimes de la prime au litre d’essence qui ont été débloqués et prolongé jusqu’à la fin août. Ensuite, pour aider les gens à faire face aux premières nécessités, ce sera le versement de l’indemnité inflation qui sera fait directement sur le compte en banque de 5 millions de personnes dès le moins de septembre. Il y a également la suppression de la redevance audiovisuelle publique, l’indexation des impôts sur inflation pour ne pas changer de tranche d’imposition et une incitation très forte pour les entreprises à augmenter les salaires avec un triplement de la prime Macron.
Un rapport de la Cour des comptes en 2020 indiquait que l’attractivité des Quartiers Politique de la Ville (QPV) n’avait pas beaucoup augmentée en 10 ans. Que faut-il faire pour plus d’efficacité ?
Il faut redoubler de moyens sur la question éducative, pour tout ce qui concerne l’amélioration du cadre urbain, les moyens sont là. Beaucoup d’argent a été mis dans la rénovation urbaine mais pas suffisamment dans la rénovation sociale. Il faut qu’on porte l’effort sur la question humaine. D’abord, l’éducation : il faut poursuivre le dédoublement des classes, descendre cela à la maternelle et accroître de l’ordre de 300 000 places l’offre de garde petite enfance. Il faut développer les cités éducatives, comme aux Minguettes-Clochettes. C’est 600 000 euros de crédits annuels qui vont à toutes les activités pouvant accueillir les enfants en dehors de l’apprentissage scolaire. Par rapport à la question de la précarité, nous souhaitons verser à la source les aides sociales pour éviter le parcours du combattant.
Emmanuel Macron a esquissé l’idée d’une planification écologique. Que porterez-vous à l’Assemblée nationale à ce propos ?
Undes gros sujets en matière de transformation écologique sur la circonscription concerne l’accompagnement des entreprises. Symbio est une co-entreprise créée par Michelin et Faurecia, deux équipementiers automobiles qui se sont mis en commun pour inventer les batteries à hydrogène. Leur première équipe est installée à Vénissieux mais elle doit ensuite s’agrandir et s’installer à Saint Fons, dans la vallée de la chimie. Cela représente 1 000 emplois à Saint-Fons consacrés à la question de l’hydrogène. Promouvoir et facilité la tâche de ces entreprises, c’est trouver les emprises industrielles, le foncier, la main d’œuvre, les filières de formation : on est au cœur de la mission d’un parlementaire. Les industriels s’appuient beaucoup sur nous sur ces sujets-là. Suite au vote européen de l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 13 ans, la question de l’avenir de la raffinerie de Feyzin se pose également. Il faudra prendre le taureau par les cornes avec Total.
Au même titre que les 13 autres députés du Rhône, Yves Blein a été accusé par Alternatiba Rhône d’avoir participé au « sabotage climatique et à la destruction du vivant », notamment à cause d’un vote en faveur des néonicotinoïdes et pour son soutien du e-commerce. Il explique que son vote contre un amendement en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes s’était tenu à 2h du matin et que le texte ne prenait pas en compte de solutions satisfaisantes pour les agriculteurs. Le nouveau quinquennat semble néanmoins marqué par l’idée d’une planification écologique, à la fois par la majorité présentielle et par l’opposition à gauche, mais les moyens diffèrent pour la mettre en place.
Aurore Ployer