La grève des salariés de Renault Vaulx-en-Velin s’est poursuivie ce vendredi 10 juin. Alors que la question des mutations devient de plus en plus urgente, les raisons floues de la fermeture du site sont toujours contestées par les salariés.
« On a un sentiment d’injustice car on s’est donnés pour la boîte pendant des années. Ça tourne toujours autant, les clients sont toujours satisfaits, et l’annonce comme ça de la fermeture, ça ne passe pas ». Les mots de Jason, en poste depuis 10 ans et chef de centre Renault minute, résument l’incompréhension toujours unanime des 105 salariés de Renault Lyon Est à Vaulx-en-Velin suite à la décision de la direction. Si elle est revenue sur ses propos qualifiés de « discriminatoires » par la municipalité, les raisons invoquées pour la fermeture restent floues.
Alors qu’un doute subsiste sur les chiffres, les mutations traînent
Lors d’une réunion avec les délégués syndicaux Amara Fenniche et Christian Padey, mercredi 8 juin, la direction du site Renault Lyon-Est est revenue sur ses propos justifiant la fermeture du site par « l’insécurité et des zones de non-droit, clairement défavorables aux activités de l’entreprise ». Désormais, seul le mauvais bilan est mis en avant, sans plus d’explication. « Certes, les chiffres qu’ils nous communiquent sont en perte d’argent », témoigne Christian Padey « Je ne dirai pas qu’ils mentent sur les chiffres, mais ils peuvent les faire tourner à leur avantage », dénonce-t-il. Le syndicat pense que le réel plan de la direction est de réaliser une opération financière : « Renault s’est séparé d’énormément de garages en France, vendus à des concessionnaires privés ». Pour le délégué syndical, une éventuelle revente du garage serait une preuve que le bilan n’était pas si mauvais : « S’ils vendent le garage cher alors qu’ils disent qu’il perd de l’argent, c’est étrange, on pourrait alors douter de leur bonne foi ».
Outre éclaircir l’aspect économique, l’autre préoccupation majeure concerne les mutations. D’après Christian Padet, deux salariés de Vaulx-en-Velin ont déjà retrouvé un emploi dans un autre site lyonnais car « sur certains postes, Renault est tellement en manque de main d’œuvre qu’ils les mutent en priorité pour pallier le déficit d’ouvrier ». Pour l’instant, les autres n’ont pu émettre que des souhaits qui, rappelle le délégué syndical, « n’engagent personne ». 50% espèrent poursuivre leur carrière à Renault Lyon Sud, 32% Renault Rillieux, 18% à Lyon Nord, site le plus éloigné. Même si la majorité devrait conserver leur emploi, les salariés s’inquiètent d’une réaction en chaîne : « Est-ce qu’à Lyon, le fait qu’ils essaient de se débarrasser d’une concession, ça ne va pas entraîner la fermeture des autres concessions derrière ? » s’interroge Patrice Odet, employé carrosserie depuis 3 ans.
Des salariés qui ne savent pas où ils vont aller et ce qu’ils vont y faire
Deux mois après l’annonce de la direction, les employés sont dans la tourmente. Tous ignorent, encore, où ils iront et si leurs demandes seront respectées, une situation que dénonce Amara Fenniche, délégué syndicale CGT : « C’est frustrant pour les salariés ! Cela fait déjà un petit moment qu’ils attendent une réponse, il faut qu’ils puissent s’organiser. (…) Quand vous pique quelqu’un au cœur en le laissant dans le doute, ça lui fait du mal. En ce moment, les salariés souffrent. Et ça c’est inacceptable ! D’un point de vue humain et social on ne peut pas le tolérer. On veut des réponses claires, précise et rapidement, pour éviter cette souffrance ».
La majorité des postes ne nécessitent pas de renfort, par conséquent, tous ne continueront pas d’exercer métiers actuels. A l’instar de Jason, « Je ne pense pas pouvoir reprendre mon poste dans un autre établissement, il est déjà pris partout, je n’aurai plus de poste à Renault Minute. ». Une situation que le jeune homme regrette tant il est attaché au site : « ça fait un peu garage familial. On y a un certain attachement, on connait les habitudes des clients, des collègues, là-bas ça ne sera pas pareil. On va y aller avec une injustice, on va peut-être amener une mauvaise ambiance, ce n’est pas le mieux pour la marque ». Malgré tout, il ne perd pas espoir et reste positif : « On ne lâche rien, on est motivés, c’est propre à l’établissement ! Lyon Est, ça a toujours été réputé pour avoir la tête solide. On a une position, on ne reviendra pas en arrière. Ce qui nous motive encore ce sont les clients. On continue à s’en occuper, aussi bien que d’habitude. »
Des soutiens toujours plus nombreux
Pour garder le moral, les salariés peuvent également compter sur leurs nombreux soutiens. A commencer par les habitants de Vaulx-en-Velin, qui soutiennent les employés et dénoncent, eux aussi, la discrimination dont fait preuve Renault. Jalel a grandis et a toujours vécu à Vaulx. Fier de sa ville, il réfute les propos qu’a pu tenir la direction de Renault.
Autre soutien de poids, la municipalité de Vaulx-en-Velin se mobilise pour la concession. À l’initiative de la conseillère municipale Ange Vidal, le conseil municipal a voté à l’unanimité un vœu demandant le maintien sur site de l’activité, ainsi que des excuses publiques. Si cette réaction de la municipalité pourrait relancer l’espoir des employés, ils préfèrent rester réalistes : « Honnêtement, on ne va pas se poser la question, si on a une touche d’espoir que la concession ne ferme pas. On va plutôt montrer un exemple pour les autres confrères comme quoi il faut se battre et se faire entendre, faire entendre sa voix et remercier toutes les personnes qui sont là en soutien ».
Les salariés ont également reçu le soutien de l’ancien candidat à la présidentielle Philippe Poutou. A travers une vidéo, il a passé un message d’encouragement et de soutien aux employés, en compagnie d’Abdelkader Lahmar, candidat aux élections législatives dans la 7ème circonscription.
Si cette attention a su toucher les employés, le soutien de Phillipe Poutou ne fait pas l’unanimité. Hélène GEOFFROY, maire de Vaulx-en-Velin reproche au chef du NPA une « manœuvre électorale » et défini son soutien de « petit tour ».
Si les départs ont déjà commencé, l’incertitude reste de mise pour le reste des salariés et le bras de fer avec la direction se poursuit.
Retrouvez notre article précédent sur le sujet : Piquet de grève contre la fermeture de Renault Lyon Est – (lyonbondyblog.fr)
Aurore Ployer & Léo Ballery