L’école, lieu d’émancipation ? L’homme viril : mythe ou réalité ?… Non, ce ne sont pas les sujets d’un essai, ce sont les questions que nous avons eu l’opportunité de poser aux citoyens lyonnais pendant le projet Porteur de Paroles.
Il est rare que les citoyens soient questionnés sur des sujets d’actualité, et encore moins sur des thématiques philosophiques. Il y a toujours un mur, une « barrière de l’intellectualité » qui éloigne les grands débats de la rue et des citoyens, et particulièrement ceux qui font parti des classes défavorisées. Le problème de ne pas poser ce type de questions est qu’à la fin, nous nous trouvons face à une élite intellectuelle (qui est souvent aussi économique) qui n’arrive pas à interagir dans la vie quotidienne et avec le reste de la société. L’initiative Porteur de Paroles compte casser cette barrière et supprimer les obstacles afin d’avoir l’opinion de tout le monde concernant des problèmes qui sont finalement toujours collectifs.
Cependant, je pense que ce projet n’est qu’une petite partie d’un long processus de déconstruction des anciens standards et de la création d’une société plus participative. Lors de nos interventions dans les espaces publics, nous avons expérimenté quelques difficultés qui, selon moi, montrent que pour arriver à avoir de vrais débats et dialogues, il faut compter sur l’éducation, formelle et populaire.
La problématique la plus fréquente était sans doute de convaincre les passants qu’il n’y avait aucun but lucratif dans notre action. Certaines personnes n’arrivaient pas à croire qu’un groupe de jeunes voulaient seulement débattre avec eux. Quand nous arrivions à le faire, il était vraiment agréable de voir dans leurs yeux le soulagement et la curiosité pour la suite du débat. D’un autre côté, je me rends compte que nous ne savons pas débattre. Cela peut paraître un peu brutal mais c’est logique car nous avons toujours été de récepteurs d’informations depuis l’école et il n’existe pas d’interactions où nous pouvons être en désaccord et exprimer nos opinions. Pendant les conversations avec les gens, il était compliqué (mais pas impossible) d’établir un vrai débat. Souvent, les passants croyaient que c’était un entretien et donnaient leur avis sans attendre un contre-argument. Une autre chose très intéressante, est la manière dont nous sommes très conditionnés par notre contexte. Lors d’une intervention à Villeurbanne sur l’écologie, où la question était : « Environnement c’est foutu ? », les personnes questionnées ont immédiatement commencé à parler de la problématique des déchets dans leur quartier et du fait que les jeunes jetaient les ordures au sol. C’était vraiment étonnant de voir comment pour eux le problème écologique global était complètement en relation avec leur petit quartier. Profiter de cette intervention pour approfondir le débat, avec la même logique de « pensée globale, action locale » afin de trouver des solutions ensemble et faire agir les personnes du quartier, est un exemple clair de comment le projet Porteur de Paroles fonctionne.
Nous voulons tous nous sentir entendus et partager notre vision du monde, c’est à nous de lutter pour avoir un espace d’expression et des actions collectives dans notre société dont les seules limites sont les droits fondamentaux et le respect pour les autres et leurs différences. En somme, des projets comme le Porteur de Paroles nous rapprochent de cet objectif.
Sol Fernández Buman,
Volontaire Européenne à Concordia Rhône-Alpes
Corrigé par Capucine Ribeyre