Kacem de La Fontaine ou l’humour dans les fables

Kacem De La Fontaine est la nouvelle trouvaille du label artistique Be Cool. L’humoriste venu du quartier du Terraillon à Bron se fait progressivement une place de choix au milieu d’artistes confirmés. Avec des textes respirant la dérision ou l’ironie, ses apparitions dans les cafés théâtres de la capitale et du Graine de Star Comedy Club de Villeurbanne ne laisse pas indifférents. Découverte.

Comment t’es venue l’idée de te lancer dans l’humour ?

Il y a sept ou huit ans, je connaissais déjà Rman Meva et Nassim Bombo. Lorsqu’on se croisait, on parlait souvent de l’idée de se lancer et d’écrire des blagues. Un jour, on a écrit quelques lignes avec Rman dans une chicha. On a fermé le cahier et on a laissé tomber. Je l’ai perdu de vue pendant cinq ou six ans. Puis Yasmine, une amie à moi qui est la sœur de Bouchra Beno, m’a incité à faire de la comédie et à venir dans le café théâtre de son père Ali Benosmane, le Graine de Star Comedy Club. C’était aussi le repère de Rman et Nassim. Je les ai contactés sur Facebook et ils m’ont conseillé de rejoindre l’association Vaulx Premières Planches, fondée par Cheia Milouda. Le côté familial de cette structure m’a plu et ça a collé. Le VPP m’a offert l’occasion de faire une première scène ouverte au Mic-Mac cabaret, le 13 avril dernier à la Croix Rousse. Je suis arrivé sur scène. J’avais la tremblote et j’ai eu un gros trou. Ce n’était que ma première fois, mais cela m’a bien remis en question. On m’a ensuite proposé de passer les sélections pour le festival Rire d’Automnes octobre en 2014. Je n’ai pas été pris et j’étais un peu déçu. J’ai pris du recul pendant deux ou trois mois, mais je revenais voir mes amis sur scène et progressivement, j’ai retrouvé l’envie.

10458460_1418955251733342_1560258504342852822_nQu’as-tu tiré de ces premières expériences ?

J’étais un fainéant et je pensais qu’il fallait improviser. Ça ne marche pas comme ça. J’ai compris qu’il fallait travailler vraiment avec Nassim, Rman, Fayss 2 Face et Mehdi Ait Hamoudi, notre metteur en scène. C’est une condition pour avoir le droit de marcher avec eux. Je suis revenu au Graine de Star, j’ai participé au Catch du Rire, Ali m’a donné la chance de monter sur scène plusieurs fois. J’ai alors acquis une sorte de sérénité. Il y a un mois nous avons effectué à Paris un voyage sur quinze jours pour faire des scènes ouvertes sur différents cafés-théâtres. Là bas, j’ai joué plus de fois qu’en une année ici ! J’ai découvert un autre monde.

« Porter une barbe n’est pas une fatalité »

Quelles sont tes lignes de conduite ?

Il faut rester dans le vrai, ne pas être hypocrite et suivre ses convictions. C’est un domaine exigeant qui nécessite énormément de travail. Pour la plupart, on n’a pas d’emploi et on vit dans la précarité. Les gens ont tendance à voir cela comme de la fainéantise. J’ai pourtant beaucoup travaillé : j’ai été installateur de panneaux photovoltaïques, gérant de mon propre restaurant snack, puis la situation est devenue difficile. Alors autant s’investir à fond sur la comédie !

11082925_1426493347646199_1840973779_nTu as un spectacle en cours d’écriture…

Oui. J’ai un personnage et un univers. Je sais donc où je veux aller. J’use un peu de poésie, car il ne faut pas oublier quel est mon nom de scène. Je joue de mon personnage musulman et j’évoque le djihadisme. Mon but est d’arriver à maîtriser la langue française pour faire comprendre que ce n’est pas parce qu’on a une barbe et qu’on est d’origine maghrébine qu’on ne peut maîtriser la prose. Il faut arrêter de regarder seulement ceux qui s’en sortent par le rap et le foot.

« Pour aborder ce sujet, il faut avoir les reins solides »

Pourquoi es tu si attaché à tes thèmes de prédilection ?

Quand je monte sur scène, je ne fais que raconter ma vie. J’essaie de retranscrire toutes mes galères sentimentales, financières et sociales, mais de manière à ce que ce soit drôle. Mon but est de faire comprendre que je suis français et que ce n’est parce que je suis musulman que je vais tout faire exploser. Je pense que les gens ne sont pas bêtes. Ils arrivent tout de même à faire la part la chose. L’humour permet de décomplexer tout cela. Le rire fait passer le message, mais ce n’est pas aussi facile.

11096819_1426493260979541_721911954_nN’a-t-on pas un peu peur d’aborder des sujets aussi sensibles en ces temps difficiles ?

Cela dépend de la manière dont on amène les choses et avec quel angle on les aborde. Mais il est vrai que c’est plutôt délicat. Il faut avoir les reins solides. Quand je débute un sketch, je dis à tout le monde « As salam Alaykum Wa rahmatoulah wa barakatouth » en les regardant bien et pourtant j’arrive à les détendre. Ces paroles ne veulent dire que : « Que la paix soit avec toi ainsi que la miséricorde de dieu et sa bénédiction ». À Paris, je me suis trouvé un nouveau public âgé en moyenne de soixante ans et plutôt bourgeois avec qui le message est plutôt bien passé. Le fait de faire du stand-up me permet de rencontrer des gens d’un milieu différent.

« Je détestais Jean de La Fontaine »

Tu portes un nom de scène très particulier. Comment t’es venu l’idée de ce pseudonyme ?

Lorsque j’étais petit, je maudissais cet homme-là, car je n’arrivais jamais à apprendre mes poésies par cœur. Je prenais des zéros et j’étais tout le temps puni. Je me suis dit que me lancer dans l’humour avec un symbole fort serait bien. Jean de La Fontaine est une icône de la poésie et puis ses fables ne sont pas juste destinées qu’aux enfants. Il y a des morales, des vérités et même des punchlines (rires) ! Je suis en train d’apprendre sa biographie et sur mes sketches je m’appuie sur certaines de ses fables, comme avec « Attentat à l’amour ». C’est un sketch où je prends un air froid et je me présente en face du public en lui expliquant que c’est un poème d’amour. En fin de compte on ne sait pas vraiment si je parle d’une femme ou… d’une bombe. Je développe ainsi d’autres poèmes en lien avec ma vie.

Pour aller plus loin

Le graine de star comedy club, un sketch de famille

Le Festival rires d’automne, la banlieue ne perd pas e sens de l’humour

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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Une réflexion sur « Kacem de La Fontaine ou l’humour dans les fables »

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