Souad Bensaïd, une artiste enfin libre

Jusqu’au 22 juin, Souad Bensaïd, artiste plasticienne algérienne, résidente à Lyon, expose « Marabout, bouts d’ ficelles » à Paris. Portait d’une femme qui a fui le terrorisme en Algérie pour pouvoir dessiner.

Sous le chapiteau d’un marché africain, confinée sur sa chaise, une femme m’interpelle. C’est Souad Bensaïd, 43 ans. Derrière ses créations, elle sourit. Il y a dix-sept ans que Souad est en France. Elle a quitté l’Algérie à contrecœur car en 1990, le terrorisme pointe son nez à Oran. Souad a tout juste 25 ans.  Dans son atelier algérien situé au Boulevard Benzerjeb, un voisin habillé en tenue afghane entre dans sa boutique et la sermonne. “Il m’a dit qu’il fallait que j’arrête le dessin, que ce n’était pas bien. Il m’a aussi fait remarquer que je sortais beaucoup pour une femme. Moi, je n’avais pas conscience du danger. Je l’ai joué artiste à fond. Mon père avait peur pour moi. J’étais une femme, sortie des Beaux-arts d’Alger et d’Oran et je travaillais seule « , se souvient-elle.

Au fil du temps la situation se durcit dans le pays. Le danger est plus pesant pour les artistes, les journalistes et plus largement pour les personnes contre la dictature des intégristes. D’ailleurs en 1994, le directeur de l’école des Beaux-arts d’Alger, Ahmed Asselah, sera tué de plusieurs balles dans la tête. Lors du drame, Souad était déjà loin d’Oran, elle avait rejoint la France. « Je suis arrivée un 21 juin 1991, place de la République à Paris. J’étais déconnectée. En face de moi,  Johnny Hallyday donnait un concert en plein air. Il y avait beaucoup de monde« , sourit l’artiste.

Quelques années plus tard, après avoir fait des études de communication visuelle, Souad intègre l’université catholique de Lyon où elle sera l’une des premières musulmanes de l’école. Bien qu’elle fût contrainte de fuir son pays d’origine, Souad porte le Maghreb dans son cœur. En témoigne son exposition « Marabout, Bouts d’ficelles » à l’Espace K, Paris Xe. « Cette exposition est une démarche d’art contemporain qui parle de l’univers des femmes et de la mémoire fragile de nos aïeux. J’ai essayé de l’inscrire dans des matériaux rigides pour que cette mémoire reste dans le temps« , m’explique-t-elle. Au fil de l’exposition, vous pourrez découvrir, l’arbre à vœux dont le tronc et les branches sont en tuyaux PVC, des performances vidéos ou même le fameux « Biksini » réalisé avec le « K’ssa », voile qui recouvre entièrement le corps des femmes à l’exception des yeux. « J’ai voulu associer l’idée révolutionnaire du Bikini à celle du K’ssa. Dans les deux cas, on impose aux autres notre corps dans un vêtement « , raconte  une artiste enfin libre.

Par Naïma Daïra 

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