Sniper : « Les jeunes rappeurs ont les outils pour réussir »

Lors du Stars’Intercités organisé vendredi dernier par Fedevo au CCO de Villeurbanne, Tunisiano et Aketo du groupe Sniper faisaient partie du jury. À l’occasion du tremplin régional, les deux artistes livrent leur point de vue sur les jeunes artistes et les moyens de réussir dans le hip-hop.      

 

Quels sont les outils dont les jeunes artistes ont besoin pour réussir dans le rap ?

Aketo : Les jeunes ont tous les outils à disposition avec les réseaux sociaux. Une fois qu’ils disposent de leur production, ils ont les moyens de les diffuser facilement. Après, tout dépend de la motivation et de l’envie.

Tunisiano : Il y a le facteur chance également. Lorsqu’on rencontre la bonne personne au bon moment dans le cadre d’une collaboration. Avec l’ère d’internet, les gens font très attention à l’image et à ce que l’on dégage. Avant, le MC n’était jugé que par sa qualité artistique, car on ne le voyait que sur un disque. Aujourd’hui, on regarde son charisme ou son style vestimentaire. À l’époque de notre album Gravé dans la Roche en 2003, on arrivait en survêtement, les mains dans les poches et ce genre de choses n’étaient pas prises en considération.

Des artistes comme Jul ou Lacrim qui ont réussi grâce à internet illustrent bien cette tendance…

Aketo : Lacrim et Jul ont beau être considérés comme des produits marketing. Ils ont utilisé les outils qu’ils avaient à disposition. Jul s’enregistrait dans sa chambre pour ensuite poster ses vidéos. Lacrim travaillait dans le même esprit. Ils se sont fait tous seuls.

Tunisiano : Auparavant, les patrons de label travaillaient sur du développement d’artiste. Aujourd’hui, c’est le public qui choisit. Si tu dois être le MC du moment, c’est lui qui décidera et ce ne sera pas autrement.

sniper

« Il y a trop d’artistes dans le rap ! »

Les jeunes sont-ils exposés à une forme d’ultralibéralisme prôné par le rap commercial ?

Aketo : C’est la société qui veut ça. En ce qui nous concerne, on avait une conscience politique de gauche. On était un peu rebelles, mais on pensait aussi à gagner de l’argent. Le rap est à l’image de la société. Si tu veux faire le rebelle des années 90, tu coules. Je préfère voir un rappeur en train de vendre des disques que de faire des bêtises.

Après quinze ans de carrière, avec quel recul regarde-t-on les choses ? C’était plus facile avant ?

Tunisiano : Il y a plus de MC sur le marché. Aujourd’hui, au nombre d’artistes ne serait-ce que sur les sites de rap, on s’y perdrait ! Ils viennent des quatre coins de la France et se démarquer est devenu vraiment problématique. À notre époque, il fallait être une gâchette pour dépasser les autres et s’imposer par l’écriture.

Aketo : Il y a un peu des deux. Mais on aurait tendance à dire que c’est plus facile aujourd’hui. Sauf que maintenant, il y a tout et n’importe quoi. Faire le tri est plus difficile. À notre époque, il fallait se déplacer, car on ne pouvait pas poster sur internet. C’est pour cela qu’il faut créer une stratégie de carrière pour se démarquer et créer le buzz.

 

Stars’ Intercités : une chance à saisir

Un concept comme Stars’Intercités assure-t-il une chance de réussite solide ?

Tunisiano : Ce projet est une main tendue. Il n’y a encore rien de garanti. On donne à ces jeunes une opportunité de se faire remarquer à travers les shootings ou les clips mis en jeu qui permettront d’obtenir éventuellement une envergure plus importante.

Aketo : C’est une chance à saisir. De notre temps, on profitait de toutes les occasions pour se faire remarquer. Il n’y avait pas forcément de tremplins. Mais quand il y avait La Fête de la musique, on s’y rendait avec l’espoir de réaliser une bonne performance et d’attirer l’attention et donc se faire remarquer par les maisons de disques.

 

Au-delà de votre rôle d’interprètes, vous avez aujourd’hui un profil de producteurs…

Tunisiano : Je produis le rappeur Vald qui est d’ailleurs passé au festival l’Original à Lyon cette année. On prépare son deuxième EP qui sort en septembre. C’est une expérience intéressante qui me permet de découvrir la nouvelle scène et de lui donner de la force à ma manière. J’écris aussi pour des artistes de variété, c’est une autre facette.

Aketo : Moi, je m’autoproduis. Cela fait quinze ans qu’on est dans le métier. Avec Sniper, j’ai été dans un label donc je sais comment concevoir un disque. À notre âge, on est disposés à mettre les mains dans le cambouis. J’avais un album prévu pour 2009 que je n’ai pu sortir pour des raisons internes avec mon label. J’y ai mis du temps, mais il devrait désormais arriver bientôt.

le jury

« Sniper s’est reformé sur scène »

Etes-vous des artistes hip-hop activistes ?

Aketo : C’est un grand mot ! Nous ne sommes pas sur le terrain comme Rudy Moradel le directeur de Fedevo ou d’autres qui sont les vrais acteurs de ce mouvement. Nous sommes très sensibles à ça et dès que c’est possible, on fait des ateliers et on vient à la rencontre des jeunes. Mais on ne va pas se donner un rôle qui n’est pas le nôtre.

Tunisiano : Dès qu’on peut donner de la force ou participer à un évènement qui nous parle, on répond présent.

Une question sensible : Sniper se reformera-t-il un jour avec le troisième membre du groupe Blacko ?

Tunisiano : On a fait un concert avec Blacko il y a quelques jours à Genève. Cela faisait huit ans que le groupe ne s’était pas retrouvé sur scène. Sniper s’est reformé ce jour-là. Après, on ne sait pas ce que ça va donner. Blacko travaille sur son projet Le Temps est compté, Aketo a soif de sortir son album. Chacun d’entre nous a besoin de s’épanouir et d’avancer de son côté. On pourra en reparler plus tard…

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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